Transfèrement des proches de Gbagbo à Boundiali Me Hervé Gouaméné (Avocat de la défense): “C’est une mesure illégale qui viole les droits de la défense”

Photo par PK.

Transfèrement des proches de Gbagbo à Boundiali Me Hervé Gouaméné (Avocat de la défense : ‘’C’est une mesure illégale qui viole les droits de la défense’’

Maître Hervé Gouaméné est l’un des avocats des Vingt-quatre proches de l’ex-président ivoirien qui étaient détenus à Abidjan et qui ont transférés à Boundiali (nord). Dans cette interview, il parle du transfèrement de ses clients.

Quelle est votre réaction suite au transfèrement de vos clients de l’Hôtel Pergola à Boundiali ?
Hervé Gouaméné : Cette mesure de transfèrement à la maison d’arrêt de Boundiali est contraire à la loi et viole manifestement les Droits de la défense de nos clients. Je dis cela pour deux raisons. Premièrement, il résulte de l’article 9 du décret N° 69-189 portant réglementation des établissements pénitentiaires et fixant les modalités d’exécution des peines privatives de libertés que « les prévenus sont maintenus en détention au siège de la juridiction saisie de la procédure pénale dont ils sont l’objet ». Dans notre cas d’espèce, ce sont des juges d’instruction près le Tribunal de première instance d’Abidjan Plateau qui sont chargés de l’information concernant ces personnes inculpées et placées sous mandat de dépôt. Au regard donc de cette loi, ces personnes doivent être détenues dans une maison d’arrêt dans le ressort territorial du Tribunal de première instance d’Abidjan. Nous savons tous qu’il y a encore des maisons d’arrêt opérationnelles dans pratiquement toutes les villes qui sont du ressort territorial de ce Tribunal. Alors pourquoi les transférer à Boundiali, une ville qui est à plus de 600 kilomètres d’Abidjan. C’est une violation du décret précité. Nous protestons et nous dénonçons cette violation des Droits de la défense de nos clients. Deuxièmement, les articles 7 de la Charte africaine des Droits de l’Homme et des peuples et l’article 9 du Pacte International relatif aux droits civils et politiques disposent : « Toute personne poursuivie ou détenue a le droit d’être jugée dans un délai raisonnable…. » . Or, en maintenant en détention nos clients dans une maison d’arrêt située à plus de 600 kilomètres du siège des juges d’instruction qui les poursuivent, il est incontestable qu’ils ne seront pas jugés dans un délai raisonnable.

Que comptez-vous faire ?
H.G : Dans un premier temps, il s’agit de rendre visite le plus rapidement possible à nos clients. Ensuite, engager toutes les procédures idoines pour mettre fin aux violations des droits de la défense de nos clients. Saisir d’abord les autorités administratives et par la suite initier des actions judiciaires devant les juridictions compétentes pour faire annuler cet ordre de transfèrement à Boundiali afin que nos clients soient ramenés dans une Maison d’arrêt qui est du ressort territorial du tribunal d’Abidjan qui les poursuit.

Dans la pratique, qu’allez-vous faire exactement ?
H.G : Je ne vais pas dévoiler dans la presse les détails des actions que nous comptons mener, mais j’ai déjà dis ce que nous allons faire.

Vos clients sont-ils bien traités ?
H.G : Nous n’avons pas encore eu la possibilité de leur rendre visite à Boundiali, de sorte que nous ne pouvons pas vous dire s’ils sont bien traités ou pas. Mais dans tous les cas, le plus important pour nous c’est que les lois ivoiriennes et les Conventions internationales relatives aux droits des personnes détenues ratifiées par la Côte d’Ivoire soient scrupuleusement respectées. Et cela va se faire, parce que nous voulons croire que nous sommes encore dans un Etat de droit.

Quelles sont les charges retenues contre vos clients ?
H.G : Il y a une quinzaine de charges qui sont retenues contre eux et qui se résument en deux grands groupes d’infractions : les infractions à la sureté de l’Etat, qu’on pourrait qualifier d’infractions politiques et il y a les infractions économiques.

Comment vos clients se sont-ils retrouvés à Pergola ?
H.G : Il y avait trois groupes de personnes qui se sont retrouvés à Pergola. Le premier groupe, ce sont les personnes qui ont été arrêtées le 11 avril 2011, à la Résidence présidentielle en même temps que le président Laurent Gbagbo. Elles ont été, dans un premier temps, détenues à l’hôtel du Golf et transférées par la suite à l’Hôtel Pergola. Ensuite, il y a le deuxième groupe de personnalités qui est venu de lui-même pour y trouver refuge et protection face à l’insécurité généralisée à Abidjan dans la période du 1er au 30 avril 2011. Enfin, il y a d’autres personnes qui ont été arrêtées aussi bien à leur domicile, qu’à leur lieu de travail et qui ont été transférées à la Pergola. Voici comment tout ce groupe s’est retrouvé à la Pergola.

Avant leur transfèrement à Boundiali, quel était leur état d’esprit ?
H.G : Ils se sentent tous victimes d’une injustice. Parce qu’on ne peut pas valablement poursuivre des individus pour avoir travaillé pour l’Etat de Côte d’Ivoire. C’est cela la vérité. On leur reproche d’avoir collaboré avec un président qui, dit-on, serait illégitime. Je tiens à dire qu’il s’agit purement et simplement d’un procès politique et nous nous indignons face aux violations des droits de la défense de nos clients qui ne sont en réalité que des prisonniers politiques.

Réalisée par K.A.Parfait
kaparfait@yahoo.fr

Légende : Maître Hervé Gouaméné, l’un des avocats de la défense, affirme que tout sera mis en œuvre pour faire annuler cette décision de transfèrement. Ph :K.A.P

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