Massacres et tueries de Duékoué – Amnesty accuse les FRCI (dozos et miliciens) et dénonce la faillite de l’ONU en Côte-d’Ivoire

la-croix.com

L’attitude de l’Onuci, la force du maintien de la paix des Nations unies, est pointée du doigt.

C’était le 29 mars dernier, à l’Ouest de la Côte d’Ivoire. Les FRCI, l’armée d’Alassane Ouattara, occupaient la ville de Douékoué. Les dernières forces pro-Gbagbo avaient déserté la localité dans la nuit, à la suite de violents combats. Au matin, des combattants en uniforme et des miliciens dozos ont investi le quartier de Carrefour, peuplé par l’ethnie guéré, réputée favorable au président sortant.

« Je suis allée voir les gens de l’Onuci pour leur dire que nos hommes et nos garçons étaient en train de se faire massacrer, raconte une habitante de Carrefour, en Côte d’Ivoire. Les casques bleus n’ont rien fait. »

Ce témoignage est tiré d’un rapport d’Amnesty International intitulé « Ils ont regardé sa carte d’identité et l’ont abattu ». Au terme de neuf semaines d’enquêtes sur le terrain, les chercheurs de l’association ont récolté des dizaines de témoignages sur les violences survenues en Côte d’Ivoire lors des six derniers mois.

Leur travail met en lumière « les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité » perpétrés par les pro-Gbagbo comme les pro-Ouattara, dans les zones qu’ils contrôlaient.
L’Onuci en question

Le document révèle surtout la faillite de l’Onuci, la force de maintien de la paix des Nations unies, lors du massacre de Douékoué. Les casques bleus disposent en effet d’une base à un kilomètre du quartier Carrefour, où 817 civils ont été assassinés par des combattants pro-Ouattara, selon la Croix-Rouge.

Un bataillon de 200 soldats marocains était sur place pour protéger la population civile. Ce jour-là, ils ne sont pas intervenus. « Pour justifier leur absence, ils nous ont expliqué qu’ils étaient assiégés », précise Gaëtan Mootoo, l’un des chercheurs d’Amnesty.

L’argument n’a convaincu aucun des observateurs sur place. D’une part, les combats avaient cessé le 29 mars, selon les témoignages des habitants. D’autre part, les soldats marocains ont quitté leur campement ce jour-là. Ils ont d’ailleurs visité le camp de déplacés de la mission catholique de la ville, en roulant sans s’arrêter devant la zone de Carrefour.

« Ils ont attendu le lendemain avant de se rendre à l’intérieur du quartier, aux côtés d’organisations humanitaires », précise Stephan Oberreit, directeur d’Amnesty France.
Fosses communes

Les défenseurs des droits de l’homme s’étonnent aussi de la manière dont les victimes ont été ensevelies par l’Onuci. Les casques bleus n’ont pris aucune photo des corps. Ils les ont entassés dans quatre fosses communes situées sur un marché ou un terrain marécageux.

« Aucune des règles internationales touchant à l’inhumation des cadavres n’a été respectée », déplorent les auteurs du rapport. Ces normes servent pourtant à récupérer les dépouilles après coup dans le cadre d’une enquête ultérieure ou d’un processus d’identification.

Autre constat inquiétant, l’absence de renforts dans la région de Douékoué. Dix jours après le massacre, l’Onuci n’avait toujours pas jugé bon de renforcer le maigre contingent marocain.

« Or, les exactions dans les villages ont continué, note Salvatore Saguès, chercheur à Amnesty. S’agit-il d’aveuglement de la part de l’Onuci ? De négligence ? Ou pire encore ? En tout cas, les renforts étaient disponibles et le pire aurait pu être évité. » Douékoué avait déjà été le théâtre de violences entre communautés en janvier 2011.
OLIVIER TALLÈS

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