La Côte d’Ivoire, entre bonheur et rancœurs

Par Jean-Baptiste Placca

Par RFI

Jamais, depuis les obsèques de Félix Houphouët-Boigny, Yamoussoukro n’avait accueilli cérémonie aussi grandiose que celle que l’on nous promet pour ce samedi 21 mai. Pour son investiture, Alassane Ouattara a choisi le village natal du père de l’indépendance, devenue capitale de la Côte d’Ivoire, en 1983. Cela vaut couronnement. Mais le vainqueur que célèbrent les chœurs triomphants peut-il faire oublier que cette belle fête est aussi l’acte final d’une des pires tragédies électorales de l’Afrique indépendante ? Trois mille morts, nous dit-on. Peut-être plus.

Tandis que les partisans du président qui s’installe aujourd’hui dans la plénitude de son mandat savourent goulument leur bonheur, les rancœurs se ravivent chez ceux qui se considèrent comme les vaincus de l’Histoire, de cette histoire. Laurent Gbagbo a voulu la guerre, sans aucun doute. Il l’a eue. Il l’a perdue. S’il regarde la télévision, ce samedi, peut-être apercevra-t-il quelques-uns de ses amis et obligés d’hier participer à la fête, sans état d’âme, aucun.

Les débats enfiévrés entre partisans de Gbagbo et ceux de Ouattara n’ont plus cours sur les radios et chaînes de télévision. Les tams-tams se sont tus. Les plus inconsolables poursuivent néanmoins leur combat sur les réseaux sociaux. Ils commentent avec une extrême sévérité chaque acte posé par le désormais unique président de la Côte d’Ivoire. Et la dureté du ton laisse craindre que certaines meurtrissures ne soient incurables.

Voilà pourquoi il va falloir se parler, débattre. Entre Ivoiriens. Entre Africains. Le représentant du secrétaire général de l’Onu a déclaré un jour de décembre 2010 que même en prenant en compte toutes les réclamations posées par Laurent Gbagbo, celui-ci perdait la présidentielle. Peut-être faudrait-il mettre ces chiffres sur la place publique, pour en finir avec les invectives et cet interminable dialogue de sourds.

Paul Yao Ndré, le président du conseil constitutionnel, entré dans l’Histoire pour avoir proclamé élus deux chefs d’Etat pour le même mandat, a cru se dédouaner en mettant tout sur le compte d’une folie collective, soit disant parce que Satan aurait possédé tout le monde en Côte d’Ivoire.

Mais dans toutes ces gesticulations, jamais l’on n’a entendu un seul des barons du régime déchu reconnaître que Laurent Gbagbo a pu avoir perdu la présidentielle. Voilà qui laisse la porte ouverte à tout. Il faut juste espérer que Satan, à nouveau, ne vienne s’y engouffrer.

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