L’Intelligent d’Abidjan
Le président de l’Union des Patriotes pour la Libération Totale de la Côte d’Ivoire (UPLTCI), Eugène Djué par ailleurs superviseur des forces paramilitaires sort de son silence après le second tour de l’élection présidentielle du 28 Novembre 2010. Dans cette interview, l’aile dure de la galaxie patriotique revient sur le déroulement du second tour dans la vallée du Bandama, se prononce sur l’arrivée du panel des chefs d’Etat en Côte d’Ivoire et au met défi le Rhdp qui entame une ‘’révolution’’ à partir du 21 Février 2011.
Après le second tour de l’élection présidentielle le 28 Novembre 2010, vous vous faites rare sur l’échiquier politique ivoirien. Un retrait qui inquiète davantage vos militants.
Il n’y a pas de retrait, il faut que les Ivoiriens commencent à s’habituer à une situation où on ne parle pas trop. Je demande à tout le monde de ne pas trop parler pour ne pas avoir à regretter certains propos qu’on ne peut plus rattraper. Je préfère agir que de parler trop. A mon retour de Bouaké, j’ai fait un rapport que j’ai déposé à la direction de campagne et une copie a servi de document au Conseil Constitutionnel. J’ai ensuite fait des déclarations sur les chaînes internationales, à la Rti et dans les journaux et après j’ai compris qu’il ne fallait pas mettre de l’huile sur le feu parce que la situation était déjà assez tendue.
Comment avez-vous vécu ce second tour ?
Franchement on ne s’attendait pas à ce qui s’est passé parce que c’était tout à fait en contradiction avec toute la conduite du processus. Nous avons assisté à des situations qui nous font dire effectivement qu’il n’y a pas eu d’élection libre, crédible, juste et transparente dans notre zone. Avant les élections, la situation s’est dégradée gravement avec des braquages, des attaques de nuit avec toute situation qui rendrait difficile l’atmosphère et la vie à Bouaké. Le jeudi 24 Novembre 2010 avant la tenue de l’élection, il y a eu des braquages dans tous les hôtels et cela a traumatisé nos équipes qui étaient parties pour ces élections. Le déroulement de la campagne était aussi pénible parce que le Rdr avait investi le terrain et ne laissait aucunement la LMP s’exprimer. Toute personne portant des tee-shirts à l’effigie de Laurent Gbagbo était agressée. Plusieurs de mes jeunes qui étaient en campagne ont été agressés avec des motos. Nous avons été obligés de nous confiner dans des domiciles privés pour tenir quelques meetings. A la veille de l’élection c’est-à-dire le samedi 27 Novembre 2010, quatre de nos QG ont été attaqués (Koko-Bamoro, Ahougnanssou, Belleville et Air France). Le personnel arrêté et bastonné et les locaux saccagés. Tous ceux qui ont été arrêtés ont été traumatisés, les représentants des bureaux de vote, les assesseurs et les superviseurs. Le dimanche matin tout avait bien commencé lorsqu’à partir de 11heures on a assisté une chasse aux militants LMP qui étaient obligés de se mettre à l’abri pour ne pas se faire arrêter. Donc ils n’ont pas pu être présents au dépouillement, ni signer les PV de vote. Aux environs de 16 heures quand j’ai constaté que nos représentants n’étaient pas là, je suis allé voir le préfet pour lui dire que nos représentants ont quitté les bureaux de vote sous la menace. Le préfet m’a dit qu’il a fait lui aussi le même constat, mais que nos représentants n’auraient pas dû partir. Je lui ai répondu que c’était une question de vie ou de mort. D’ailleurs je n’ai vu aucun observateur dans les environs.
Le préfet de Bouaké a battu en brèche vos propos…
S’il bat en brèche nos propos dans ce cas, je demande un débat contradictoire. Le préfet ne peut pas dire que je ne l’ai pas vu ce jour et que nous n’avons pas eu cette conversation. Il ne peut pas dire qu’il n’y a pas eu violence sur nos militants parce que lui-même et le CCI ont secouru à l’école Nanan Yamousso l’un de nos militants répondant au nom de Kouakou Hilarion lorsqu’il était dans les mains de ses bourreaux. Quand je suis arrivé, il venait de sauver le jeune et la foule était encore excitée. J’ai trouvé le préfet en compagnie du commissaire Aka du CCI et il ne peut pas le nier.
Mais on ne vous sent pas trop aux côtés de vos jeunes frères lors des grandes manifestations de résistance
Vous savez, en ce qui concerne le meeting de la place de la République, j’avais d’autres missions. Vous devez comprendre que je suis toujours aux côtés de mes jeunes frères. Je ne suis plus jeune, je travaille quotidiennement à la conception et à la construction de nos projets. Nous sommes les doyens de cette lutte quand-même et n’oubliez pas que je suis de la génération 90.
Votre mutisme, votre absence dans les médias et dans les meetings ont fait circuler des rumeurs sur votre allégeance à Guillaume Soro…
Cette déduction se comprend à travers de petites habitudes qu’on commence à donner à nos militants ou à nos observateurs. Il faut que nous soyons chaque soir à la télévision. Une fois qu’on ne te voit plus, d’autres pensent que tu es allé ailleurs ou que tu as baissé la garde. Il faut que les gens retiennent que je ne suis pas un patriote de 2002, je suis un combattant pour la démocratie, je suis un combattant pour les libertés et pour le changement de la Côte d’Ivoire. Je me suis engagé auprès du président Laurent Gbagbo au moment où il était face au président Houphouët-Boigny. Face à Houphouët-Boigny qui avait toute la fortune, moi j’ai choisi Laurent Gbagbo, parce que je suis un homme de convictions. Pour le moment, nous sommes très avancés dans notre combat car, mon Mouvement, c’est la Libération Totale de la Côte d’Ivoire. Je ne sais pas ce que c’est aller au Golf car, cela ne me concerne pas. Si je rencontre mes amis du Golf, je leur demanderai de changer de position et d’attitude parce que cette façon de faire la politique n’arrange pas la Côte d’Ivoire. Moi, je n’ai plus rien à prouver du point de vue de la constance, de la loyauté et de la lucidité. Je ne suis pas un homme à vendre, à corrompre, à intimider, ni à impressionner. Il faut que les gens cessent de mener ces genres de petits combats de bas étages.
L’actualité aujourd’hui est marquée par l’arrivée du panel des chefs d’Etat dans le cadre du règlement de la crise ivoirienne…
Je voudrais dire au panel de suspendre immédiatement les mesures de sanctions individuelles et collectives qui pèsent sur la Côte d’Ivoire. Ces mesures économiques et diplomatiques sont inutiles, insipides et elles sont de nature à aggraver cette crise en créant des situations difficiles pour le peuple. Peuple dont on prétend vouloir respecter la volonté en cherchant à réinstaller quelqu’un qu’on dit avoir été élu par lui. Et donc, il y a trop d’incohérences. Si on doit résoudre la crise par les Africains eux-mêmes, les sanctions n’ont plus leur place. La Bicici, la Sgbci ferment parce qu’on prétend instaurer une démocratie d’un peuple qu’on fait souffrir. ‘’Démocratie’’, ça ne doit pas être le nouveau mot de l’Occident qui nous a pillés au nom de la ‘’civilisation’’, ça ne doit pas être un prétexte pour eux pour venir nous recoloniser. Il faut que le panel sache que la Cedeao et l’Onu ont échoué dans leur précipitation et il doit adopter des démarches africaines en repartant à zéro. Je crois que cette crise va connaître un dénouement pacifique. L’UA joue aussi sa crédibilité aux yeux du monde entier.
Partagez-vous l’idée de ceux qui récusent Blaise Compaoré dans ce panel ?
Ceux qui récusent Blaise Compaoré fondent leur thèse sur un argumentaire qui est partagé. Blaise Compaoré qui a géré cette crise donne aujourd’hui l’impression d’avoir choisi un camp. Il n’hésite pas dans les sommets d’attaquer Laurent Gbagbo. Sa présence ne rassure pas un camp, alors qu’il faut qu’on parte sur la base de la confiance pour que ceux qui font partie du panel fassent l’unanimité. Blaise Compaoré n’a aucun pouvoir d’influence sur le panel et sa décision n’est pas prépondérante.
Le 21 Février 2011, Guillaume Soro annonce la révolution ivoirienne qui sera selon lui, un mouvement d’envergure pour chasser Laurent Gbagbo du pouvoir. Quel commentaire ?
Les amis du Golf pensent qu’ils avaient trois moyens de pression sur le président Laurent Gbagbo. A savoir la pression diplomatique, la pression économique et les mouvements internes pour nous contraindre à l’abandon. Ils ont usé de tous ces éléments avec l’aide de leurs amis, mais ça n’a rien donné. Ils veulent influencer le panel à partir du 21 février surtout avec la fermeture des banques pour faire croire que Laurent Gbagbo est affaibli et que c’est eux qui maîtrisent le terrain. Ils oublient que la Côte d’Ivoire n’est pas l’Egypte ou la Tunisie. Nous savons qu’ils comptent sur les actions sporadiques des transporteurs et des petits voyous pour bloquer le pays. C’est une révolution vouée à l’échec. C’est un mot d’ordre voué à l’échec comme les précédents. Les Ivoiriens ne suivront pas. Leur révolution du 21 Février ne nous effraie pas du tout.
Vous avez à votre disposition des forces paramilitaires appelées milices qui font des mises en jambe chaque jour à travers les rues de Yopougon, au moment où l’on parle de la présence d’un commando invisible à Abidjan. Qu’avez-vous à dire?
Jusqu’à maintenant, il y a des gens en face des FDS soucieux de créer le trouble, de faire de la provocation et permettre aux ennemis de la Côte d’Ivoire de crier aux tueries, de crier à la violation des Droits de l’Homme rien que pour salir la Côte d’Ivoire. Face à eux, il y a les FDS qui ont des instructions de forces régaliennes, qui travaillent dans la régularité et qui n’osent pas répliquer à ces attaques là comme il le faut à la mesure de ce que les autres créent. Les FDS ont les solutions, mais elles n’ont pas encore les instructions. En réalité, il n’y a pas de commando invisible, il y a des gens qui ont des armes et qui sont en civil, qui sont mêlés aux populations et en général qui ont été repérés partout et qui sont connus. Je demande aux gens d’éviter de poser des actes qui ne peuvent pas être rattrapés. Sinon, moi j’ai la possibilité d’équilibrer tout ce qu’il faut. Et la force, et la terreur et tout ce que cela peut comporter. Mais je crois que ce n’est pas le moment aujourd’hui. Si l’Ecomog arrive ici, il va se battre contre le peuple qui va s’organiser dans chaque cour, à chaque carrefour, dans chaque rue. Mais je ne veux pas qu’on arrive à cette situation. Sinon nous sommes préparés à toutes les éventualités.
Interview réalisée par Dosso Villard
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