Shahrazad, fonctionnaire pour l’ONU-CI, 6.565 euros par mois

Photo: Shahrazad dans son bureau d'Abidjan, en septembre 2010 (DR)

Par Catherine de Coppet | Journaliste in eco.rue89.com

Son job, en anglais, s’appelle « information analyst ». Depuis un an et demi, Shahrazad, 31 ans, est intégrée à la mission onusienne de maintien de la paix en Côte d’Ivoire, l’Onuci. Pour Eco89, elle a accepté d’ouvrir son porte-monnaie.
Son travail consiste à récolter et analyser un maximum d’informations sur le trafic d’armes à l’œuvre dans le pays. En 2004, via une résolution, l’ONU décrétait un embargo sur les armes en même temps qu’elle créait sa mission de maintien de la paix dans le pays.

Si l’on en croit les rapports onusiens, cet embargo n’est pas toujours respecté. Une situation qui n’est pas pour apaiser le climat à l’approche du scrutin présidentiel, prévu le 31 octobre prochain.

Observation des mouvements d’armes en Côte d’Ivoire

Titulaire d’un master de relations internationales après des études d’histoire, Shahrazad a aujourd’hui le statut de fonctionnaire de l’ONU. Cela signifie qu’elle bénéficie des avantages pécuniaires et sociaux de l’organisation internationale. Une avancée par rapport au statut de volontaire dont elle bénéficiait pour son poste précédent, dans une autre mission de maintien de la paix en Afrique.

Les volontaires ne sont pas en contrat avec le siège new-yorkais mais avec une autre structure, et ne font pas partie du système de promotion interne. Ces postes sont la plupart du temps occupés par des jeunes qui veulent faire carrière dans l’international.

Concrètement, le travail de Shahrazad consiste à mener des enquêtes de terrain dont elle a l’initiative, afin d’observer d’éventuels mouvements d’armes dans certaines zones du territoire ivoirien. Ces enquêtes sont ensuite synthétisées dans des rapports où elle propose des recommandations :

« Ce qui me plaît le plus, c’est d’organiser ces missions, et de découvrir des informations intéressantes. Cela me passionne de décrire la situation politico-militaire des zones sur lesquelles je travaille, qui sont souvent d’anciennes zones rebelles. »

Autre mission attachée à son poste, les inspections de camps militaires, planifiées et réalisées avec les observateurs militaires de l’ONU. Les résultats des inspections sont envoyés au comité des sanctions, basé à New York.

Enfin, Shahrazad participe régulièrement à la formation de ces observateurs, qui sont des militaires de carrière venus du monde entier.

« Ils ne savent pas forcément comment il faut procéder, ni comment présenter ce qu’ils constatent sur le terrain. »

Mariée, Shahrazad vit pour le moment avec son seul salaire. Son mari vient de trouver un poste à Abidjan. Pour des raisons pratiques, ils ont décidé de n’utiliser son futur salaire que pour les dépenses exceptionnelles, par exemple leurs prochaines vacances, qu’ils passeront en Europe.

Revenus : 6 565 euros par mois

Shahrazad est rémunérée en dollars. Les montants sont indiqués en euros pour une meilleure compréhension (1 dollar US= 0,789 euro au 07/09/2010).

Salaire : 4 296 euros

« J’ai le grade P2, ce qui signifie que je suis au premier échelon de la catégorie “cadres décisionnels”. Au-dessus, cela va jusqu’à P5, après, il y a le grade directeur, qui comprend deux échelons. »

En tant que volontaire, Shahrazad gagnait près de 1 900 euros par mois.

Primes : 2 269 euros

Tout membre d’une mission de maintien de la paix touche des primes, en fonction de la dangerosité de la mission à laquelle il appartient.

A son salaire et ses primes s’ajoutent les frais de mission, qui sont de 47 euros par nuit passée sur le terrain. Shahrazad effectue environ une mission de trois ou quatre nuits par mois :

« Il m’arrive de dépenser moins, cet argent tombe donc parfois en plus de mon salaire. »

Dépenses fixes : 4 840 euros

Afin de réaliser ses dépenses courantes, Shahrazad perçoit une partie de son salaire (2 760 euros) en francs CFA (1 000 francs CFA = 1,52 euro).

Loyer : 986 euros

Shahrazad habite dans le centre-ville d’Abidjan, dans un grand quatre-pièces, au sein d’une résidence sécurisée avec piscine et ascenseur :

« L’immeuble est occupé par l’élite ivoirienne et quelques expatriés. La plupart des expatriés préfèrent louer une villa. Pour ma part, j’ai opté pour la proximité avec mon bureau, qui est à cinq minutes en voiture. »

Eau et électricité : 157 euros

Courses : environ 1 000 euros

Le budget nourriture et courses courantes du ménage est pratiquement aussi élevé que le montant du loyer :

« J’achète beaucoup de produits importés, qui me manquent ici. Par ailleurs on aime acheter de la bonne viande, du bon poisson une fois par semaine. On est assez difficiles ! »

Nourrice : 200 euros par mois

Shahrazad a trouvé une nounou ivoirienne qui garde son fils à domicile 9 heures et demie par jour.

Femme de ménage : 96 euros

Là encore, c’est une Ivoirienne qui vient faire le ménage, trois heures deux fois par semaine.

Téléphone fixe et accès internet : 110 euros

Téléphone portable : 20 euros

Shahrazad achète des cartes prépayées.

Assurance santé : 183 euros

L’assurance santé contractée par Shahrazad fait partie de son contrat de travail avec l’ONU, elle est obligatoire :

« Cette assurance est très bonne et couvre les soins de toute la famille. C’est surtout pour mon fils qu’il y a le plus de frais médicaux. Dès qu’il a de la fièvre, on lui fait des examens, en raison du risque de paludisme. On a la chance d’avoir trouvé un très bon pédiatre ici. Tous les soins sérieux qui me concernent, je préfère les faire en Europe. »

Loisirs : autour de 400 euros

L’essentiel des loisirs de Shahrazad consiste à sortir au restaurant ou dans des bars. Le week-end est aussi l’occasion d’aller à la mer, à 40 km du centre-ville :

« De temps en temps, nous allons aussi à un concert, quand l’opportunité se présente. »

Essence : 0 euro

Shahrazad partage avec l’un de ses collègues une voiture de fonction, dont l’essence est payée :

« A l’ONU, toutes les voitures sont de gros modèles, type 4×4. Celle que je partage est une Toyota Prado. »

Impôts et cotisations sociales : 1 688 euros

L’ONU ponctionne sur le salaire de Sharazad deux cotisations :

◦l’une, intitulée « contribution à l’Organisation », de 1 183 euros, représente une sorte d’impôts. Une part de cette contribution est versée par l’ONU à la Grande-Bretagne, pays natal de la jeune femme.
◦l’autre cotisation concerne sa retraite et s’élève à 505 euros.
Dépenses aléatoires : 55 euros

Baby-sitting : environ 30 euros

Shahrazad sort une à deux fois par mois le soir avec son mari. Dans ces cas-là, c’est la nounou qui s’occupe de son fils la journée qui le garde aussi le soir. Il lui arrive de dormir sur place.

Coups de pouce : environ 300 euros par an (soit autour de 25 euros par mois)

Shahrazad a décidé d’assurer à la nounou qui garde son fils tous ses frais de santé, et de la dépanner pour les dépenses importantes imprévues :

« C’est un accord entre nous. Elle nous rend un service inouï et n’a pas de sécurité de l’emploi. Pour nous, c’est la moindre des choses. On lui demande juste de nous montrer la facture des médecins ou de l’hôpital. Récemment, nous avons payé les frais liés à l’accouchement de sa sœur, et aussi le coût de la cantine scolaire de ses neveux. »

Même chose pour la femme de ménage :

« Si elle a un souci, elle vient nous voir, et on l’aide si on peut. »

Epargne : autour de 1 700 euros par mois
Shahrazad épargne chaque mois ce qui lui reste de son salaire. Une somme qui pourrait lui servir au cas où elle connaîtrait une période de creux professionnel entre deux missions, période pendant laquelle elle ne toucherait aucun salaire ni aucune allocation. Une situation courante dans son milieu.

« C’est à moi de gérer ma carrière. L’ONU n’a pas l’obligation de m’attribuer des postes, c’est à moi de chercher les opportunités qui m’intéressent au fil de mes missions. Comme je fais partie des fonctionnaires, c’est un peu plus simple d’avoir les bons contacts pour évoluer professionnellement. Je suis actuellement en train de candidater à des postes qui me permettraient d’enchaîner sur une autre mission, dans un autre pays vraisemblablement. »

Le contrat de Shahrazad s’achève en juin 2011. Elle aura alors la possibilité de renouveler son contrat ou de s’envoler vers de nouveaux horizons.

Photo: Shahrazad dans son bureau d’Abidjan, en septembre 2010 (DR)

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