Le 24 novembre, une partie du toit de la cathédrale de Grand-Bassam s’est effondrée, faisant au total treize blessés et un mort. Le drame a provoqué une onde de choc dans la communauté catholique de la région et au-delà. L’incident soulève un ensemble de questions de fond sur la gestion du chantier, la qualité de la supervision ainsi que les choix techniques opérés depuis le lancement des travaux. Les interrogations sont d’autant plus vives que la cathédrale, symbole spirituel et patrimonial de Grand-Bassam, fait l’objet de travaux depuis plusieurs années et bénéficie du soutien actif de nombreux fidèles.
Si les premières réactions se sont concentrées sur l’état des lieux et la prise en charge des blessés, les regards se sont très vite tournés vers le comité de construction, structure chargée de piloter les travaux. Au sein de la communauté catholique, certains s’interrogent ouvertement: l’évêque n’a-t-il pas accordé une confiance trop large, voire naïve, à cette équipe ? Ne s’est-il pas montré trop indulgent envers des responsables dont les compétences sont aujourd’hui questionnées par une partie des fidèles ?
Selon plusieurs fidèles, l’évêque aurait été « roulé dans la farine » par un groupe qui serait composé « d’inaptes, incapables et peu expérimentés » qui auraient gagné la confiance des autorités religieuses. Ces critiques, bien que sévères, reflètent un profond malaise à l’issue du drame: la communauté se demande comment un chantier de cette importance a pu accumuler autant de failles sans déclencher de mesures correctives majeures.
Avertissement divin ou conséquence de défaillances humaines ?
Certains fidèles, très choqués, interprètent l’accident comme un avertissement spirituel. Ils expliquent que Dieu « n’aime pas le mensonge » et que la chute du toit serait un signe dénonçant les incohérences, les oublis ou les compromis ayant entouré le projet. Pour beaucoup, l’état du chantier n’est pas seulement une question technique mais également morale.
D’autres voix adoptent une approche plus pragmatique et rappellent que des alertes ont été lancées bien avant l’effondrement. Selon nos informations, plusieurs personnes auraient déjà exprimé leurs inquiétudes quant à la gestion du comité. Ces critiques dénonçaient notamment une forme de navigation à vue, un manque de méthode et un amateurisme attribué à certains membres. Les priorités, affirment-ils, étaient davantage tournées vers la mobilisation de fonds que vers la sélection d’entreprises compétentes ou de professionnels qualifiés capables d’assurer la réalisation conforme d’un édifice religieux de cette envergure.
Ces mêmes sources évoquent l’existence d’arrangements informels, de relations d’amitié pesantes et même de conflits d’intérêts, y compris dans le cercle restreint des prêtres en charge du projet. Si ces affirmations nécessitent des vérifications, elles soulignent néanmoins l’importance d’une gouvernance rigoureuse dans la conduite d’un chantier aussi sensible.
Organisation interne et dysfonctionnements signalés
Les critiques adressées au comité de construction ne se limitent pas à des questions de compétence. Elles portent aussi sur la manière dont les décisions étaient prises. Plusieurs témoins déplorent une structure trop éclatée, où « tout le monde donnait des ordres », permettant difficilement d’identifier une chaîne de commandement claire. Dans un chantier de grande ampleur, l’absence de lignes hiérarchiques solides peut entraîner des erreurs d’exécution, des malentendus techniques et un manque de contrôle coordonné, autant d’éléments susceptibles d’expliquer les dysfonctionnements ayant précédé l’effondrement.
L’un des points les plus mentionnés concerne la modification répétée des plans sans consultation systématique de l’architecte en charge, Aka Sehr. Ces modifications, opérées parfois sous pression ou dans la précipitation, auraient complexifié la mise en œuvre du projet et introduit des incohérences techniques. Selon certains fidèles, chaque changement non validé aurait augmenté les risques car il rompait l’équilibre initial pensé par le professionnel responsable.
Comment éviter qu’un tel accident ne se reproduise ?
Après le choc, la question centrale reste celle de la prévention. Comment garantir qu’un tel accident ne survienne plus, ni à Grand-Bassam ni sur un autre chantier religieux de grande ampleur ? Les personnes rencontrées ont proposé plusieurs pistes, souvent convergentes, visant à rétablir la confiance et à instaurer un cadre de travail plus rigoureux.
La première mesure évoquée est la dissolution pure et simple du comité actuel de construction. Pour plusieurs fidèles, il s’agit d’un préalable nécessaire pour tourner la page et repartir sur des bases saines. Mettre fin à cette structure permettrait, selon eux, d’éliminer les dynamiques internes problématiques, les rivalités d’influence et les ambiguïtés qui auraient contribué à affaiblir la conduite du chantier.
La deuxième recommandation concerne la nomination d’un expert indépendant, extérieur au diocèse, à la région et à tout réseau local d’influence. Son rôle serait d’analyser de manière exhaustive les circonstances techniques et organisationnelles ayant mené à l’effondrement. Cet expert aurait également pour mission de formuler des recommandations précises et contraignantes, destinées à encadrer les phases de reconstruction et à instaurer des standards professionnels stricts pour tous les chantiers diocésains futurs.
La troisième proposition vise à renforcer l’encadrement interne. Plusieurs fidèles suggèrent d’intégrer deux ou trois prêtres reconnus pour leur intégrité et leur expérience en matière de construction au sein du futur comité de pilotage. Leur présence garantirait une surveillance renforcée, une coordination plus rigoureuse et une meilleure articulation entre exigences spirituelles, normes techniques et décisions administratives.
Vers une reconstruction sous surveillance accrue
L’effondrement partiel du toit de la cathédrale de Grand-Bassam constitue un événement grave mais aussi un point de départ pour une réflexion plus large sur la gouvernance des projets religieux. Au-delà de la dimension matérielle, le drame met en évidence l’importance de la compétence, de la transparence et de la coordination dans la gestion des chantiers ecclésiaux.
Les prochains mois seront déterminants. L’Église devra décider si elle suit les recommandations urgentes exprimées par une partie de ses fidèles. L’enjeu dépasse la reconstruction d’un toit. Il s’agit de restaurer un climat de confiance, de garantir la sécurité des fidèles et de donner l’exemple d’une administration moderne et responsable.
Jean-Claude Djéréké






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