Par Fleur Kouadio

Le Sénégal a accueilli le Forum Africain de la Télédiffusion (FAT), les 25 et 26 novembre, un moment fondateur pour affirmer la souveraineté numérique et audiovisuelle du continent. Organisé par le Ministère de la Communication et la Télédiffusion du Sénégal (TDS-SA), ce forum est présenté comme un laboratoire d’idées destiné à repenser les modèles de diffusion publique en Afrique. Mais derrière les discours officiels, des zones d’ombre subsistent.
La directrice générale de TDS, Aminata Sarr, a rappelé l’ambition du forum: permettre aux États africains de « maîtriser, produire et diffuser » leurs propres contenus. Toutefois, la présence de Russia Today (RT) parmi les sponsors et intervenants vient troubler cette vision. Le média d’État russe, considéré comme un outil d’influence diplomatique, occupera une place visible lors du forum, notamment avec l’intervention de son journaliste Igor Kurashenko.
Cette participation intervient dans un contexte de rumeurs persistantes autour d’une possible implantation de RT à Dakar. Plusieurs indices ont renforcé ces soupçons: vidéos montrant des locaux équipés, annonces de recrutement diffusées en septembre, et surtout le déplacement à Moscou de Thierno Amadou Sy, ancien patron de l’APS et correspondant de RT. Même si l’intéressé a démenti être lié aux offres d’emploi publiées sous son nom, ces éléments témoignent d’une dynamique déjà engagée.
Pour les observateurs, cette stratégie s’inscrit dans la volonté russe d’élargir son influence médiatique en Afrique de l’Ouest. Des recherches récentes pointent Moscou comme l’un des principaux acteurs des campagnes de désinformation, notamment dans les zones où ses partenaires politiques ou militaires cherchent à renforcer leur influence. La création de bureaux RT en Algérie ou en Afrique australe illustre cette expansion.
Le Sénégal n’est pourtant pas passif. Une vaste réforme du secteur des médias a récemment conduit à la suspension de plus de la moitié des organes recensés, dans un effort d’assainissement du paysage informationnel. Le gouvernement a réaffirmé sa détermination à protéger la qualité et la crédibilité des contenus diffusés sur son sol.
Mais la question demeure: comment concilier cet engagement avec la participation d’un média étranger dont l’agenda géopolitique est connu ? Le risque d’une contradiction politique est réel, surtout dans un contexte où l’Afrique cherche à renforcer sa souveraineté narrative face aux puissances extérieures.
Si le FAT ambitionne de redéfinir la télédiffusion africaine, il devra aussi clarifier sa ligne de conduite vis-à-vis des acteurs étrangers. L’arrivée discrète mais insistante de RT rappelle que l’indépendance médiatique ne se décrète pas: elle se protège.
F. Kouadio
Cap’Ivoire Info / @CapIvoire_Info






Commentaires Facebook