Côte d’Ivoire – Quand les déchets de cacao se transforment en potasse : la seconde vie du cortex de cacao

Sous un soleil brûlant, le long d’une route poussiéreuse de Gagnoa, des tas de cabosses de cacao se consument lentement. Là où d’autres ne voient que des déchets, des femmes perçoivent une ressource précieuse : la potasse. Ce savoir-faire artisanal, transmis de génération en génération, leur offre indépendance et dignité, tout en redonnant vie au fruit roi du cacao.

Une activité méconnue mais porteuse

À Brihi, Aimée Essai, 30 ans, alimente le feu d’un tas de cabosses séchées.

« Je cherche de l’argent », lance-t-elle en riant, avant d’expliquer plus sérieusement son travail. Avec ses sœurs, elle parcourt les plantations voisines pour récupérer le cortex des cabosses de cacao. Les coques sont séchées, brûlées, puis réduites en cendre : première étape de la fabrication artisanale de la potasse.

Le secret de la transformation

Dans une cour ombragée, des sacs de cendre sont versés dans un panier en raphia suspendu au-dessus d’une bassine. De l’eau y est lentement versée, filtrant à travers la cendre pour donner un liquide grisâtre. Ce mélange est ensuite bouilli pendant trois jours.
« Plus le liquide s’évapore, plus il devient épais : c’est la potasse », explique Aimée, fière de montrer le résultat final.

Autour d’elle, d’autres femmes s’affairent. Des sacs de 25 kg de potasse s’empilent, prêts à être vendus aux grossistes. Chaque sac rapporte entre 23 000 et 25 000 FCFA. Avec deux ventes par mois, Aimée gagne environ 150 000 FCFA, de quoi faire vivre sa famille.
« C’est un métier que ma mère m’a appris au Togo. Grâce à cela, je vis sans dépendre de personne », confie-t-elle.

Une ressource convoitée

Issue du cacao, la potasse est utilisée dans de nombreux foyers et ateliers : pour ramollir le maïs, attendrir la viande, préparer la sauce feuille ou fabriquer le savon noir. Sur les marchés de Gagnoa, la demande est forte. « Ici, il y a du cacao en abondance, c’est notre chance », affirme Korotoumou, 40 ans, installée à Bayota avec son conjoint maraîcher.

Un métier à risques

Ce travail n’est toutefois pas sans danger. Les brûlures et irritations cutanées sont fréquentes. « Malgré les gants, la chaleur et les éclaboussures nous brûlent les bras et les pieds », raconte Korotoumou en montrant des taches sombres sur sa peau. L’inhalation de fumées et le contact prolongé avec la potasse entraînent aussi des problèmes respiratoires et dermatologiques. Les marmites et seaux se détériorent rapidement, augmentant les coûts de production.

Entre résilience et incertitude

Malgré la pénibilité, ces femmes demeurent fières de leur activité, symbole d’autonomie et de valorisation locale des déchets agricoles. Elles espèrent toutefois un soutien des autorités pour obtenir du matériel de protection et des équipements plus durables.

Un défi se profile : la raréfaction du cortex de cabosse, due à la maladie du swollen shoot qui décime les cacaoyères, et aux projets industriels de transformation des sous-produits du cacao, comme la fabrication de briquettes combustibles lancée à Gagnoa en 2024.

À Brihi, Bayota ou Ziplignan, la potasse du cacao raconte bien plus qu’un métier : elle incarne la lutte quotidienne de femmes rurales pour donner une seconde vie à un déchet… et à leur propre destin.

Avec AIP
Dd/kp

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