Ouattara face à Gbagbo: l’ultime leçon d’une succession inachevée

Depuis la disparition de Félix Houphouët-Boigny en 1993, la Côte-d’Ivoire vit sous le signe d’une longue et féroce bataille de succession. Chaque prétendant a cherché à incarner, à sa manière, l’héritage du « Père de la Nation ». Pendant plus de trois décennies, le pays a été rythmé par les rivalités entre Henri Konan Bédié, Alassane Ouattara et Laurent Gbagbo, rejoints par Guillaume Soro, l’enfant prodige de la FESCI, qui crut un moment pouvoir incarner l’avenir avant sa chute brutale.

Or, à l’aube de l’élection présidentielle d’octobre 2025, une vérité s’impose : parmi tous ces héritiers, Alassane Ouattara est celui qui a su rester le plus structuré, le plus discipliné et le plus cohérent.


L’unité contre la fragmentation

La comparaison entre Ouattara et Gbagbo est aujourd’hui implacable.

  • Du côté de Ouattara, le RHDP fonctionne comme une machine électorale disciplinée et hiérarchisée. La mise en place d’une direction de campagne structurée, avec Gilbert Koné Kafana en chef d’orchestre, illustre cette capacité à organiser, planifier et projeter une victoire dès le premier tour.

  • Du côté de Gbagbo, l’incapacité à rassembler au-delà de son noyau dur se confirme. En refusant d’adouber l’un des trois candidats de l’opposition retenus par le Conseil constitutionnel, il a en réalité signé l’acte de débâcle finale de son camp. Le PPA-CI est désormais englué dans des divisions internes, des querelles de leadership et des rivalités personnelles, où la vision collective s’efface devant l’ego du fondateur.


Le poids des héritages et des failles

Depuis 1993, chaque figure a tenté de s’imposer comme le « vrai » successeur d’Houphouët :

  • Bédié a brandi la légitimité institutionnelle.

  • Gbagbo a incarné la résistance et la ferveur populaire.

  • Soro a voulu représenter la jeunesse rebelle, vite happée par les logiques de pouvoir.

  • Ouattara, lui, a joué la carte de la modernité, de la rigueur et du développement économique, tout en bâtissant une armature politique solide.

En 2025, la différence saute aux yeux : là où Gbagbo s’épuise dans une fragmentation suicidaire, Ouattara impose la continuité d’un camp uni et discipliné.


Nady Bamba et l’ombre de l’ego

Le contraste s’accentue lorsqu’on observe l’influence de Nady Bamba au sein du PPA-CI. De plus en plus, l’épouse de Laurent Gbagbo apparaît comme l’épicentre du pouvoir réel dans le parti. Cette présence nourrit rancunes et suspicions, accentue les fractures et prive l’opposition de sa capacité à se renouveler. L’espace politique du PPA-CI se réduit à une scène dominée par l’ego du leader historique, incapable de céder la main ni de préparer une véritable relève.


Une bataille close ?

Peut-on dire que Ouattara « aura battu » Gbagbo dans la longue guerre des héritiers d’Houphouët-Boigny ? Tout porte à le croire. Dans ce duel toujours inachevé, l’avantage revient à celui qui conserve un camp uni et discipliné, face à celui qui se perd dans les dédales des divisions.

Le bilan est cruel : Ouattara aura exercé près de vingt années de pouvoir effectif, contre à peine deux pour Gbagbo. La LMP, jadis fer de lance de l’opposition, s’est dissoute dans les déchirures du FPI/PPA-CI, quand le RDR, matrice de Ouattara, s’est transformé en redoutable machine électorale avec le RHDP.

En 2025, Ouattara apparaît comme le dernier véritable stratège de cette succession inachevée. Gbagbo, malgré son aura historique, s’enlise dans une débâcle qui ressemble au crépuscule d’un parcours politique marqué par l’incapacité à transformer la ferveur populaire en cohésion durable.


Une question qui demeure

Laurent Gbagbo paye-t-il aujourd’hui le prix de son refus, dans les années 1980, d’exercer aux côtés de Félix Houphouët-Boigny ou d’Henri Konan Bédié, là où Ouattara avait accepté d’apprendre dans le sérail ? L’histoire semble donner sa réponse : dans la guerre des héritiers, l’expérience du pouvoir pèse toujours plus lourd que la seule ferveur populaire.

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