Cybercriminalité : comment les mafias chinoises s’implantent en Afrique

Par Fleur Kouadio

Un rapport publié le 19 avril 2025 par l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) lève le voile sur un phénomène inquiétant : la montée en puissance des réseaux criminels d’origine chinoise et d’Asie du Sud-Est en Afrique. Ces organisations, spécialisées dans la cyber fraude et les arnaques liées aux crypto monnaies, génèrent chaque année des milliards de dollars. Et leurs victimes sont de plus en plus nombreuses sur le continent africain.

De l’Asie à l’Afrique : un déplacement stratégique

Sous la pression des autorités en Chine, au Cambodge ou encore au Myanmar, de nombreux réseaux criminels ont choisi de déplacer leurs activités vers l’Afrique. Plusieurs pays sont aujourd’hui concernés : Angola, Namibie, Nigeria ou encore Zambie.
« C’est un phénomène qui se propage comme un cancer », a résumé Benedikt Hofmann, représentant régional de l’ONUDC, évoquant une expansion rapide de ces mafias sur de nouveaux territoires.

Une méthode redoutable : « l’abattage du cochon »

L’arnaque baptisée pig butchering ou « abattage du cochon » est l’une des plus utilisées par ces réseaux. Le principe est simple : un escroc entre en contact avec une victime via les réseaux sociaux ou une application de rencontre, gagne sa confiance, puis l’incite à investir dans des plateformes frauduleuses de crypto monnaies. Une fois l’argent transféré, les fonds disparaissent et la victime n’a plus aucun recours.
Cette méthode, basée sur la manipulation psychologique, a déjà fait des milliers de victimes en Afrique et ailleurs.

Des affaires révélatrices en Afrique

En Namibie, fin 2023, la justice a inculpé plusieurs ressortissants chinois pour une vaste escroquerie de ce type. Ils sont poursuivis pour fraude, blanchiment d’argent, racket et traite humaine.

Au Nigeria, la Commission contre les délits économiques et financiers (EFCC) multiplie les coups de filet. En décembre 2024, une opération baptisée Eagle Flush a permis l’arrestation de près de 800 suspects dans un immeuble de Lagos. En janvier 2025, onze ressortissants chinois ont été inculpés comme responsables présumés de ce réseau. Quelques mois plus tard, en juin, quatorze Chinois ont été condamnés à un an de prison pour cyber terrorisme et fraude en ligne, avant d’être expulsés.

En août 2025, le Nigeria a franchi une nouvelle étape en expulsant 50 ressortissants chinois et un Tunisien impliqués dans des affaires de cyber fraude. Depuis le début de cette opération, 102 étrangers ont été renvoyés du pays.

Un lourd impact sur les sociétés africaines

Les conséquences de ces activités criminelles sont multiples.

  • Pertes financières : de nombreuses victimes africaines, attirées par des promesses de rendements rapides, perdent toutes leurs économies.
  • Méfiance numérique : ces escroqueries minent la confiance dans les services financiers numériques et risquent de freiner le développement de la fintech, secteur en plein essor sur le continent.
  • Souveraineté menacée : l’implantation de réseaux criminels étrangers complexifie le travail des autorités locales et affaiblit la lutte contre le blanchiment transfrontalier.
  • Tensions sociales : l’arrestation répétée de ressortissants étrangers pour des crimes numériques alimente parfois des discours hostiles, fragilisant la cohésion sociale.

Comment se protéger ?

Les spécialistes appellent à la vigilance. Avant toute transaction, il est essentiel de vérifier l’identité des interlocuteurs rencontrés en ligne et de ne jamais partager ses données bancaires. Les offres d’investissement trop belles pour être vraies cachent presque toujours une escroquerie.
Au niveau institutionnel, les États africains doivent renforcer la coopération régionale et internationale pour lutter efficacement contre ces mafias numériques qui exploitent à la fois les failles techniques et la vulnérabilité humaine.

 Longtemps perçue comme un problème lointain, la cybercriminalité orchestrée par les mafias asiatiques s’enracine désormais en Afrique. Derrière des méthodes sophistiquées, la réalité est brutale : des familles ruinées, des économies fragilisées et des États confrontés à des défis inédits. Pour l’ONUDC, l’urgence est claire : sensibiliser, renforcer les législations et multiplier les coopérations afin que l’Afrique ne devienne pas le nouveau terrain de jeu favori des cybermafias.

F. Kouadio

Cap’Ivoire Info / @CapIvoire_Info

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