Pourquoi la Côte d’Ivoire a-t-elle été secouée par des rumeurs infondées de coup d’État cette semaine ? (Al Jazeera)

Alors que les tensions politiques s’exacerbent à l’approche des élections générales prévues en octobre, la Côte d’Ivoire a été le théâtre de rumeurs infondées de coup d’État, amplifiées par les réseaux sociaux et alimentées par l’exclusion controversée d’un candidat de l’opposition.

Une campagne de désinformation massive

Depuis le début de la semaine, plusieurs publications sur les plateformes Facebook et X (anciennement Twitter) ont diffusé des vidéos montrant des foules dans les rues et des incendies de bâtiments, affirmant qu’elles avaient été tournées à Abidjan. Ces contenus, souvent rédigés en anglais alors que le français est la langue officielle du pays, ont laissé croire à une tentative de renversement du pouvoir.

Pourtant, aucune scène de violence n’a été signalée sur le terrain. Les forces de sécurité, les autorités gouvernementales et de nombreux habitants ont rapidement démenti les allégations. Jeudi, l’Agence nationale de sécurité des systèmes d’information (ANSSI) a confirmé que ces rumeurs relevaient d’une « campagne de désinformation délibérée et coordonnée », sans aucun fondement.

Un contexte électoral tendu

Ces manipulations surviennent dans un climat politique déjà tendu, à la suite de l’exclusion de Tidjane Thiam, figure majeure de l’opposition, de la course présidentielle. L’ancien ministre et ex-banquier international a vu sa candidature rejetée pour des questions de nationalité, une décision qu’il juge politiquement motivée. Il a fait appel.

Ce climat rappelle de sombres souvenirs : en 2010, la contestation des résultats de l’élection présidentielle par Laurent Gbagbo, face à Alassane Ouattara, avait déclenché une guerre civile qui fit près de 3 000 morts. Cette violence postélectorale hante toujours la mémoire collective, d’autant plus que des figures comme Gbagbo restent exclues du processus électoral en raison de leurs condamnations judiciaires.

Ouattara en ligne de mire

Le président Alassane Ouattara, au pouvoir depuis 2011, est également au centre des tensions. En décembre dernier, son parti, le RHDP, l’a désigné comme candidat pour un quatrième mandat, bien que la Constitution limite ce nombre à deux. Ses partisans avancent qu’un amendement en 2016 a réinitialisé le compteur, ce qui lui a permis de briguer un troisième mandat en 2020.

À ce jour, Ouattara n’a pas confirmé s’il se représenterait, mais cette incertitude alimente les inquiétudes. Beaucoup de citoyens, en particulier les jeunes, perçoivent une dérive autoritaire, accentuée par sa proximité avec la France, de plus en plus critiquée dans la région pour son héritage colonial et son influence perçue comme néocoloniale.

Une admiration régionale pour les putschistes voisins

Dans ce contexte de frustration, une partie de la population observe avec une certaine bienveillance les récents coups d’État militaires survenus au Mali et au Burkina Faso. Ces régimes, hostiles à la France, bénéficient d’un capital de sympathie chez les jeunes Ivoiriens, lassés de l’élite politique traditionnelle.

Qui est Tidjane Thiam ?

Tidjane Thiam, 62 ans, est un homme politique et financier réputé, neveu de l’ancien président Félix Houphouët-Boigny. Ancien ministre du Plan sous Henri Konan Bédié, il a quitté le pays après le coup d’État militaire de 1999. Par la suite, il a connu une brillante carrière à l’international, dirigeant notamment Prudential et Credit Suisse. Il a été contraint à la démission de cette dernière en 2020, à la suite d’un scandale d’espionnage interne.

Son retour sur la scène politique ivoirienne a ravivé les espoirs d’une alternance crédible. Son exclusion est perçue par nombre d’Ivoiriens comme une manœuvre pour neutraliser un rival sérieux, à un moment où la classe politique peine à se renouveler.

Traduit de l’Anglais


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