Par Jean-Claude N’DA AMETCHI
Citoyen ivoirien
« La nécessité ne connaît pas de loi. »
— Saint Augustin d’Hippone (354–430)
Mémoire sélective et inculture politique
Pourquoi manifestons-nous une si grande inculture face à notre propre histoire ? Pourquoi refusons-nous de tirer les leçons de nos trente dernières années, marquées par les impostures, les forfaitures et une instabilité politique chronique ?
La Côte d’Ivoire semble aujourd’hui dans un état de mort cérébrale morale, paralysée par le poids de ses destructions — humaines, institutionnelles, sociales. Peut-on décemment faire abstraction des vies perdues, des espoirs brisés, des blessures ouvertes à chaque cycle électoral, notamment présidentiel ?
Ces victimes, souvent les plus pauvres, les plus vulnérables, les sans-noms, ont payé le prix des ambitions personnelles de dirigeants déconnectés de l’intérêt général.
L’intérêt général oublié
L’intérêt général — le véritable —, c’est :
- le pouvoir d’achat du citoyen,
- la réduction de la suradministration et de la dette publique,
- la lutte contre la corruption rampante,
- l’assainissement des finances publiques,
- la refonte de notre système de santé et d’éducation.
Il est plus que temps d’engager des réformes structurelles et institutionnelles profondes, loin des postures superficielles et du bavardage politique stérile. Ces réformes exigent des ruptures franches, pas des ajustements cosmétiques.
Un modèle à repenser
L’économiste Simon Kuznets, inventeur du PIB, avertissait dès 1934 que cet indicateur ne saurait mesurer le bien-être d’un peuple. Nous devons en prendre acte : aucun modèle économique ne peut réussir s’il n’est adossé à un modèle social équitable.
Il faut refermer ces boîtes de Pandore ouvertes à chaque crise, qui nous ridiculisent sur la scène internationale. Il faut refuser les chemins sans issue, les illusions perdues, les discours creux.
Comme le dit Juan Branco, « les hommes politiques, quand on les rencontre, on se rend compte qu’on est tous un peu foireux ». Mais faut-il que ce constat devienne notre fatalité nationale ?
L’heure des choix courageux
Le moment est venu de prendre des décisions emblématiques, courageuses, pour sortir des crises à répétition. La Côte d’Ivoire a besoin de rassembler, de réconcilier, de pacifier.
Saint Augustin nous rappelle que la nécessité dépasse les lois. En l’occurrence, cette nécessité vient du peuple. Elle n’émane ni des tribunaux, ni des constitutions sur-mesure. Le peuple n’est pas un simple spectateur, il est le souverain. Le véritable pouvoir lui appartient.
Sortir du cycle de la médiocrité
Les régimes successifs ont produit des professionnels du désordre. La politique, chez nous, est devenue un ascenseur pour incompétents, souvent au détriment du mérite et de l’éthique. Résultat : désolation, horreur, traumatismes, indignité.
Le peuple en a assez. En langue populaire : « On est fatigués de leurs histoires-là ! »
Ce dont la Côte d’Ivoire a besoin, ce n’est pas d’un politicien de plus, mais d’un véritable Chef d’État, capable de transformer, à la manière d’Angela Merkel, le quotidien des citoyens — avec rigueur, humilité et constance.
L’esprit d’alternance et de responsabilité
L’alternance ne doit pas être un slogan mais une culture politique, à tous les niveaux. Comme le dit si bien la tradition du Vatican : « Morto un Papa, se ne fa sempre un altro. » (Un Pape meurt, un autre est toujours nommé.)
Aujourd’hui, notre nécessité est incontournable. Elle est celle du peuple. Elle est celle de la vérité. Et elle appelle à une nouvelle ère, loin des ruses, des trahisons et des ténèbres.
Un armistice nécessaire pour 2025
L’espoir passe par un armistice politique et juridique. À l’image de l’accord de Pretoria (avril 2005), il faut lever toutes les barrières d’exclusion. Tous les candidats, en Côte d’Ivoire ou en exil, doivent pouvoir se présenter à l’élection présidentielle d’octobre 2025. Le cadre électoral doit être juste, transparent, sécurisé.
Cet acte aura un effet de ruissellement démocratique sur l’ensemble de la société ivoirienne. Il sera le véritable test de notre maturité politique.
Autrement, le peuple n’oubliera pas. Il ne dira pas « Hamba Kahle, Nkos » à ses dirigeants comme il le fit pour Mandela. Car il n’y aura pas eu d’honneur rendu.
Conclusion : espérer, enfin
Si rien ne change, la Côte d’Ivoire dépérira. Pire encore, elle périra.
Mais si la nécessité s’impose — celle d’une refondation sincère — alors l’espérance renaîtra. Et avec elle, l’avenir commun d’un peuple enfin debout.
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