Que cachent les cases sacrées des Yacouba ?

Avez-vous, une fois, vu ou entendu parler d’une case sacrée ? Une incursion dans des villages de l’Ouest montagneux de la Côte d’Ivoire, particulièrement dans la région du Tonkpi, vous permettra de découvrir cet habitat de type traditionnel chez les peuples dan ou yacouba.

Appelée « Gbenin » ou « Gbouhou-kôh » selon que vous êtes Toura ou Yacouba, la case sacrée, dans la société traditionnelle dan est un habitat particulier aux fonctions multiples et exceptionnelles. Dans un village yacouba, cette case est dite « sacrée » parce qu’elle est supposée servir « de résidence » aux masques pendant leur séjour chez les humains.

Un habitat spécifique réservé aux masques

Case à la forme circulaire, faite de terre battue et coiffée de chaume, cet habitat spécifique réservé aux masques est entouré d’arbustes particuliers, pour ne pas être vu de tout le monde.

Les Dan sont un peuple qui vit dans l’Ouest de la Côte d’Ivoire, que l’on peut aisément identifier dans les départements de Sipilou, Danané, Zouan-Hounien, Biankouma et Man. En dépit du vent de la modernité et de la démocratie qui souffle ici et ailleurs, ce peuple demeure encore foncièrement attaché aux valeurs traditionnelles. Le masque dans cette région est encore vénéré.

Mamadou Gué, chef du village de Gbombelo (Biankouma)

Dans la société traditionnelle dan, la case sacrée est un habitat particulier aux fonctions multiples et exceptionnelles. La case sacrée est la case « mâle », habitée et exclusivement fréquentée par des hommes initiés. C’est l’espace de rencontre, d’échange et de communication du chef de village et des notables.

Le siège des masques

La case sacrée est surtout le siège des masques. Pour cette raison, elle est appelée « Gbênin », « Guéhé-koh » ou dans l’absolu « Gbouhou-koh ». Le mobilier dans une case sacrée est sommaire. Un lit en terre battue, un hamac, fait de fils de raphia, suspendu dans un angle. Des sièges sculptés dans du bois… À l’intérieur, l’on ne boit que de l’eau venue des marigots, du vin de palme ou du raphia, servi dans des calebasses. L’on s’éclaire à la lueur des feux alimentés par des fagots de bois. Les sauces des repas sont à base de feuilles (feuilles de gombo, feuilles d’épinard, feuilles de manioc, feuilles de taro), le tout assaisonné d’huile de palme. Apres le repas, la cola est très souvent consommée en guise de dessert. Bon à savoir. On entre toujours dans une case sacrée les pieds nus.

De véritables musées

L’accès à la case sacrée est formellement interdit aux femmes et aux hommes non initiés. Dans la case sacrée, on implore les esprits des mânes. Les conflits sociaux y sont réglés. D’importantes décisions communautaires y sont prises. Du coup, dans la société traditionnelle, la case sacrée joue le rôle de tribunal. Une décision prise dans la case sacrée est « irrévocable », parce que prononcée par le grand masque.

Outre la fonction d’autel pour les sacrifices et du tribunal, les cases sacrées sont de véritables musées, où sont minutieusement conservés des objets très anciens. On peut entre autres y découvrir des lances, des arcs, des carquois autrefois utilisés par des chasseurs et des guerriers, des boubous portés par de célèbres guerriers de la région, des cuvettes, des cuillères et autres ustensiles de cuisine en bois, des sièges taillés dans des rochers …

A Guelemou, une localité située à plus de 68 kilomètres du chef-lieu du département de Biankouma, se trouve encore caché dans une des plus vieilles cases sacrées du village l’un des sabres de guerre du conquérant Samory Touré, ramassé après sa capture en septembre 1898 par les Français.

Honoré Droh

Correspondant régional

ENCADRÉ

24 heures pour construire une case sacrée

Les cases sacrées dans les villages yacouba sont des bâtisses aussi anciennes, les unes que les autres : 50, 100, 150 ans, parfois plus. A Kabakouma, dans la sous-préfecture de Biankouma, la plus ancienne des cases sacrées a été construite vers 1900. A Biankouma-village, la première case sacrée a été bâtie vers 1899, quelques mois seulement après la capture de Samory Touré (septembre 1898). À Guélémou, dans la sous-préfecture de Santa, la plus ancienne des cases sacrées a été construite plusieurs années avant l’arrivée de Samory Touré dans la région. Situation identique à Gan, Kpata, Sama-Nimbo, dans les localités de la sous-préfecture de Gbonné, et aussi dans les départements de Man, de Danané, de Zouan-Hounien…

Le temps de construction d’une case sacrée n’excède jamais 24 heures. Presque le même temps mis pour la construction, autrefois, d’un pont de lianes sur les rivières et fleuves dans la région. Pourquoi ? Les patriarches rencontrés n’ont pas voulu expliquer davantage. « C’est ce qui fait de cette case, une case sacrée » s’est contenté de nous répondre le patriarche Dosso Yangba. Les neveux sont les principaux architectes, chargés de la construction de la case sacrée. Le jour de l’exécution des travaux est choisi par le collège des sages. Plusieurs jours ou mois auparavant, les neveux se chargent de la collecte du matériel nécessaire : bambou, bois, lianes, terre latéritique ou argileuse, paille et autres éléments utiles.

Tout le matériel rassemblé, le travail débute tôt le matin. Ni le soleil, ni la pluie, la tornade, ni même le décès d’un parent proche des différents acteurs ne peuvent occasionner la suspension temporaire de la conduite des travaux. « Un jour ! Pas plus pour construire une case sacrée, comme l’exige la tradition en pays dan » nous a confirmé Mamadou Gué, chef du village de Gbombelo.

H. D.
Lebanco.net

Commentaires Facebook

Laisser un commentaire