Le président ivoirien joue avec la stabilité politique à long terme de son pays, un article d’Ebenezer Obadare
Photo : Des gens passent devant un portrait du président ivoirien Alassane Ouattara au pont Alassane Ouattara à Abidjan, en Côte d’Ivoire, le 1er janvier 2025. Luc Gnago/REUTERS
En 2019, alors que les spéculations se multipliaient selon lesquelles il orchestrait discrètement une candidature pour un troisième mandat juridiquement douteux à l’expiration de son mandat l’année suivante, la pression s’est accrue sur le président ivoirien Alassane Ouattara pour qu’il dévoile son jeu.
Lorsque le président a finalement pris la parole, ses propos n’ont pas vraiment rassuré ses compatriotes et les observateurs internationaux. D’un côté, M. Ouattara a fait part de sa conviction « qu’il est nécessaire de procéder à un changement de génération en Afrique », ajoutant : « Soixante-quinze pour cent des Africains ont moins de 35 ans. Le président français a 40 ans, mon fils aîné 52 ans. Il est clair pour moi que la voie est à la transmission à une nouvelle génération ». Mais, de peur que l’on ne soupçonne qu’il allait suivre son propre conseil et tirer sa révérence avec grâce, le président a rapidement ajouté : « Je ne vous dis pas que je m’en vais, soyez prudents ». (Il a ensuite obtenu un troisième mandat âprement disputé après le décès inattendu du Premier ministre Amadou Gon Coulibaly, largement considéré comme son successeur préféré, en juillet 2020.)
M. Ouattara, qui fêtera ses 83 ans cette année, est de retour dans une phase de tergiversations. La semaine dernière, lors d’un événement officiel à Abidjan, la capitale économique du pays, il a évoqué l’idée de briguer un quatrième mandat présidentiel, ce qui semble peu probable (« Je suis en bonne santé et désireux de servir mon pays ») dans la mesure où son parti, le Rassemblement des Houphouétistes pour la Démocratie et la Paix (RHDP), au pouvoir, était prêt à soutenir sa candidature. Cependant, dans le style typiquement ouattarien, il a semblé se couvrir lorsqu’il a ajouté : « À ce jour, je n’ai pas encore pris de décision. »
Compte tenu de l’histoire de M. Ouattara, il s’agit d’une déclaration d’intention de se présenter aussi lucide qu’on peut le souhaiter, et les premières indications montrent qu’il bénéficie du soutien total des piliers du parti. En octobre dernier, les hauts responsables du parti ont consacré M. Ouattara comme leur « candidat naturel » et ont exprimé leur « désir de faire tout ce qui est possible » pour assurer sa victoire à l’élection présidentielle d’octobre prochain.
L’opposition aura son mot à dire (son boycott de principe de l’élection présidentielle de 2020 a peut-être été l’une des raisons pour lesquelles le président a pu récolter 94 % des voix), mais il semble que ce pays d’Afrique de l’Ouest de 32 millions d’habitants soit prêt à revivre un mélodrame politique trop familier dans lequel le président sortant feint de ne pas vouloir rester au pouvoir mais est apparemment poussé par les pontes du parti et divers laquais à agir contre ses intérêts personnels, ce qui se termine par un dénouement dans lequel le « père de la nation » accepte à contrecœur de continuer pour le bien du pays. En attendant, l’opposition politique est présentée comme des « ennemis de l’État » et ses ressources (celles de l’État) sont rapidement mobilisées contre elle et contre quiconque ose crier au scandale.
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Dire que les tergiversations du président Ouattara sont la dernière chose dont la Côte d’Ivoire a besoin est un euphémisme. En premier lieu, le fait que les précédentes élections aient été entachées de violences signifie que le pays a peu de marge d’erreur et ne peut se permettre une situation potentiellement explosive dans laquelle l’opposition serait acculé au pied du mur et se sentirait obligé de tout faire pour résister à ce qu’il considère légitimement comme une atteinte à la constitution du pays. Trois mille personnes ont été inutilement tuées et cinq cent mille autres déplacées après que le président de l’époque, Laurent Gbagbo, ait refusé de reconnaître sa défaite lors de l’élection présidentielle de novembre 2010. Il est regrettable que M. Ouattara, à l’époque vainqueur évident que le président sortant hésitait à céder, n’ait tiré que très peu de leçons de cet épisode tragique.
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En outre, le président Ouattara semble soit ne pas avoir lu l’opinion publique quant à l’humeur montante dans la région, soit avoir rapidement oublié ce qui s’est passé au Sénégal où la tentative de l’ancien président Macky Sall de se maintenir au pouvoir pour un troisième mandat illégal lui a explosé au visage. Quoi qu’il en soit, il ne semble pas avoir peur de plonger son pays dans une crise politique évitable, dont les répercussions se feront probablement sentir au-delà de ses frontières.
Le président Ouattara est en train de faire preuve d’imprudence et il est absolument essentiel de l’arrêter dans son élan. L’organisme politique et économique régional, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), a un rôle à jouer ici. Après avoir agi de manière admirable en tenant tête à la trinité martiale du Mali, du Niger et du Burkina Faso, elle doit maintenir le cap en condamnant clairement les plans du président Ouattara, car en substance, ce que les soldats ont fait avec des armes est exactement ce que M. Ouattara cherche à accomplir par le biais du scrutin. La CEDEAO aura l’air ridicule et sera susceptible d’être accusée de deux poids deux mesures si elle ne prend pas position contre M. Ouattara.
Washington peut également intervenir. Il semble plausible que le président Ouattara estime qu’avec les États-Unis qui cherchent désespérément de nouvelles alliances dans la région et avec l’administration Trump qui devrait être au pire distraite et au mieux transactionnelle, il n’y a guère de meilleur moment pour s’en tirer avec un coup politique de cette ampleur. Washington devrait envoyer un message clair : les États-Unis ne soutiendront pas un allié prêt à sacrifier le bien-être de son peuple et la stabilité de son pays sur l’autel de l’ambition politique.
M. Ouattara dit qu’il est « désireux de continuer à servir » son pays. Très bien. Aucune loi ne lui dit de ne pouvoir le faire qu’en tant que président. La chose morale et raisonnable à faire est de quitter ses fonctions à l’expiration de son mandat actuel et de laisser le processus politique suivre son cours. Le terrain d’entente l’attend. Le président Ouattara devrait le saisir.
from Africa in Transition and Africa Program
Ouattara’s Dangerous Gambit
The Ivorian president is trifling with his country’s long-term political stability.
Post by Ebenezer Obadare, Author
January 14, 2025 10:16 am (EST)
People walk past a portrait of Côte d’Ivoire President Alassane Ouattara at the Alassane Ouattara Bridge in Abidjan, Côte d’Ivoire on January 1, 2025. Luc Gnago/REUTERS
In 2019, as speculation grew that he was quietly orchestrating a run for a legally dubious third term of office at the expiration of his tenure the following year, pressure mounted on Côte d’Ivoire’s President Alassane Ouattara to show his hand.
When the president eventually spoke, his remarks did little to put his compatriots and international observers at ease. On the one hand, Mr. Ouattara spoke of his conviction “that there is a need for generational change in Africa,” adding: “Seventy-five percent of Africans are under 35 years of age. The French president is 40; my eldest son is 52. It is clear to me that the path is towards a transfer to a new generation.” Yet, lest anyone should surmise that he was going to take his own counsel and bow out gracefully, the president quickly added: “I’m not telling you that I am leaving, be careful.” (He would go on to secure a bitterly contested third term after Prime Minister Amadou Gon Coulibaly, widely seen as his preferred successor, died unexpectedly in July 2020.)
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Mr. Ouattara, eighty-three this year, is back waffling. Last week, at an official event in Abidjan, the country’s commercial capital, he teased the idea of running for a seemingly improbable fourth presidential term (“I’m in good health and eager to serve my country”) so far as his party, the ruling Rally of Houphouetists for Democracy and Peace (RHDP), was ready to back his candidacy. However, in typical Ouattara-ese, he seemed to hedge his bets when he added: “As of today, I have not yet made a decision.”
Given Mr. Ouattara’s history, this is as lucid a declaration of intent to run as one can wish for, and early indications are that he enjoys the full backing of party stalwarts. Last October, top party officials anointed Mr. Ouattara their “natural candidate” and expressed a “desire to do everything possible” to ensure his victory in next October’s presidential election.
While the opposition will have its say (its principled boycott of the 2020 presidential election may have been one reason the president was able to rack up 94 percent of the vote), it appears that the West African country of 32 million people is set for a rerun of an all too familiar political melodrama in which the incumbent feigns a lack of interest in staying in power but is seemingly pressured by party bigwigs and assorted lackeys to act against his personal interest, terminating in a denouement in which the “father of the nation” reluctantly accepts to carry on for the good of the country. In the meantime, the political opposition is portrayed as “enemies of state,” and its (the state’s) resources are promptly mobilized against it and anyone who dares cry foul.
To say that President Ouattara’s shillyshallying is the last thing that Côte d’Ivoire needs is an understatement. In the first place, the fact that previous electoral contests have been dogged by violence means that the country has little margin for error and can nary afford a potentially combustible situation in which the opposition is pushed to the wall and feels the need to do everything to stand up to what it legitimately sees as an assault on the country’s constitution. Three thousand people were needlessly killed and another five hundred thousand displaced after then-President Laurent Gbagbo refused to concede defeat in the November 2010 presidential poll. It is regrettable that Mr. Ouattara, at the time the clear winner that the incumbent was reluctant to hand over to, has learnt very little from the tragic episode.
Furthermore, President Ouattara either appears not to have read the room as far as the ascendant mood across the region is concerned, or he seems to have quickly forgotten what happened in Senegal where former President Macky Sall’s attempt to continue in power for an illegal third term of office spectacularly blew up in his face. Either way, he seems not to mind plunging his country into an avoidable political crisis, the ripples of which will in all probability be felt beyond its borders.
There is no other name for what President Ouattara is doing than reckless, and it is absolutely important that he be stopped in his tracks. The regional political and economic body, the Economic Community of West African States (ECOWAS) has a role to play here. Having acted admirably in standing up to the martial trinity of Mali, Niger, and Burkina Faso, it needs to stay the course by speaking clearly in condemnation of President Ouattara’s plans, for in essence, what the soldiers have done with guns is the same thing Mr. Ouattara is aiming to accomplish through the ballot. ECOWAS will look foolish and be susceptible to accusations of double standard if it does not take a stand against Mr. Ouattara.
Washington too can weigh in. It seems plausible that President Ouattara is figuring that, with the United States desperate for new alliances across the region, and with the incoming Trump administration expected to be distracted at worst and transactional at best, there is hardly a better time to get away with a political heist of this magnitude. Washington should send a clear message that the United States will not stand with an ally who is willing to sacrifice the well-being of his people and the stability of his country on the altar of political ambition.
Mr. Ouattara says he is “eager to continue serving” his country. Very well. There is no law that says he can only do this as president. The moral and reasonable thing to do is to leave office at the expiration of his current term and let the political process take its course. The high ground beckons. President Ouattara should take it.
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