intox en Côte-d’Ivoire ? Les recrutements pour rejoindre les rangs de l’armée ukrainienne une fausse info ?

En Côte d’Ivoire, l’intox sur le recrutement de jeunes pour rejoindre les rangs de l’armée ukrainienne

Un document, faussement estampillé du trident bleu ukrainien, circule sur les réseaux sociaux appelant au recrutement de volontaires pour combattre l’armée russe.

Par Marine Jeannin (Abidjan, correspondance)

L’armée ukrainienne a-t-elle tenté de recruter de jeunes volontaires ivoiriens pour aller combattre la Russie sur son sol ? C’est ce qui semble ressortir d’une circulaire publiée sur les réseaux sociaux lundi 27 mai et largement relayée par des comptes africains prorusses. Le document estampillé de l’emblème de l’Ukraine, le trident bleu, est signé par un certain Denys Chernyshenko, présenté comme le chargé de communication de l’ambassade d’Ukraine en Côte d’Ivoire.

Une campagne de désinformation est actuellement en cours, visant l’Ukraine.

Un faux document, censé venir de l’ambassade d’Ukraine en Côte d’Ivoire, est activement relayé.

Ce « document » serait un appel au recrutement d’ivoiriens pour se battre contre la Russie.

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— Random OSINT (@osint_random) May 29, 2024

« Les jeunes âgés de 18 ans à 30 ans au plus, désirant servir les forces armées ukrainiennes sur le front, dans le cadre de la défense de notre nation contre l’agression russe lancée le 24 février 2022 », indique le communiqué, sont informés « qu’un recrutement au sein de l’ambassade ukrainienne débutera le 30 mai. »

Sauf que Denys Chernyshenko n’existe pas, pas plus que le numéro de téléphone de l’ambassade d’Ukraine indiqué sur le communiqué. « Ce soi-disant avis de recrutement bricolé à la hâte n’est qu’une fraude de piètre niveau », confirme Yurii Pyvovarov, ambassadeur d’Ukraine en Côte d’Ivoire avec résidence au Sénégal, qui a prévenu les autorités ivoiriennes mercredi 29 mai et relayé un démenti officiel sur les réseaux sociaux.

Pour M. Pyvovarov, la responsabilité de cette fausse information ne fait aucun doute. « Ce sont les Russes », affirme-t-il, indiquant tirer cette information « de sources fiables qui sont partagées avec nos partenaires occidentaux. »

L’Afrique, un champ de bataille informationnel

De faux avis de recrutement du même type ont été diffusés au Cameroun, au Togo et au Burkina Faso. « C’est une campagne de désinformation, résume Yurii Pyvovarov, orchestrée par les services spéciaux russes. Il n’y a aucun doute. » L’objectif étant, selon le diplomate, de porter atteinte à l’image de l’Ukraine en Afrique de l’Ouest, à deux semaines du sommet de la paix en Ukraine, prévu en Suisse les 15 et 16 juin. La participation de la Côte d’Ivoire, où Kiev a ouvert une ambassade mi-avril, est annoncée.

« Depuis deux semaines, les agents de désinformation russes ont mis les bouchées doubles pour perturber la préparation de ce sommet, affirme M. Pyvovarov, et tenter de dissuader les dirigeants africains d’y participer. »

Depuis l’attaque russe sur l’Ukraine en février 2022, l’Afrique est devenue un champ de bataille informationnel entre les deux parties, chacune tentant d’y séduire de nouveaux partenaires diplomatiques. Et chacune reprochant à l’autre de recruter des mercenaires africains pour grossir ses troupes, parfois à raison.

En mars 2022, l’ambassade d’Ukraine à Dakar avait ainsi posté un message sur sa page Facebook pour « les étrangers » cherchant à « aider » le pays. L’appel était adressé aux Sénégalais, mais aussi au reste de la sous-région, notamment aux Ivoiriens et aux Guinéens. Trente-six personnes avaient ainsi été enrôlées avant que le ministère sénégalais des affaires étrangères n’ordonne à Kiev de cesser son recrutement.

De l’autre côté de la ligne de front, une vidéo publiée le 20 mars par le journaliste ghanéen Eliasu Tanko montrait cinq jeunes Ghanéens, armes à la main, vanter les mérites de l’agence de voyages Fly Away, qui les avait recrutés pour rejoindre l’armée russe. Selon les services de renseignement militaires de Kiev, l’armée russe recruterait actuellement des mercenaires au Rwanda, au Burundi, au Congo et en Ouganda, en leur promettant un salaire de 2 200 dollars (quelque 2 000 euros) par mois, une assurance maladie et des passeports russes pour eux et leurs familles.

Une unité de l’Africa Corps de 2 000 soldats

En plus de ces recrues destinées spécifiquement au front ukrainien, la présence de mercenaires africains au sein de l’armée russe a été plusieurs fois attestée ces dernières années, d’abord au sein du groupe Wagner puis d’Africa Corps, le nouveau label de la présence russe sur le continent. Cette unité de 2 000 soldats, officiers et mercenaires, d’abord déployée au Burkina Faso, au Niger et en Libye, a été récemment repérée en Ukraine par les renseignements britanniques.

« Au cours de la semaine dernière, indiquait le ministère britannique de la défense dans un tweet posté le 24 mai, la Russie a déployé des unités d’Africa Corps aux côtés des forces russes régulières et des unités Storm-Z lors de leur offensive sur Vovchansk, au nord de Kharkiv [en Ukraine]. » Selon la même publication, le ministère de la défense russe aurait redéployé des détachements de l’Africa Corps à la frontière ukrainienne en avril 2024 en préparation de cette offensive. Ce qui pourrait signifier, conclut-elle, « que la Russie renforce sa guerre contre l’Ukraine avec des ressources précédemment affectées à l’Afrique ».

Marine Jeannin (Abidjan, correspondance)
LemondeAfrique

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