Pourquoi Laurent Gbagbo reste un sérieux adversaire à la présidentielle de 2025

Le Parti des Peuples Africains-Côte d’Ivoire (PPA-CI), tenait le week-end dernier à Agboville, la 2ème édition de la fête de la renaissance, après la première de la place Ficgayo de Yopougon qui avait déjà placé très haut, la barre en terme de mobilisation. Si bien que nombre d’observateurs se demandaient si la capitale de l’Agneby-Tiassa arriverait à tenir la comparaison avec son illustre devancière.

La réponse, intervenue samedi dernier avec le défilé interminable des différentes fédérations du parti, achèvera de convaincre les plus sceptiques sur la capacité de mobilisation restée intacte des partisans du Président Laurent Gbagbo, malgré toutes les vicissitudes subies.

Un public venu de tous les horizons du pays pour communier avec son leader. Un homme bien solide sur ses jambes, qui est resté debout, près de 2 heures durant, au pupitre, pour dérouler un discours bien structuré et dense dans le contenu que certains bien-pensants ont voulu réduire à une banale affaire « d’argent de popote et de cuisinier », qui en réalité, n’était qu’une anecdote sur l’importance de la femme dans la société. Nous y reviendrons.

Le Franc Cfa, une monnaie en péril

Historien et ancien chef d’Etat, Laurent Gbagbo parle rarement au hasard surtout quand il s’agit des grands sujets de l’actualité africaine car en raison de son standing, l’homme sait sa parole scrutée par tous les observateurs. Abordant entre autres, la question du franc Cfa, l’ancien chef de l’Etat n’a pas fait mystère de sa lecture annonçant la ruine imminente de cette monnaie.

À ce sujet, il a révélé que déjà en 1984, en plein âge d’or de la France-Afrique avec le règne de la pensée unique sous feu le président Félix Houphouët-Boigny, et sous un nom d’emprunt, il avait signé un article sur le sujet, dans un numéro de la revue » Peuple noir, peuple africain », de l’écrivain camerounais Mongo Béti, où il dénonçait cet autre pilier du pacte colonial.

» Mais voyez-vous, petit à petit, les gens sont en train de couper avec Dakar ( la Bceao). Je vous le dis, tous les pays lâcheront le Fcfa. Maintenant, tout le monde sait que ce n’est pas bon. Moi je vous le dis, regardez d’ici 10 ans, vous verrez bien qui est encore à la Bceao de Dakar. Les gens vont quitter un à un. Les jeunes gens de l’AES ont déjà lancé leur monnaie. C’est déjà prêt, c’est le lieu de la fabrication qui est entrain d’être décidé mais nous allons voir », a enfoncé Laurent Gbagbo qui a rappelé avoir été, en 2011, le précurseur de cette dynamique aujourd’hui irréversible, en coupant avec la Bceao de Dakar et en nationalisant dans la foulée, deux banques françaises (SGBCI et BICICI) qui sur instructions de Paris, avaient fermé boutique au mépris des règles en vigueur.

Cette décision forte lui avait valu de payer les salaires des travailleurs ivoiriens au grand dam de ses adversaires qui eux, œuvraient plutôt à l’asphyxie financière du régime.

Par ailleurs, qui ne se souvient de la déclaration de Laurent Gbagbo sur le cas Bazoum, au Niger? Sans langue de bois, le président du PPA-CI avait clamé que le coup d’Etat de la junte au pouvoir était consommé et que la CEDEAO malgré tous ses éclats de voix, ne ferait rien pour ramener le dirigeant nigérien au palais.

Aujourd’hui, les faits lui donnent raison tout comme il est à craindre que ses prédictions sur le franc Cfa se réalisent. C’est pourquoi, plutôt que de crier aux prophéties de malheur, il faut plutôt que les dirigeants actuels anticipent sur l’infortune annoncée pour trouver une solution palliative, car ne l’oublions pas, gouverner c’est prévenir. Autrement, on se retrouve, pris de court par les évènements tels que le prix actuel du cacao.

Prix du cacao, peut mieux faire

La question lancinante de la cherté de la vie qui préoccupe la plupart des ménages ivoiriens figurait également en bonne place du message du président Laurent Gbagbo qui a interrogé en ces termes: » Est-ce normal que dans un pays, tout soit aussi cher et que les populations ne puissent pas s’offrir leurs besoins? Puis pour coller à l’actualité, il se prononcera sur le prix actuel du Kg de cacao acheté aux producteurs et fixé il ya quelques jours, à 1500 Fcfa là où au Ghana voisin, il coûte 3000 F et 5000F au Cameroun.

Pour le porte-étendard des » bleu et blanc » de Côte d’Ivoire, il y a moyen de mieux faire. Cela, en poursuivant la réforme amorcée sous son règne, en 2000, et qui se distingue par l’abandon de la caisse de stabilisation pour mettre le planteur-vendeur de cacao en face de l’acheteur et du pool mondial afin de profiter au mieux de l’embellie du marché. Jamais, la filière ne s’était aussi bien portée à l’époque, avec des planteurs à la fierté retrouvée, roulant même carosse dans la cité.

Seul bémol, les détournements observés et pour lesquels les auteurs ont du reste été punis par la justice sur instructions du patron de l’exécutif d’alors. En somme, défenseur constant du monde paysan, Gbagbo entend garder sa proximité avec ces derniers et dans la perspective de la présidentielle à venir, cela vaut son pesant d’or.

Gbagbo, vents favorables pour 2025

Le camarade Laurent Gbagbo sera candidat à la présidentielle ivoirienne de l’année prochaine. Ainsi en a décidé l’establishment du PPA-CI, réuni récemment en ses plus hautes instances. Pour cela, il faudra d’abord dégager l’écueil de la condamnation à 20 ans de la justice ivoirienne qui pend au nez du natif de Mama pour » braquage de la Bceao ». Un subterfuge aux yeux du concerné et de ses partisans qui y voient une manœuvre du pouvoir actuel pour barrer la route à leur champion.

Mais sur le sujet, l’homme et ses troupes, en ordre de bataille, restent combatifs et déterminés à faire bouger les lignes en faveur de leur leader de sorte que la compétition d’octobre 2025 soit ouverte, démocratique et transparente. » Moi je dis la vérité. Ce qu’ils peuvent me reprocher, c’est d’avoir nationalisé 2 banques françaises. Oui je l’ai fait, mais et alors? Je suis Président de mon pays, les banques étrangères refusent de payer les salaires, je les nationalise et alors? Je peux pas être Chef d’Etat et des structures se comportent ainsi », a pesté Laurent Gbagbo avant d’annoncer une première action de riposte qui consiste pour son parti, à présenter tout le déroulé de l’action économique et bancaire en lien avec le braquage allégué afin que, dira-t-il, chacun se fasse son opinion. Cela est chose faite depuis ce mardi 9 avril 2024 avec un texte signé de M. Justin Koné Katinan.

Les chances du candidat du PPA-CI à la présidentielle ?

De l’avis de nombreux observateurs, celles-ci restent réelles. Premièrement, pour l’histoire de l’homme avec les Ivoiriens. Gbagbo, c’est le seul homme politique ivoirien qui a osé défier Houphouët-Boigny à l’élection présidentielle après avoir été un des grands acteurs de l’instauration du multipartisme dans le pays.

Deuxièmement, les grands chantiers de sa décennie de gouvernance, telle que l’assurance-maladie universelle (AMU), la libéralisation de la filière café-cacao, l’école gratuite, la décentralisation, le budget sécurisé, le prix de l’hévéa, l’appel à candidatures pour la désignation des DG etc. sont encore vivaces dans les esprits surtout qu’en face, le régime Ouattara ne fait pas mieux avec une dette abyssale, la cherté de la vie devenue intenable, l’abominable politique du rattrapage ethnique et le peu de volonté d’aller à une réconciliation vraie des filles et fils du pays.

Troisièmement et non des moindres, le contexte international qui est aujourd’hui, plus favorable avec notamment la perte d’influence croissante de la France en Afrique et la montée en puissance des souverainistes dans les pays de la sous-région tels que le Mali, le Burkina et le Niger, réunis au sein de l’AES et qui ont en partage, la même vision que Laurent Gbagbo relativement au pacte colonial conclu autrefois avec le colonisateur français.

Les nouveaux dirigeants Sénégalais sont dans la même dynamique et matérialisent les aspirations de plus en plus fortes des populations africaines à briser le tutorat français pour prendre en mains leurs destins. Les Ivoiriens ne sont pas en marge de l’histoire de la nouvelle Afrique qui s’écrit sous leurs yeux.

De l’urgence d’élever le niveau du débat politique dans notre pays pour suivre et saisir la pensée des acteurs du calibre de Laurent Gbagbo

Avec l’union de l’opposition ivoirienne dans son ensemble, appelée de tous les vœux par les militants, les électeurs auront certainement à choisir, en 2025, entre d’une part, les souverainistes, conduits par Gbagbo et le PPA-CI et de l’autre, les partisans de l’arrimage continu à Paris, rassemblés au sein du RHDP. L’affiche promet. Et dans cette bataille, c’est un truisme d’affirmer que l’ancien chef d’Etat compte énormément sur l’apport des femmes dont il milite ouvertement pour le leadership affirmé, l’autonomisation et l’ascension sociale.

» Il faut que les filles alllent à l’école, pour avoir la connaissance qui est le pilier du monde…. La femme peut s’occuper de l’homme et elle s’occupe souvent de l’homme…. Moi, j’ai fait 8 ans dans la prison de Scheveningen et 2 ans à Bruxelles, c’est Nady qui m’a nourri ». Y en a qui disent ‘ c’est moi qui faisait la cuisine de Gbagbo’, mais ne disent pas d’où sortait l’argent de la nourriture. Mais l’argent sortait de chez Nady », a soutenu Laurent Gbagbo au grand rassemblement d’Agboville qui, rappelons-le, était dédié aux femmes.

Une déclaration dont certains propos, sous forme de secrets de prison, ont été sortis de leur contexte pour faire des gorges chaudes sur une question pourtant à la marge. Y a vraiment besoin d’élever le niveau du débat politique dans notre pays pour suivre et saisir la pensée des acteurs du calibre de Laurent Gbagbo, qui comme le sage, a montré du doigt la lune mais malheureusement la clameur populaire a plutôt ciblé les étoiles.

Dr ZELY ZÉRÉ JEAN-BAPTISTE

Analyste politique

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1 réflexion au sujet de « Pourquoi Laurent Gbagbo reste un sérieux adversaire à la présidentielle de 2025 »

  1. Dr ZELY ZÉRÉ JEAN-BAPTISTE

    Analyste (politique) PPA.
    quelle analyse ? Il n’y a que des points positifs au sujet de votre leader. Même les grands analystes républicains vantent les mérites de Donald Trump mais ils ont l’honnêteté de souligner ses points faibles. Faut il croire par cette analyse que Laurent Gbagbo n’a aucun point faible ou que Dr ZELY ZÉRÉ JEAN-BAPTISTE

    Analyste politique ,
    est complètement et aveuglément sous le charme de seplou?
    Courage !

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