Grâce présidentielle en Côte d’Ivoire
La brillante victoire des Éléphants footballeurs a dopé les Éléphants politiques, qui veulent se mettre au diapason de l’effervescence populaire.
Le capitaine de ces derniers a ouvert, le 22 février 2024, les portes de la prison à 51 détenus.
Après la plus belle de toutes les éditions de la Can de football (du 13 janvier au 11 février 2024) et en attendant, en octobre 2025, la plus démocratique, la plus équitable et la plus transparente élection présidentielle de tous les scrutins jamais organisés en Côte d’Ivoire, le chef de l’État a tenu parole.
Il a usé de son droit constitutionnel pour accorder la grâce au général Dogbo Blé Bruno, ancien commandant de la Garde républicaine et proche de Laurent Gbagbo, et aux lieutenants de Soro Kigbafori Guillaume, conduits par Koné Kamaraté Souleymane dit Soul to Soul, chef du protocole de l’ancien président de l’Assemblée nationale.
Six autres prisonniers attendent leur libération provisoire. Après la grâce accordée, le 6 août 2022, à Laurent Gbagbo et deux figures de l’armée ivoirienne (le contre-amiral Vagba Faussignaux, ex-commandant de la marine, et le commandant Jean-Noël Abéhi de l’escadron blindé de gendarmerie), ce geste d’apaisement est une mesure forte, un baume en faveur de la cohésion nationale et de la paix entre les Ivoiriens.
Mais, la partie est loin d’être terminée. Comme Garrincha, le virevoltant attaquant brésilien avec ses crochets, Alassane Ouattara n’a pas abattu toutes les cartes. Il va à son rythme pour imprimer la cadence. Et n’a donc pas mis tous les oeufs dans le même panier. D’une part, il manque à l’appel Soro Guillaume, l’ancien « sauveur » du pouvoir, qui est en rupture de ban.
Il faut tourner la triste et douloureuse page des affrontements et conflits qui ont endeuillé et divisé la Côte d’Ivoire
Le commandant Séka Yapo Anselme dit Séka Séka, l’ancien aide de camp de Mme Simone Ehivet Gbagbo, ne figure pas, lui non plus, sur la liste. Il reste une ombre au tableau. D’autre part, tous ces ex-détenus militaires et politiques libérés, à l’instar de Laurent Gbagbo, Soro Guillaume et Charles Blé Goudé, restent des parias politiques.
Ils sont, pour ceux qui ont perdu leur droit civil et politique, rayés de la liste électorale pour la durée de leur condamnation. Avec la grâce, la condamnation demeure inscrite au casier judiciaire. Par conséquent, après la pause pour souffler, la seconde mi-temps de ce palpitant match politique va s’ouvrir.
Elle portera sur l’élargissement des derniers prisonniers de nos crises politiques depuis 2010-2011 et le retour des exilés restants, au nombre desquels Séka Séka et Soro Guillaume. Il faut, en effet, tourner la triste et douloureuse page des affrontements et conflits, qui ont endeuillé et divisé la Côte d’Ivoire, surtout que le chef de l’État, après Laurent Gbagbo en 2002 à Adjamé, veut ériger un mémorial à la mémoire des morts.
Une autre paire de manche va aussi concerner l’amnistie. Cet acte législatif est de la compétence du Parlement; il arrête les poursuites et supprime les condamnations. Ainsi, tous ces Ivoiriens, placés encore sous condamnation et réhabilités, seraient réinscrits sur les listes électorales afin qu’ils exercent, en 2025, leur droit civique.
La balle de cet ultime pénalty à transformer, pour boucler la boucle de la réconciliation et du vivre ensemble, se trouve dans les pieds du goleador, le maître du jeu.
F. M.
LeMeridien.ci
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