Des produits de contrefaçon d’une valeur de 15 milliards de FCFA mis hors circuit depuis 2016

Créé en décembre 2013 par l’Etat pour lutter contre la contrefaçon, mais opérationnel depuis 2016, le Comité national de Lutte Contre la Contrefaçon (CNLC) est un guichet unique de lutte contre toutes formes de contrefaçons. Grâce à ses actions, des produits de contrefaçon d’une valeur d’environ 15 milliards de FCFA ont été saisis et détruits. A en croire le Coordonnateur de la Cellule de prévention et d’investigation du CNLC, Jacques Roger Claude Ekra, on peut estimer la valeur des produits de contrefaçon en circulation en Côte d’Ivoire à 150 milliards de Francs CFA sur la base des critères internationaux.

Qu’est-ce que c’est que la contrefaçon ?

Le produit de contrefaçon au sens juridique du terme, est un produit qui porte atteinte à la propriété intellectuelle de quelqu’un d’autre. En effet la contrefaçon se définit comme l’acte par lequel une personne physique ou morale utilise ou exploite un droit de propriété intellectuelle sans l’autorisation préalable du titulaire ou de ses ayants droit. Ce droit peut porter sur un brevet d’invention, une marque de produit ou de service, un nom commercial, un modèle ou un dessin, une œuvre littéraire ou artistique.

Donc, c’est un produit qui n’est pas fait par l’auteur, qui n’est pas original, c’est de la copie. « Un produit de contrefaçon est d’abord un mauvais produit, parce que c’est une imitation. Donc, ça ne peut pas être bon et ainsi porter atteinte à la santé du consommateur. Personne ne va mettre toute son intelligence à l’œuvre, exploiter toutes ses capacités intellectuelles, fabriquer un produit et puis le commercialiser sous le nom de quelqu’un d’autre. Au contraire, on va utiliser le savoir-faire de quelqu’un, faire croire au public que c’est cette personne qui a fait tout en lui donnant le produit qui n’a pas la même valeur puisque ce n’est pas fait de la même façon », dit le Coordonnateur du CNLC.

La contrefaçon est une fraude. Elle est une infraction parce qu’elle porte atteinte à l’ordre public. Il ajoute que « la contrefaçon est une infraction connexe et complexe » : « C’est-à-dire qu’elle a un lien avec d’autres infractions et puis son mode de commission implique d’autres infractions. Par exemple celui qui fait la contrebande qui est une infraction consistant à contourner le cordon douanier, à faire rentrer des produits en Côte d’Ivoire sans passer par les voies officielles, dès lors qu’il a contourné le cordon douanier, va faire rentrer des produits, non seulement de contrebande, mais aussi des produits de contrefaçon. Parce que c’est le lieu indiqué pour eux de faire rentrer des produits qui portent atteinte aux droits des autres ».

La contrefaçon, une sangsue pour l’économie

Le Coordonnateur de la Cellule de prévention et d’investigation du CNLC, Jacques Ekra, affirme que la contrefaçon est plus nocive à l’économie que le trafic de drogue. Les produits de contrefaçon viennent à peu près de tous les horizons. Des produits de contrefaçon d’une valeur d’environ 15 milliards de FCFA saisis et détruits représentent 15 milliards de FCFA de perte pour l’économie ivoirienne. Cela ne représente pas grand-chose à côté des produits de contrefaçon d’une valeur de 150 milliards de FCFA en circulation actuellement en Côte d’Ivoire sans que l’Etat perçoive un centime. Puisque le contrefacteur ne le fait pas au grand jour, il se cache pour ne payer aucune taxe.

« Aucun investisseur ne vient dans un pays où il n’est pas protégé. Si vous faites votre investissement et vous vous rendez compte qu’il n’est pas productif, c’est-à-dire que tout le monde s’empare de votre investissement pour, à son tour, faire la même chose que vous, et vous perdez votre marché parce que tout le monde copie le produit que vous mettez sur le marché, alors vous ne viendrez pas investir », prévient Jacques Ekra.

Les sanctions contre les contrefacteurs

Celui qui est pris est un contrefacteur, c’est l’auteur de la contrefaçon. Comme tous les auteurs de d’infractions, il encourt des sanctions. D’abord, ce sont des peines de prison qui vont généralement jusqu’à trois ans, et qui peuvent être multipliées par deux ou par trois en raison des circonstances aggravantes. Par exemple, pour celui qui fait des médicaments de contrefaçon portant atteinte à la santé, il y a des circonstances aggravantes qui peuvent augmenter sa peine. Ensuite, des amendes dont le montant va jusqu’à 10 millions de FCFA, sans compter les dommages et intérêts au profit de la victime, puisque le contrefacteur porte atteinte à un droit privé légalement protégé. Enfin, la troisième sanction, c’est la fermeture de l’entreprise, sur instruction administrative ou judiciaire. Selon le Coordonnateur Jacques Ekra, dans le secteur du textile, des condamnations ont eu lieu à San-Pedro en 2018, où des contrefacteurs ont écopé d’un an de prison ferme.

Les produits en proie à la contrefaçon

Le secteur médical est en tête en peloton avec les médicaments de contrefaçon. Récemment à Bouaké, un circuit de médicaments de contrefaçon d’une valeur autour de 10 milliards de FCFA a été mis hors d’état de nuire grâce aux agents du CNLC en collaboration avec ceux de l’Autorité Ivoirienne de Régulation Pharmaceutique (AIRP), selon Jacques Ekra.

Après les médicaments, les boissons alcoolisées se positionnent. « Beaucoup de nouveaux produits dans le domaine des boissons alcoolisées ont juste revêtu la marque d’un produit en commercialisation, sinon c’est de la drogue, donc de la contrefaçon », explique Jacques Ekra. Certaines marques d’eau minérale également n’échappent pas à la contrefaçon.

Le secteur des textiles n’est pas à l’abri de la contrefaçon. Les pagnes de contrefaction foisonnent. Ce sont des pagnes moins chers et dont les couleurs disparaissent au premier lavage. Dans le secteur automobile, des produits comme les lubrifiants font l’objet de contrefaçon. On a beaucoup de contrefaçon d’huiles de frein ou de moteur. « Ce qui fait que certains moteurs s’arrêtent n’importe où et n’importe comment, des camions de transports n’arrivent plus à freiner, parce que l’huile de frein qu’on leur a donnée n’est pas de bonne qualité. A la place de l’huile de frein à l’intérieur de certains camions, on a une forte teneur en eau. Quand ils freinent, ils dégagent une forte odeur car l’huile de frein est de contrefaçon. Une huile de frein en principe ne doit pas perdre sa composante et quel que soit le degré de freinage qu’on utilise », soutient le coordonnateur du CNLC. La contrefaçon fait sa loi dans le domaine des téléphones portables et du gaz butane où on prend à priori du gaz à l’origine et on le transforme et parfois on va ajouter d’autres produits pour maintenir à la pression.

Le CNLC, plusieurs administrations réunies en un seul point pour mener la traque

Dans le CNLC, on trouve toutes les forces de Défense publique, notamment la Police et la Gendarmerie, On y trouve également le ministère de la Justice, le ministère du Commerce et de l’Industrie, le ministère de la Culture et le Bureau ivoirien du Droit d’Auteur (BURIDA), le ministère du Budget à travers la Douane, l’office ivoirien chargé de la propriété intellectuelle. Le CNLC comprend aussi en son sein des représentants du secteur privé à travers les grandes faitières et les associations des titulaires de droits de propriété intellectuelle. Le privé s’est associé avec l’Etat pour ensemble lutter contre la contrefaçon.

Un travail en synergie avec les institutions de lutte contre la corruption

Le CNLC travaille en synergie avec toutes les institutions qui luttent contre la corruption, la fraude sous toute ses formes, la commercialisation des produits de mauvaise qualité, la contrebande, etc. Par exemple, avec la Haute Autorité pour la Bonne gouvernance (HABG), le CNLC a une convention parce qu’il ne peut pas y avoir de contrefaçon sans corruption quelque part. Qui fait entrer le produit ? Qui laisse le produit sur les marchés alors qu’il sait que ce sont des produits de contrefaçon ? Forcément, Il y a de la corruption quelque part. En plus des échanges d’informations, lorsque la HABG a des informations sur la corruption qui portent sur une saisie de produits de consommation, le CNLC se rend sur le terrain pour voir si au-delà d’une corruption, il n’y a pas de la contrefaçon. « Dans le cadre de cette collaboration, récemment nous avons ensemble mené une grosse opération qui a abouti à la mise hors de consommation d’un produit couramment utilisé en Côte d’Ivoire », témoigne Jacques Ekra.

Le CNLC travaille également en synergie avec l’autorité chargée la transparence et l’honnêteté dans les Marchés Publics. En effet, il ne faut pas que l’Etat soit lui-même consommateur de produits de contrefaçon.

Le CNLC qui privilégie aussi la sensibilisation, entend protéger les droits de tous les investisseurs, de ceux qui vont produire en Côte d’Ivoire, de ceux qui vont importer en Côte d’Ivoire. Donc de ceux qui vont contribuer au développement de la Côte d’Ivoire. Le CNLC défend non seulement le titulaire des droits mais aussi la population contre les mauvais produits. Par ailleurs, la lutte contre la contrefaçon est une œuvre de longue haleine, une guerre de tous les jours, une guerre de tous, insiste le Coordonnateur. En cas de doute sur la qualité d’un produit quelconque, les populations sont invitées à saisir le CNLC aux numéros verts : 800 200 39/0566667545.

CICG

Commentaires Facebook