L’exclusion du Mali du Burkina et du Niger du CFA : prochaine étape du bras de fer avec la France ?

Le 16 Septembre 2023, dans le sillage du putsch au Niger, alors que le CEDEAO menaçait d’intervenir pour rétablir le régime du président Bazoum, les dirigeants du Mali, du Burkina, et du Niger signaient un pacte de défense mutuel, le pacte du « liptako gourma », du nom de la zone communément appelée région trois frontières. Depuis, le pacte a officiellement pris le nom de l’Alliance des Etats du Sahel (AES). L’option militaire dans la crise nigérienne a été finalement écartée parce qu’il a été établi qu’elle aurait ajouté une autre guerre dans une zone déjà en proie à des conflits non résolus. Cela aurait conduit à plus de déstabilisation pour le Niger, toute chose qui aurait profité aux djihadistes. Il fallait aussi prendre en compte le fait que la vie du président Bazoum était et est toujours aux mains de la junte.

Mais la presse et la classe politique de ces pays ont une lecture différente. Ils attribuent l’abandon de la solution armée à la détermination des trois juntes au pouvoir dans ces pays, concrétisée par la mise en place de l’AES, qui est aujourd’hui vue comme une organisation concurrente de la CEDEAO, une « force d’intégration » des Etats du Sahel. On peut se demander si les autorités du Mali et du Burkina avaient les moyens de projeter hommes et équipements sur le front nigérian, à quelque 500 km de là pour les Burkinabés et 1 300 km pour les Maliens. La voie terrestre étant peu sûre, du fait que ces armées n’ont justement pas le contrôle de cette région des trois frontières par laquelle elles devraient passer. D’autre part, si Nigéria avait décidé de « passer à l’action », on ne voit pas quelle résistance ces pays auraient opposé. Ainsi l’AES relève plus de la posture que d’une réelle capacité d’action des ces Etats. C’était juste du populisme pour faire court.

En tant qu’institution, l’AES reste pour l’instant une coquille vide. Pour lui donner du contenu, on parle désormais d’une « intégration économique » des pays. Des « experts » se sont réunis du 25 au 01 Décembre pour proposer une feuille de route dans ce sens. Ont été évoquées la création d’une « force de stabilisation », et d’une « banque d’investissement », la mise en place d’un tarif extérieur commun, une harmonisation fiscale, une « monnaie commune », le tout dans une « confédération » regroupant ces trois pays !!! La presse de ces pays s’est tout de suite emballée pour parler d’un « nouveau Sahel », de la « fin du CFA », voire de la « fin de la CEDEAO ». Tout cela reste pour le moment au stade des intentions. La feuille de route préconisée est juste un « copié –collé » des textes de l’UEMOA. L’AES ne pourra pas se positionner comme une organisation concurrente de l’UEMOA au sein de la zone CFA. Elle va rester une coquille vide.

Sur les réseaux sociaux, si certains citoyens de ces pays ont applaudi la perspective d’abandon du CFA, beaucoup ont aussi exprimé des inquiétudes sur la valeur de cette future « monnaie commune ». Aura-t-elle une parité fixe avec le CFA ? Avec l’euro ? Ou va-t-elle juste flotter comme le cedi et le naira ? La création d’une monnaie n’est pas une question qu’on peut régler en un tour de main. Depuis plus de deux années, les BRICS nous annoncent une monnaie qui va « concurrencer le dollar américain ». On l’attend toujours. Idem pour la monnaie commune de la CEDEAO, qui n’a toujours pas vu le jour malgré la succession des sommets. A y regarder de plus près, on peut se demander si les juntes de ces trois pays sahéliens savent vraiment ce que signifie la « création d’une monnaie commune ».

Le CFA reste une monnaie garantie par le Trésor français, il ne faut pas le perdre de vue, les Etats africains n’ayant pas les capacités de le faire. L’éventuelle sortie du CFA de ces Etats sahéliens n’aura aucun impact sur sa valeur, puisqu’elle n’est garantie par les réserves des pays membres. Ainsi la zone CFA ne va pas « éclater » si ces pays en sont exclus, comme le pronostiquent pas mal de publications ces derniers temps. Par contre, si ces pays continuent de brandir leur sortie de la zone CFA comme une sorte d’épouvantail, il n’est plus impossible que des voix s’élèvent en France pour réclamer leur exclusion de cette zone. C’est ce qu’il faut craindre désormais pour ces pays. La France peut décider de les éjecter de la zone.

Lors d’un débat à l’Assemblée nationale française suite au putsch au Niger, plusieurs députés avaient réclamé en plus du gel de tout appui budgétaire et militaire aux Etats du Sahel, leur exclusion de la zone CFA. C’est dire que l’idée fait aussi son chemin dans l’hexagone. Aujourd’hui elle n’est plus de la fiction. Le gouverneur de la BCEAO, l’Ivoirien Jean Claude Brou a été reçu le 13 Décembre dernier par le Colonel Assimi Goita, à qui il a fait part de la prochaine construction de l’agence BCEAO de Kayes dans le centre du Mali. En fait ce déplacement visait à demander au Colonel des « précisions sur ses intentions concernant le CFA ». Pour la BCEAO, la rhétorique de sortie du CFA doit prendre fin. Dans le communiqué final, le gouvernement malien a dit se féliciter des bonnes relations que la BCEAO entretient avec le Mali. Nul mention d’une éventuelle sortie.

Douglas Mountain

oceanpremier4@gmail.com

Le Cercle des Réflexions Libérales

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1 réflexion au sujet de « L’exclusion du Mali du Burkina et du Niger du CFA : prochaine étape du bras de fer avec la France ? »

  1. Bras de fer avec la France…. Pouaaahhhhh… Désolé, mais il faut mettre votre logiciel à jour. Depuis les réformes d’il y a deux ans entreprises par l’UEMOA sous l’égide de Ouattara, la France n’a plus aucun, je dis bien AUCUN pouvoir décisionnel dans la conduite de la politique monétaire de nos pays. Notamment, aucun pouvoir sur le CPM de la BCEAO qui est totalement indépendant. Voici la réalité aujourd’hui. Donc, le FCFA est aussi indépendant que le cedi ghanéen ou toute autre.

    Qu’on arrête de donner plus d’importance à ses pays à la traîne dans pratiquement tous les métriques de développement économique et humain. Ces pays se bombent leur maigre poitrine pour rien. Ils croient que c’est comme ça un crée une nouvelle monnaie. Qu’ils sortent et ils comprendront. Pour ceux qui ne le savent pas, c’est même parce qu’ils sont membres de l’UEMOA que leurs piètres économies ne se pas effondrées. Ah, oui ! Avec leurs mentalités grégaires et chroniques de faiseurs de coup d’état dans une instabilité quasi-permanente, ils ont survécu de tout temps à cause du FCFA et de la CIV qui y détient l’essentiel des réserves de changes.

    En outre, si ces pays n’ont pas connu des inflations terribles comme au Ghana ou au Nigéria, eh bêh, c’est à cause du FCFA. Rien d’autres. Qu’est ce qu’ils attendent donc ? On verra tous… Juste un observateur de passage…

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