Le travail des enfants est-il un facteur prédictif du décrochage scolaire ?

Considéré comme étant le pourcentage d’élèves qui arrêtent les études avant l’obtention d’un diplôme, le taux de décrochage scolaire qui a atteint un seuil relativement élevé devient alarmant. Sur la période 2022-2023, 9 759 élèves sont de potentiels décrocheurs. Quelle est la stratégie mise en place par le gouvernement ivoirien pour améliorer le suivi individualisé des élèves pour de meilleures performances scolaires ?

1- Quelle est la différence entre décrochage scolaire et échec scolaire

Le décrochage scolaire se définit comme le fait de sortir, d’abandonner l’école sans diplôme et sans qualification durant l’année considérée et ne plus s’inscrire l’année suivante. C’est un processus qui conduit un(e) jeune (garçon ou fille) en formation initiale à se détacher du système de formation jusqu’à le quitter avant d’avoir obtenu un diplôme.
Tandis que d’une façon générale, l’on pourrait définir l’échec scolaire comme étant le non-aboutissement du projet de scolarisation d’un élève, que ce projet ait été préalablement défini par la société ou imaginé par les parents, et par l’élève lui-même. Par rapport à une année scolaire, l’échec scolaire devient synonyme de redoublement. Par rapport aux attentes de l’élève et de sa famille face à l’accès aux différents cycles de la scolarité, l’échec scolaire implique que l’orientation scolaire ne coïncide pas avec leurs attentes.

2- Des études relèvent que le travail des enfants fait partie des facteurs prédictifs du décrochage scolaire ?

Le travail des enfants est contraire à la loi de 2015 (No 2015-635 du 17 septembre 2015) relative à l’enseignement dans laquelle il est fait obligation aux parents dont les enfants atteignent l’âge de 6 ans de les inscrire dans un établissement scolaire et de s’assurer de leur assiduité jusqu’à 16 ans.
Donc, il n’est pas justifié de dire que le travail des enfants est un facteur prédictif du décrochage scolaire. Car ces enfants travailleurs sont en dehors du système éducatif censé les accueillir pour leur apprentissage.
Pour juguler cette situation qui constitue un frein au maintien des enfants dans le système éducatif, la DOB sensibilise d’abord les parents à scolariser leurs enfants en âge d’aller à l’école et que s’ils ne le font pas, ils s’exposent à des sanctions prévues par la loi (une peine d’emprisonnement de deux à six mois et une amende de 50 000 à 500 000 F CFA ou de l’une de ces deux peines seulement). La sensibilisation se fait à travers les activités de la DOB, à l’échelle nationale, ouvertes à tout le monde.

3- Quels sont les motifs réels du décrochage scolaire ?

Les motifs réels du décrochage scolaire sont expliqués par le test LYCAM que la DOB, à travers ses structures déconcentrées (les Centres d’Information et d’Orientation (CIO) et les Inspecteurs d’Orientation en établissement, implémente sur le terrain depuis 2019.
A cet effet, l’administration du LYCAM dans les établissements en vue de détecter précocement des élèves potentiels décrocheurs révèle que de l’année 2019 à 2023, ce sont 35 376 élèves à risque de décrochage détectés dont il est constant d’observer que l’attitude de la famille à l’égard de l’école est le facteur le plus déterminant dans le risque de décrochage des élèves.
Ce facteur fait référence à l’environnement familial (statut socio-économique et socio-culturel) et aux comportements de la famille de l’élève (engagement parental) qui sont inhibants pour lui. Cela s’expliquerait par le désintérêt que la famille porte à l’endroit de l’école. Ce sont des familles qui portent un jugement dévalorisant sur l’école qui pourtant est un avantage pour leur enfant.
Beaucoup d’élèves ne se sentent pas également soutenus par leurs parents dans leurs efforts à performer, à faire face à de multi problèmes auxquels ils sont confrontés. Les parents semblent avoir démissionné relativement aux préoccupations de leurs enfants concernant l’école. Préoccupations d’ordre pécuniaire pour faire face aux besoins de fournitures scolaires, pour pouvoir satisfaire les besoins alimentaires primaires en vue d’être réceptifs aux apprentissages et préoccupations pour étudier et dormir dans des conditions acceptables.
Toutes ces préoccupations conjuguées induisent chez l’élève de mauvais résultats aux évaluations. Et conséquemment, ils décrochent, se sentant abandonnés par la famille.
C’est pourquoi en termes d’importance de facteurs à risque de décrochage, au cours de ces quatre dernières années d’étude implémentées par le LYCAM dans le système éducatif ivoirien, l’absentéisme , à l’instar de l’attitude de la famille, vient en deuxième position suivi du manque d’intérêt de l’école.
Ce sont des facteurs qui sont fortement corrélés car un élève qui est abandonné par sa famille dans sa scolarité, va progressivement désinvestir l’école par son absentéisme amplifié par un manque d’intérêt. L’élève va trouver un véritable exutoire dans des activités extrascolaires souvent peu recommandables.

4- Quelles en sont les conséquences sur la vie de l’élève et du pays ?

Les conséquences du décrochage sur la vie de l’élève peuvent être une réduction de ses chances à obtenir ou exercer un travail décemment rémunéré à long terme, sa vulnérabilité face à la consommation de substances nuisibles pour sa santé physique et mentale, ainsi que sa vulnérabilité face à la tentation à toutes sortes de vices et à la facilité du gain (actes délictueux, prostitution, …), etc.

Les conséquences sur le pays peuvent se résumer à une perte en capital humain pour relever le défi du développement socioéconomique du pays et à un investissement financier à perte pour le pays. Car un élève représente un coût financier pour le pays. En 2013-2014, en situation de redoublement des élèves sur un effectif de 1 005 991 au premier cycle du secondaire, les estimations de la Direction des Etudes, des Stratégies, de la Planification et des Statistiques (DESPS) du MENA, se chiffraient à 27 618 759 996 F CFA de pertes pour l’Etat.

5- La DOB a installé des CPLDS au sein des établissements publics et privés d’enseignement secondaire général. Quel est le nombre de CPLDS, quelles sont leurs missions quel est le bilan de cette initiative ?

On dénombre à ce jour (à l’issue de la mission du 9 au 20 octobre 2023) 197 Cellules de Prévention et de Lutte contre le Décrochage Scolaire (CPLDS) installées et fonctionnelles sur les 268 attendues (73,50% de CPLDS fonctionnelles sur le total attendu). Leurs missions consistent à mettre en œuvre des actions de remédiation pour aider les élèves identifiés comme potentiels décrocheurs suite à l’administration du test psychotechnique le Lycée ça m’intéresse (LYCAM), au sein des établissements d’enseignement secondaire général publics et privés, à prévenir et lutter contre le décrochage scolaire et à accompagner aussi tout autre élève en difficulté d’apprentissage.
Cela fait approximativement un an que les CPLDS sont installées et la plupart de ces cellules n’ont pas véritablement fonctionné compte -tenu de leur mise en place tardive (le courrier de leur installation a été transmis aux DRENA au cours du deuxième trimestre de l’année scolaire 2022-2023).
Malgré ces installations tardives, ces cellules ont permis, au cours de l’année scolaire 2022-2023, de détecter 9 759 élèves potentiels décrocheurs dont 3 249 ont pu être pris en charge. A l’issue de ce travail de prise en charge, 2 827 élèves potentiels décrocheurs ont été maintenus dans le système éducatif (soit un taux de maintien de 87,01%).

CICG

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