Après une recrudescence des attaques terroristes en 2020 et 2021, le nord-est de la Côte d’Ivoire a depuis, connu une période de calme relatif. Les extrémistes violents n’ont cependant pas disparu et sont toujours actifs dans le sud du Burkina Faso.
L’Institut d’études de sécurité (ISS) a documenté comment la région a fourni aux groupes terroristes l’espace nécessaire pour financer, recruter et approvisionner – mettant en évidence une dimension de la menace qui nécessite plus d’attention. Ces dynamiques ont été particulièrement observées en relation avec l’économie de l’élevage et l’exploitation illégale de l’or.
Les groupes extrémistes ont profité de l’insécurité créée par leur présence en offrant une protection aux citoyens dans les zones de Bounkani et de Tchologo, où ils opèrent ou exercent leur influence, notamment le long de la frontière avec le Burkina Faso.
De nombreux propriétaires de bétail, éleveurs, bergers et commerçants collaborent avec ces groupes pour empêcher les militants de confisquer leurs animaux. Ceux qui ne veulent pas emboîter le pas n’ont d’autre choix que de quitter la région sous peine de devenir victimes de vols de bétail, d’intimidations, de menaces de violence ou d’enlèvements.
En utilisant ces tactiques, des groupes extrémistes violents se sont impliqués dans l’élevage et le commerce du bétail dans certaines parties du Bounkani et du Tchologo. Les éleveurs qui se conforment aux militants sont autorisés à poursuivre leur travail. Mais en plus d’être contraints de collaborer avec les extrémistes, ils doivent leur verser une contribution annuelle en espèces ou en nature (bœufs).
Cela a permis aux groupes armés de générer des moyens de subsistance et des revenus, et d’élargir leurs réseaux de « partenaires commerciaux » dans le commerce du bétail, notamment des informateurs, des recruteurs et des coursiers.
Les recherches de l’ISS ont également révélé l’implication de ces groupes dans l’exploitation artisanale de l’or, notamment dans le parc national de la Comoé et sur le fleuve Comoé. Comme dans le secteur de l’élevage, ces activités reposaient sur des offres de « protection » ou d’« autorisation » aux mineurs illégaux de poursuivre leurs activités.
Les témoignages de mineurs et de commerçants opérant le long du fleuve Comoé suggèrent l’existence d’accords entre des extrémistes violents et des « patrons » miniers – ceux qui financent ou gèrent les activités sur les sites miniers. Mais souvent, notamment dans le parc national de la Comoé, les groupes ont eu recours à la coercition en confisquant l’or des mineurs.
Les militants recherchaient également activement de l’or dans le parc. Des mineurs d’or illégaux ont déclaré à l’ISS qu’ils avaient rencontré des extrémistes équipés de dispositifs de détection de minerai. Les membres des groupes terroristes ont également joué le rôle de financiers dans les opérations d’extraction artisanale de l’or. Les mineurs ont déclaré que des intermédiaires agissant au nom des groupes leur avaient proposé un soutien financier pour poursuivre leurs activités minières.
Il y a plusieurs raisons pour lesquelles des militants se sont établis dans le nord de la Côte d’Ivoire et ont collaboré avec ceux qui y vivent. Le manque de services essentiels (routes, écoles, eau et santé) et la faible présence de l’État en général donnent à la population un sentiment d’abandon. Cela les a obligés à rechercher d’autres moyens de gagner leur vie et de prendre soin d’eux-mêmes et de leur famille.
Une autre raison est que les métiers de l’élevage et de l’exploitation minière artisanale ne disposent pas d’une réglementation nationale suffisante, ce qui permet aux groupes terroristes d’infiltrer le marché et de s’ériger en prestataires de « protection ». La nature poreuse des frontières est également un facteur, car elle permet un accès facile à l’intérieur et à l’extérieur du pays pour les militants et toutes sortes de trafiquants et de contrebandiers.
Malgré les efforts du gouvernement et d’autres efforts déployés ces dernières années pour lutter contre l’insécurité, notamment les interventions militaires et sociales, la plupart des vulnérabilités persistent.
Les groupes extrémistes ont besoin de ressources financières, humaines, logistiques et opérationnelles pour fonctionner. Tant qu’ils seront actifs dans le sud du Burkina Faso, il est peu probable qu’ils s’arrêtent de tenter de mobiliser ces ressources dans le nord de la Côte d’Ivoire.
La faiblesse des réglementations nationales permet aux groupes terroristes d’infiltrer facilement les métiers de l’élevage et de l’exploitation minière artisanale.
Cela signifie que les autorités ivoiriennes et leurs partenaires bilatéraux et multilatéraux qui contribuent à empêcher la propagation de l’extrémisme violent doivent prendre en compte cette dimension de la menace. Il faut prêter attention aux économies transfrontalières illicites et aux facteurs qui les favorisent. Comprendre et combattre les mécanismes que les groupes terroristes utilisent pour tirer profit de ces économies ou les façonner pourraient limiter leur capacité à fonctionner et à se développer.
Les efforts du gouvernement pour réglementer l’exploitation artisanale de l’or doivent se poursuivre, et les autorités doivent faire équipe avec les organisations représentant l’économie de l’élevage pour mettre en œuvre efficacement les réglementations régissant le secteur. En particulier, une plus grande sensibilisation est nécessaire concernant les lois régissant les mouvements du bétail et les zones de pâturage.
La coopération entre la Côte d’Ivoire et ses voisins est essentielle pour faire face à la nature transfrontalière de l’extrémisme violent et aux efforts des groupes extrémistes pour garantir la subsistance et les finances dont ils ont besoin pour mener à bien leur mission. Cela inclut non seulement les opérations militaires et de sécurité, mais aussi l’amélioration de la gouvernance et du développement.
Écrit en Anglais par William Assanvo, chercheur principal, bureau régional de l’ISS pour l’Afrique de l’Ouest, le Sahel et le bassin du lac Tchad.
Publié avec la permission d’ISS Africa. L’article original peut être trouvé ici.
Commentaires Facebook