Les planètes vont-elles s’aligner au profit de Téné Birahima Ouattara ?

Frère cadet du président de la république, Téné Birahima Ouattara (TBO) était, à un moment donné, compté parmi les potentiels candidats à une éventuelle succession de son frère. C’était avant l’affaire des 46 soldats ivoiriens détenus au Mali (10 Juillet 2022-O6 Janvier 2023). Cet épisode a distendu les relations entre les deux frères, l’aîné n’ayant pas apprécié d’apprendre par la presse des informations de première importance, sur lesquelles son cadet manifestement n’avait pas fait toute la lumière. TBO est ainsi entré dans une relative disgrâce. Les clubs de soutien qui commençaient à essaimer le pays ont stoppé net. L’homme faisait profil bas. Sans oser le dire ouvertement, on le tenait pour responsable du sort des soldats. Il fut écarté dans la gestion du dossier jusqu’à leur libération.

TBO était partisan depuis le départ d’une ligne dure vis-à-vis de Bamako avec la mise en place immédiate de sanctions fortes, à l’opposé de son frère qui préconisait dans un premier temps « le dialogue ». Mais après six mois, ce fut une évidence pour tous que le Mali ne céderait que sous la menace de sanctions. Ainsi un ultimatum lui été adressé, avec pour prochaine étape l’adoption de sanctions économiques qu’on disait particulièrement dures. C’est cela qui a dénoué l’affaire. Ainsi c’est l’approche préconisée par TBO qui a finalement été mise en œuvre. Cela lui a permis de retrouver quelque peu son prestige perdu.

Aujourd’hui, le ciel s’est totalement éclairci entre les deux frères, leur relation étant redevenue ce qu’elle était avant cet épisode. TBO a de nouveau intégré la short-list des prétendants au trône. Le départ, ou plutôt le limogeage surprise de Patrick Achi du poste de premier ministre, a réduit cette short-list qui était déjà très courte. C’est un candidat potentiel qui a été retiré de la liste. Aujourd’hui il n’ y a pratiquement plus de « poids lourds » pour une éventuelle succession du président Ouattara.

Avec la disparition du président Bédié d’une part, et d’autre part le président Gbagbo qui a affirmé qu’il n’entendait plus « revenir au-devant de la scène », il sera difficile au Président Ouattara de justifier son maintien pour un quatrième mandat. Ainsi à un moment donné ou un autre, la question de sa succession va se poser dans son camp. Les regards vont inévitablement se tourner vers TBO. C’est une évidence. La fenêtre de tir va-t-elle s’ouvrir pour lui ?

Bien sûr une tempête dans l’opinion est à craindre face à cette éventualité. Pourtant si on veut bien mettre de côté son lien filial avec le président, l’homme dispose d’atouts solides, en premier lieu sa haute main sur l’appareil militaire. C’est un avantage décisif sur ses potentiels concurrents, d’abord à l’intérieur du camp présidentiel, puis au niveau national, notamment face à un certain …………Tidjane Thiam, certes surdoué en économie, mais certainement novice sur les questions militaires. Dans le contexte que nous connaissons en ce moment en Afrique, en cette heure de doute sur la loyauté des armées vis-à-vis des pouvoirs civils, la chose a une importance cruciale.

L’intérêt de TBO pour les questions de défense ne date pas d’hier. Alors que le pouvoir commence à se mettre en place, son nom est cité dans les tractations qui ont abouti à la fusion des deux armées qui s’étaient affrontées lors de la crise post- électorale de 2010-2011. C’est dire que dès le départ, TBO s’est porté sur les questions de sécurité et de défense sans toutefois occuper le devant de la scène. Assez rapidement il va monter en puissance sur ces questions en étant toujours en retrait.

En 2012 il est nommé Ministre des « affaires présidentielles ». Derrière ce qualificatif assez flou, il est chargé de l’ensemble des services de renseignements et de sécurité de l’Etat, il devient l’un des membres les plus influents du Conseil National de Sécurité le CNS, il supervise la garde présidentielle, une unité d’élite dont le commandement ne relève pas de l’Etat-major des armées. En 2019, il est porté à la tête de l’Unité de Lutte contre le Grand Banditisme, l ‘ ULGB. Loin des feux de l’actualité, dans une extraordinaire discrétion, TBO a toujours concentré entre ses mains de vastes attributions sur les questions sécuritaires. Il règne aujourd’hui sans partage sur l’ensemble des services de défense et de sécurité. Dans l’ombre de son frère, il a très certainement acquis les fondamentaux de la gestion du pouvoir au sommet. A noter qu’il a fait sa carrière professionnelle dans la finance bancaire.

Le fait qu’il soit le frère cadet du président est un gage de continuité. Ce côté filial est loin d’être une barrière contrairement à ce que l’on peut penser. En Argentine, Cristina Kirchner a succédé à son époux à la tête du pays en 2007. Au Sri Lanka, les frères Rajapaksa ont gouverné le pays à tour de rôle entre 2005 et 2019. En Inde, Rahul Gandhi a pris la succession de sa mère à la tête du pays comme premier ministre en 1984. En Afrique du Sud, Dlamini Zuma a échoué de peu à succéder à son mari Jacob Zuma à la tête du pays en 2017. Bush fils à gouverner les Etats Unis pratiquement dans le sillage de son père de etc….etc…..

Ainsi le fait que TBO soit vu comme un potentiel successeur de son frère à la tête du pays n’a rien d’inédit. Ce ne serait pas une première mondiale s’il venait éventuellement à lui succéder, dès lors que cela se fait par des élections. Bien sûr on n’en est pas encore là. Mais cette éventualité ne doit pas faire perdre le sommeil à certains. En démocratie c’est la règle de la majorité. Les Ivoiriens ont avant tout besoin de quelqu’un capable de garantir la paix. Et vu sous cet angle, l’homme a indéniablement le meilleur profil. Cela dit, il n’est pas sûr qu’il ait pris une décision « définitive ». Les choses ne sont pas tout à fait « calées » avec son frère, comme on le dit en argot ivoirien, la question ne semble pas encore totalement tranchée. On devra donc attendre encore « un petit moment » pour être situé. Une chose est certaine pour TBO. Dans l’éventuelle course à la « succession » de son frère aîné, l’homme a pleinement son destin entre les mains, à condition qu’il sorte des hésitations et assume pleinement ses ambitions le moment venu. La fenêtre de tir ne se renouvellera peut-être plus pour lui.

Douglas Mountain

oceanpremier4@gmail.com

Le Cercle des Réflexions Libérales

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