Le “deal” proposé par les Japonais à la Côte d’ivoire

Le 20 Avril 2023, l’ex PM Patrick Achi a procédé au lancement de la construction de ces trois échangeurs sur le boulevard Mitterrand, des infrastructures qui seront construites aux carrefours de l’école de police, de la riviera III, et de la riviera palmeraie. Coût, 75 milliards FCFA, financés « conjointement » par la Côte d’Ivoire et la JICA, l’agence japonaise de coopération et d’aide internationale. Pourtant le montant exact de la contribution de chaque partie n’a pas été précisé. A combien s’élève l’aide japonaise dans le financement de ces trois échangeurs ? Rien n’est dit à ce sujet. De même, le prix de chaque échangeur n’a pas été communiqué, ce qui est plutôt curieux.

En vérité, la Côte d’Ivoire a obtenu un prêt du gouvernement japonais pour la construction de ces infrastructures en 2019. Un appel d’offres international avait été lancé en Décembre de cette même année pour le choix de l’entreprise. Or c’est une entreprise japonaise qui a été désignée, ce qui atteste que derrière le prêt, il y avait une conditionnalité, celle de choisir une entreprise proposée par les japonais. L’appel d’offre était donc un exercice pour la forme, le gouvernement ivoirien savait d’avance l’entreprise qui serait sélectionnée. ‘’On vous prête l’argent pour construire vos échangeurs, mais vous choisissez l’entreprise qu’on vous désignera.’’ Tel peut être ainsi schématisé le deal proposé par le japon.

On peut faire le parallèle avec la méthode employée par la Chine en Afrique, qui consiste à boucler la construction des infrastructures de bout en bout sans aucune intervention des Etats. Les Japonais eux respectent un peu plus les formes. IIs mettent le prêt à votre disposition, vous faites l’appel d’offre, mais choisissez l’entreprise qu’ils désignent. De même les japonais acceptent que le contrôle des travaux soit exercé par un acteur que vous désignez, en l’occurrence ici BNTED, aussi ils font appel dans une certaine mesure à la sous traitance locale, ce qui n’est pas le cas des Chinois qui n’acceptent aucune ingérence des Etats, ni ne font appel à aucune entreprise de la place.

Les 10 et 11 Janvier 2014, le premier ministre japonais d’alors, Shinzo Abe, avait séjourné en Côte d’Ivoire. C’est lors de cette visite que le Japon avait fait don à la Côte d’Ivoire de l’échangeur de la Solibra. L’infrastructure consistait au départ en un pont à deux branches dans le sens Marcory Treichville, d’un coût de 28 milliards FCFA, dont 25 du japon et 3 de la Côte d’ivoire. Par la suite, la Côte d’Ivoire a souhaité la construction d’un deuxième pont au-dessus du premier afin de fluidifier davantage la circulation, ce que ne parvenait pas à faire le premier pont. D’un coût de 25,135 milliards FCFA, cette seconde phase est entièrement prise en charge par la Côte d’ivoire, certes grâce à un prêt concessionnel du Japon.

Ainsi globalement l’échangeur du carrefour Solibra aura coûté 53,135 milliards, dont 25 milliards du Japon et 28,135 de la Côte d’Ivoire. Il n’est donc pas entièrement financé par un don comme on l’entend souvent dire. Il y a beaucoup de confusion dans la presse à ce sujet. Seul le pont à deux branches résulte d’un don. Le financement du second pont en construction, dont la livraison est prévue pour 2025, a fait l’objet d’un prêt. Ainsi ce pont est supporté par l’Etat ivoirien en totalité. Cela doit être clair dans les esprits.

C’est à partir de cet échangeur que les Japonais vont s’intéresser aux trois futurs échangeurs que la Côte d’Ivoire projetait de construire sur le boulevard Mitterrand, des infrastructures prévues de longue date. En fait, on peut dire que ces trois échangeurs étaient déjà dans leur viseur lorsqu’ils faisaient don à la Côte d’Ivoire du pont à deux branches de l’échangeur de la solibra. Ils vont faire une offre accélérée en mettant sur la table un prêt de 75 milliards FCFA pour leur construction. Ainsi ce n’est pas exact de dire que ces échangeurs sont financés « conjointement ». La Côte d’Ivoire a obtenu un prêt qu’elle doit rembourser. Cela aussi doit être clair dans les esprits.

image.pngimage.pngimage.png
(1 ) ( 2 ) ( 3 )

Lorsqu’on considère l’échangeur de la solibra ( coût 53, 135 milliards), l’échangeur de Marcory ( coût 24,61 milliards ) et l’échangeur depokuase au Ghana ( coût 52,4 milliards ), des trois échangeurs construits pratiquement dans la même période, avec un écart de six ans, il est difficile de comprendre que le coût de l’échangeur du carrefour solibra soit le plus élevé alors qu’il ne peut absolument pas soutenir la comparaison avec l’échangeur ghanéeen, non plus avec l’échangeur de Marcory, dont il fait pourtant plus du double du prix. Comment l’expliquer ? Faut-il incriminer les matériaux ou la main-d’œuvre et l’expertise japonaise ? Ou peut-être avons-nous affaire à une infrastructure surévaluée ? En d’autres termes, le pont à deux branches que les Japonais ont offert à la Côte d’Ivoire a-t-il réellement coûté 28,3 milliards comme ils le prétendent ?

Cela nous amène à revenir sur les trois échangeurs qu’ils vont construire sur le boulevard Mitterrand. Ils vont coûter globalement 75 milliards. Si le prix de chaque échangeur avait été communiqué, cela aurait permis là encore d’établir la comparaison avec d’autres échangeurs qui se construisent actuellement, comme celui du carrefour macaci sur la route d’Abobo, ou celui du carrefour akwaba. Celui-ci coûtera 26,2 milliards, avec un tablier de 02 x 03 voies, pour une longueur de 395,40 mètres. Or l’échangeur de la palmeraie ( le plus long des trois futurs échangeurs ), aura certes un tablier de 02 x 03 voies, mais une longueur de 266 mètres, soit 129 mètres de moins que Akwaba. En revanche, son coût est supérieur à celui de ce dernier, puisque globalement les trois échangeurs du boulevard Mitterrand font 75 milliards, ce qui suppose qu’étant le plus long donc le plus cher des trois, celui de la palmeraie ne peut pas faire moins de 26 milliards.

D’autre part, un échangeur à un niveau, soit un seul pont, ne règle pas entièrement le problème de congestion du trafic lorsque nous avons deux routes qui se croisent. On le voit avec le pont de l’avenue Chardy au Plateau. Les embouteillages ne vont pas totalement disparaître là où ces trois échangeurs seront construits. Vu l’intensité de la circulation, les échangeurs à un niveau sont des infrastructures aujourd’hui dépassées pour la ville d’Abidjan. A défaut d’échangeurs à deux niveaux surtout aux carrefours de la riviera IIII et de la palmeraie, il aurait fallu opter pour des passages souterrains, tel l’échangeur du carrefour de la riviéra II ( livré en 2014 pour un coût de 6,1 milliards ), ou du futur échangeur de la mairie d’Abobo. Ces infrastructures dispatchent mieux la circulation. Les Japonais vont construire des ouvrages assez classiques qui ne vont pas entièrement régler la question des embouteillages, mais dont les prix sont très élevés.

Deux ponts doivent être construits dans la zone portuaire. L’un au-dessus du canal de vridi, un pont de 60 mètres de haut, et le second sur la lagune de Biétry, pour faire la jonction avec le boulevard de Marseille à partir du boulevard du port. Les Japonais sont intéressés, ils ont mis des propositions sur la table. Il est à espérer que cette fois les autorités ivoiriennes ne fassent pas preuve de précipitation, car à ce jour, vu sous l’angle qualité-prix, les japonais ne nous ont pas montré des merveilles.

Douglas Mountain

oceanpremier4@gmail.com

Le Cercle des Réflexions Libérales

Commentaires Facebook

1 réflexion au sujet de « Le “deal” proposé par les Japonais à la Côte d’ivoire »

  1. Ah, les Africains, ah les nègres, toujours à décrier. Toujours à ce plaindre de tout. Bah, quand on ne veut d’immiscions on arrache sa propre indépendance économique. Point barré. Son indépendance économique, on l’arrache en exploitant et transformant ses propres matières premières pour créer ses propres ressources et des valeurs ajoutées. Qui peut faire cela dans les états arabes comme l’Arabie Saoudite ou EAU ou Qatar ou même la Chine ou l’Inde ou le Brésil ? Quand on t’accorde un prêt même d’une banque encore moins un pays ou institution, il faut s’attendre à un certain degré de conditionalités. Si tu n’en veux pas ou n’aime pas ça, ne va pas à la banque et utilise tes propres ressources, ou alors tais-toi et dis merci. Sur quelle planète de naïfs vivez-vous pauvres Africains toujours en train de pleurnicher et se plaindre malgré toutes leurs richesses propres ? Aussi longtemps que tu vis ou dépends dans le salon de quelqu’un attends-toi à certaines règles qui ne te siéront pas.

Les commentaires sont fermés.