Les troupes américaines, françaises et européennes, ont une large empreinte sur le Niger avec leurs opérations régionales de «contre-insurrection» – une opération à laquelle elles renonceront difficilement.
Elles ont pourtant contre elles une opinion publique nigérienne en majorité apposée a leur présence dans le pays.
Les présences militaires étrangères au Niger n’ont pas véritablement changé la situation sécuritaire et économique des Nigériens ordinaires.
L’alibi djihadiste, c’est connu, ne tient plus la route. L’opinion publique africaine sait désormais que les vrais intérêts sont énergétiques et géostratégiques, avec la montée en puissance de la présence militaire de la Russie, à travers le groupe Wagner, en Afrique de l’ouest et centrale.
La prétendue raison d’être du coup d’État reste donc plus que jamais ancrée dans l’un des pays les plus pauvres du monde, lui-même confronté à un conflit armé chez lui, mais entouré de conflits armés à sa porte. Et quand on y ajoute la forte présence militaire étrangère, la situation ne fait que se compliquer.
« La semaine dernière, il n’y avait aucune indication de coup d’État ; c’étaient tous des responsables gouvernementaux, des diplomates, peu importe – comme d’habitude », a déclaré Ulf Laessing, responsable du programme Sahel à la Fondation allemande Konrad Adenauer, qui vient de rentrer d’un voyage dans la capitale Niamey.
Cependant dans le même temps, plus de personnes auraient pu voir le coup d’État venir s’ils avaient réalisé l’ampleur du mécontentement social qui se cache derrière, note Rida Lyammouri, chercheur principal au groupe de réflexion basé à Rabat Policy Center for the New South.
« La situation sécuritaire dans certaines parties du pays n’est pas aussi bonne que beaucoup de gens le pensaient » (malgré les forces étrangères), cité par Al Jazeera.
Dans tout le sud du Niger, le long des frontières avec le Nigeria et le Tchad, l’armée est confrontée à des bandits armés et des combattants de Boko Haram qui représentent des risques mortels pour les Nigériens ainsi que les réfugiés qu’ils envoient se répandre dans le pays.
Et dans l’ouest du pays, des groupes armés liés à l’EIIL (ISIS) et à al-Qaïda errent toujours dans la zone meurtrière des trois frontières partagée avec le Mali et le Burkina Faso.
Selon un rapport de juin 2022 de la Coalition populaire pour le Sahel, une large coalition de groupes de la société civile de la région, huit civils sont tués en moyenne chaque jour dans la région.
Pas plus tard que la semaine dernière, affirme Ulf Laessing, Niamey, la capitale était traversée par une effervescence véhicules 4 × 4 blancs, transportant des soldats européens et des diplomates.
Les Français ont récemment déplacé leurs forces sahéliennes au Niger apres avoir été priés de quitter le Mali et le Burkina-Faso.
Le Niger, producteur d’uranium, était devenu du jour au lendemain la nouvelle plaque tournante régionale de la (pseudo) lutte de Paris et d’autres pays européens contre les groupes armés après les relations tendues avec les gouvernements militaires du Burkina Faso et du Mali.
Alors que les mutins nigériens justifiaient leur prise de contrôle en invoquant une « détérioration de la situation sécuritaire », les Européens et les Américains faisaient entrer des tonnes d’armes et de matériel militaire.
Sans tarder, les États-Unis et les Nations unies ont vivement condamné le coup d’État et les opérations humanitaires de l’ONU ont été suspendues.
Les Français sont mêmes allés plus loin en ne reconnaissant pas le nouveau pouvoir militaire, alors qu’au Tchad à côté, Macron s’était empressé d’adouber Deby fils, un autre général auteur d’un putsch.
Cette absence de cohérence, de morale et d’éthique, discrédite la France dans l’opinion régionale depuis de longues. Surtout chez les plus jeunes, sans perspectives d’avenir et prêts à braver le Sahara pour aller risquer leurs vies en méditerranée.
« C’est vraiment difficile pour les États-Unis. Je pense qu’ils feront tout pour trouver un moyen de travailler avec eux », a déclaré Laessing, faisant référence à l’énorme base de drones américains dans la ville septentrionale d’Agadez. « Les États-Unis ont pas mal de bases dans des pays qui ne sont pas vraiment démocratiques. »
Les pays occidentaux ayant une présence militaire au Niger pourraient ne pas vouloir rompre complètement leurs relations avec la junte au risque de se voir invités à quitter le Niger.
Bien en embuscade, Wagner pourrait rapidement occuper le vide ainsi laissé. Son patron Yevgeny Prigozhin, qui reste actif bien qu’il ait officiellement mené une « mutinerie » ratée contre les hauts gradés de l’armée russe, a déjà salué le coup d’État militaire du Niger comme une bonne nouvelle et a offert les services de ses combattants pour rétablir l’ordre.
« Aujourd’hui, c’est effectivement gagner leur indépendance. Le reste dépendra sans doute des citoyens nigériens et de l’efficacité de la gouvernance, mais l’essentiel est ceci : ils se sont débarrassés des colonisateurs. Ce qui s’est passé au Niger n’est rien d’autre que la lutte du peuple nigérien contre ses colonisateurs. Avec des colonisateurs qui tentent de leur imposer leurs règles de vie et leurs conditions et de les maintenir dans l’état où était l’Afrique il y a des centaines d’années », indique le message, publié jeudi soir, sur le canal Telegram Yevgeny Prigozhin
Alfred Zongo
Lu pour vous
En 2010, lorsque la question d’installation des bases militaires au Niger avait refait surface, tous les Nigériens jaloux de la souveraineté du pays avaient dénoncé une telle éventualité sur le territoire national. Du reste, pour l’opinion nationale, la présence de troupes étrangères est aux antipodes de la souveraineté et de l’indépendance de notre pays. Car, elle remet gravement en cause l’aptitude de nos vaillantes forces de défense et de sécurité à faire face aux menaces des forces du mal. Leur présence sape le moral de l’Armée nationale. Alors que tous le savent, nous avons une armée de métier et de renom, capable de relever n’importe quel défi sécuritaire pourvu qu’elle soit dans les conditions. Nos braves militaires ont fait leurs preuves sur tous les terrains de combats, à l’intérieur comme à l’extérieur. C’est pourquoi, jalouse de notre souveraineté, la transition militaire de Salou Djibo, malgré les menaces d’AQMI, avait demandé à un comité, composé de militaires et autres spécialistes de la question, de réfléchir sur l’opportunité de l’installation de troupes étrangères sur le territoire national. Dans sa conclusion adressée au chef de l’Etat, ledit comité a été catégorique. Il affirme en substance que l’éventualité d’une telle question « nuit gravement à l’image de notre armée »et que la présence de troupes étrangères est « un préjudice sérieux à la souveraineté nationale. »
La note dit en substance que : « la présence du détachement de militaires français ne se justifie plus et ne s’est jamais justifiée. ». Ainsi, pour le signataire de la note, il est urgent de convenir avec les français d’une date pour mettre fin à ce détachement qui n’est plus fondé.Mais, aussitôt installés au pouvoir et contre toute attente, Issoufou Mahamadou et ses camarades ont passé outre cette recommandation importante pour autoriser des puissances étrangères, sans passer par l’Assemblée nationale, à installer des bases militaires dans notre pays. Un acte gravissime qui constitue à tout point de vue une violation flagrante de la Constitution et qui est contraire à tous les principes de souveraineté nationale.
Nigerdiaspora.net
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