Était-ce pertinent de décréter 2023 « année de la jeunesse » en Côte-d’Ivoire ?

Dans son adresse à la nation le 31 Décembre 2022, le Président Ouattara au détour d’une phrase, a décrété l’année 2023 « Année de la jeunesse ». La phrase en elle-même a semblé être une phrase comme une autre. Ce n’est pas la première fois que le président dit vouloir faire des jeunes sa « priorité ». On retrouve cette thématique dans tous les discours des hommes politiques. Maires, Députés, Présidents de région, Ministre etc…….tous prétendent inscrire les jeunes au cœur de leurs actions. Cela n’est pas nouveau. Le président Houphouët disait souvent que les jeunes étaient la raison de son maintien au pouvoir.

Rien ne laisse penser que le président comptait accorder une attention particulière à cette phrase. Mais la presse s’est focalisée sur cette phrase et l’a abondamment commentée, le forçant lui et son gouvernement, à lui donner du contenu, à élaborer presque dans l’urgence ce qui ressemble avant tout à une stratégie de communication plus qu’à une série d’actions en direction des jeunes. A la lecture des mesures décidées dans le cadre de cette année de la jeunesse, on se rend compte qu’ il n’ y a « rien de nouveau sous le soleil « , on a le nette sentiment que rien n’avait été vraiment préparé en amont. En fait, cette « année de la jeunesse » a surpris le gouvernement. Manifestement le président ne s’attendait pas à ce que sa phrase ait un tel impact.

Les autorités parlent d’une action en trois axes :

1- l’accélération de la formation, de l’insertion et de la promotion de l’entrepreneuriat des jeunes

2- le renforcement de l’engagement citoyen et de l’éthique sociale de la jeunesse

3- l’amélioration des conditions d’épanouissement et de bien être des jeunes

Quand on se rend sur le portail officiel du gouvernement pour obtenir plus de détails, on s’y perd. Pêle-mêle sont évoqués la construction de lycées professionnels, de centres de service civique, des programmes tel le PEJEDEC ( Projet Emploi Jeunes et Développement des compétences) en œuvre depuis 2012, le programme « Girl power’ en faveur des jeunes filles qui date de 2021, des actions de formation entreprises sur la période 2018-2022, l’approche intégrée du financement financement des projets lancé en 2019,.. etc…..etc……On a affaire à des programmes en cours d’exécution depuis un certain temps.

Il n’ y a fondamentalement rien de nouveau dans ce que l’Etat présente comme étant les trois axes d’action pour cette « année de la jeunesse ». La construction de lycées professionnels et de centres de service civique figure déjà dans le PND 2021-2025. Et ces structures ne vont pas ouvrir leurs portes en 2023, les appels d’offres n’ayant même pas encore été lancés. Toute une série d’actions déjà mises en œuvre ou en cours d’implémentation sont mises dans un même paquet et présentées de façon cohérente comme étant la stratégie du gouvernement pour cette « année de la jeunesse ». C’est juste de la communication.

Quant au financement de ces mesures, il faut rappeler que ces 360 milliards ( ou « un milliard par jour » ) dont on parle tant, font partie du budget. Il ne s’agit pas d’un fond mis à part pour les jeunes. Tout ce qui sera financé dans le cadre de cette « année de la jeunesse » fait l’objet d’une ligne budgétaire mise en place au moment de la confection du budget programme de 2020. Ainsi l’affectation de ces 360 milliards a été réalisée il y a bien longtemps. Ce n’est pas de l’argent frais que l’Etat met sur la table contrairement à ce que croit l’opinion. Les choses ont été bouclées bien avant qu’on ne parle de l’année de la jeunesse.

Personne ne dit que l’Etat ne fait rien pour les jeunes. Loin de là. Il y a énormément de programmes en cours d’exécution, en termes de formation, d’encadrement, d’octroi de financement, d’accès directe à l’emploi etc..etc…. L’Etat fait beaucoup pour les jeunes depuis 2011, comme l’atteste une nette baisse du taux de chômage. Seulement décréter 2023 comme « année de la jeunesse » n’était pas pertinent dans le mesure où rien de nouveau n’ a été vraiment prévu. Le gouvernement ne fait que poursuivre des chantiers déjà entamés. Dans son discours de fin d’année 2022, Le Président pouvait seulement énumérer les actions déjà entreprises en faveur des jeunes, et non pas décréter 2023 « année de la jeunesse ». En le faisant, il a créé une attente dans l’opinion que le gouvernement est obligé de combler non pas avec une stratégie d’action ( car il y a aucune marge budgétaire pour cela), mais avec une stratégie de communication. Et c’est bien dommage.

Douglas Mountain

oceanpremier4@gmail.com

Le Cercle des Réflexions Libérales

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