Le 17 janvier 2017, dans l’émission « C Polémique de France 5, l’historien français Emmanuel Todd déclarait ceci : “la France n’est plus une démocratie, on fait tous semblant, on est dans un monde d’illusions, on est dans une comédie, on fait du théâtre, on met en cause la démocratie américaine qui renaît et on fait comme si, nous, on était des démocrates, on est vraiment de gros rigolos quand on met Trump en question.”
La justice française a fait semblant de sévir contre Sarkozy, le 17 mai 2023, en le condamnant à trois ans de prison dont un an ferme dans le cadre de l’affaire dite des écoutes liée au financement de sa campagne électorale de 2007.
Si cette justice était vraiment sérieuse et indépendante, elle jetterait l’ancien président en prison. Si elle n’était pas corrompue, elle agirait comme celle du Pérou qui n’hésita pas à mettre derrière les barreaux les anciens présidents Alberto Fujimori (1990-2000), Alejandro Toledo (2001-2006) et Pedro Castillo (2021-2022). Condamner un « délinquant chevronné » (ce sont les mots du Parquet national financier) à porter un bracelet électronique est une comédie car Sarkozy écopa de la même peine le 1er mars 2021 pour corruption et trafic d’influence, ce qui ne l’empêcha pas de se rendre régulièrement à Abidjan pour faire la bamboula et récupérer sa part de butin après avoir détruit des biens et des vies humaines à Abidjan en mars-avril 2011. La Justice française a fait semblant d’être sévère. La vérité est qu’elle a toujours été complaisante et tendre avec les riches et puissants parce que “les élites françaises ont pris l’habitude de vivre hors la loi, coupées du monde” comme l’écrivait il y a deux ans « Süddeutsche Zeitung », le quotidien allemand basé à Munich. Elle devrait pourtant se souvenir que le même Sarkozy s’était insurgé, en novembre 2015, contre les mesures d’aménagement de peine, qu’il avait assimilé, en mars 2012, la non-exécution des peines à une impunité et qu’il avait soutenu, en novembre 2014, qu’une personne “qui revient pour la 17e fois devant le tribunal devait être punie pour l’ensemble de son œuvre”.
En France, les grands bandits sont traités moins sévèrement que les petits, ce qui prouve que, “selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir” (Jean de La Fontaine).
Todd a raison de dire que son pays fait semblant : semblant d’aider les Africains, semblant d’être pour les droits de l’homme, pour la démocratie, pour la justice, pour des élections justes, transparentes et équitables, pour le respect de la Constitution, etc. Si la France ne faisait pas semblant, elle ne se tairait pas devant les violations des droits de l’homme par ses sous-préfets, ne s’acoquinerait pas avec Déby Mahamat, Macky Sall, Faure Gnassingbé, Dramane Ouattara et Sassou Nguesso.
Depuis plusieurs mois, la jeunesse africaine demande la fermeture des bases militaires que la France a illégalement installées sur le continent, le retour de ses soldats dans l’Hexagone, la disparition du franc CFA, la fin de son immixtion dans nos affaires mais elle fait semblant de ne pas entendre, tout comme elle fait semblant d’avoir modifié son comportement, d’avoir changé son regard sur les Africains. Difficile de la croire car Yodé et Siro enseignent, dans leur belle chanson « Atito » (mot bhété qui signifie « ami »), que « comportement est comme poils. Tu vas beau raser, ça va pousser ».
Sarkozy se prenait pour un demi-dieu, affichait morgue et mépris, était fier d’avoir fait assassiner le colonel Kadhafi et d’avoir sorti Laurent Gbagbo pour installer dans le fauteuil présidentiel son ami Ouattara. Quand il fanfaronnait, il était loin de comprendre ces deux vérités simples mais éternelles : on ne peut être fort éternellement et, pour tout mortel, arrive tôt ou tard le temps des tempêtes. Si la France n’était pas un pays où on fait semblant, Sarkozy serait, depuis un bon moment, en train de méditer sur son sort dans une prison.
Jean-Claude DJEREKE
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