La RDC pourra-t-elle en finir un jour avec les groupes armés rebelles dans l’Est du pays ?

Depuis 28 ans l’Afrique est habituée au spectacle des déplacés à l’est de la RDC. L’armée congolaise ne parvient pas à éradiquer la multitude de groupes armés qui essaiment cette partie du pays. Qu’est ce qui l’explique ?

L’Est de la RDC ne parvient pas à être stabilisé depuis Octobre 1996, date où l’ AFDL ( Alliance des Forces Démocratiques de Libération ) de Laurent Désiré Kabila, un mystérieux groupe rebelle inconnu jusque-là, est apparu à la frontière rwandaise. Après environ six mois d’une progression fulgurante qui a étonné toute l’Afrique, les troupes rebelles pénétrèrent dans en Mai 1997 dans la capitale Kinshasa, alors que le Président Mobutu avait fui pour le Togo, deux jours auparavant. Les rebelles ont bénéficié de l’apport des armées rwandaise, ougandaise, et dans une moindre mesure burundaise.

Depuis cette date, cette partie du Congo échappe au pouvoir de Kinshasa. Plusieurs groupuscules rebelles ont vu le jour et imposent leur loi aux populations. La question qu’on peut se poser aujourd’hui est de savoir pourquoi en 28 ans, l’armée de la RD Congo n’est pas parvenue à solutionner durablement le problème ? Pratiquement tous les pays de la zone ( Rwanda, Ouganda, Burundi, Angola …….) en ont terminé avec les mouvements de rébellion qu’ils connaissaient. Pourquoi ce n’est pas le cas en RDC ?

Aujourd’hui le M-23, ce mouvement rebelle appuyé par le Rwanda, fait subir défaites sur défaites à l’armée congolaise. La grande ville de Goma, capitale provinciale de plus de deux millions d’habitants, avec ses immenses camps de réfugiés et de déplacés, est pratiquement encerclée. Seule la présence des troupes de la  » force régionale « , mise en place par les pays de la Communauté des États de l’Afrique de l’Est dont la RDC est membre, empêche le M-23 de prendre la ville.

La RDC : un pays grand comme sept fois la Côte d’Ivoire

L’une des clés pour comprendre les difficultés de l’armée de la RDC à venir à bout des groupes rebelles, tient en l’immensité du territoire. La RDC est le second pays le plus vaste du continent après l’Algérie. En avion, plus de 5 000 km séparent la capitale Kinshasa des provinces de l’Est, là où se déroulent les combats. Par la route, c’est environ 8 000 km qu’on parcourt entre Kinshasa et Goma ( soit plus de 12 fois la distance Abidjan – Korhogo pour se faire une idée du trajet ).

A l’instar des autres pays africains, en RDC, tout est concentré dans la capitale. Il faut donc projeter, c’est-à-dire acheminer les hommes, le matériel et toute la logistique sur cette distance. Il faut ensuite faire des rotations en avions gros porteurs pour ravitailler et relever les troupes, acheminer les munitions et pièces de rechange etc….etc… C’est un défi logistique et financier majeur qui pèse lourdement sur l’effort de guerre du gouvernement congolais. C’est connu, plus le théâtre des opérations est lointain, plus la guerre est coûteuse. A l’inverse, la ville de Kigali est à moins de 100 km de Goma, ce qui permet au Rwanda de porter facilement assistance au M-23.

La RDC : un pays entièrement recouvert de forêt

C’est un facteur qui handicap également l’effort de guerre congolais. La forêt reste une entrave à l’utilisation des blindés légers, des canons mobiles, en somme de l’artillerie, elle se prête aussi aux embuscades. Les combats se font essentiellement au « corps à corps ». Les américains ont connu ce problème lors de la guerre du Vietnam. Ils faisaient face à des troupes aguerries aux combats en pleine jungle, tandis que leurs chars et véhicules blindés ne pouvaient pas manœuvrer dans un tel environnement. L’armée rwandaise qui arme et encadre le M23 est à l’origine une armée de maquisards, rompus aux combats en pleine forêt. Les Rwandais sont très outillés, très expérimentés pour ce type de guerre, à l’inverse des congolais qui ont une approche beaucoup plus conventionnelle des combats.

Dans le Nord du Nigéria, le groupe Boko Haram avait pour base arrière la vaste forêt de Sambisa que l’armée nigériane a mis longtemps à reconquérir. Les djihadistes ont définitivement été chassés de la zone grâce à l’utilisation intensive de drônes turcs, le fameux Bayraktar TB-2, cette même arme qui a permis à l’Ethiopie d’infliger une défaite sans appel aux rebelles du Tigrée. L’armée congolaise gagnerait certainement en efficacité en recourant massivement aux drônes. Mais cela est une autre question.

L’armée congolaise : une armée qui  » fuit le combat  » ?

C’est un reproche qui est régulièrement fait à l’armée congolaise, le  » manque d’engagement des troupes « . Selon plusieurs articles parus sur cette guerre, l’armée RD-congolaise « fuit le contact avec l’ennemi ». Elle se replie dès qu’il y a accrochage, abandonne trop vite ses positions pour adopter une attitude défensive, elle laisse entièrement l’initiative aux rebelles du M-23. Il faut se rappeler que les officiers du contingent tchadien déployés au Mali, une fois rentrés au Tchad, avaient eux aussi reproché cela à l’armée malienne, affirmant qu’elle  » attend qu’on fasse tout le boulot à sa place ».

Aujourd’hui en RDC, l’armée semble attendre que la force régionale, composée des troupes des pays d’Afrique de l’Est, combatte le M23. Or c’est une force tampon, qui n’a pas de « mandat offensif » selon la formule consacrée. Elle n’ a pas vocation à se substituer à l’armée congolaise, mais plutôt veiller au respect des cessez-le-feu et autres accords. C’est à l’armée congolaise de combattre les rebelles, ce qu’elle semble rechigner à faire. Souvent on assiste à des révoltes des populations de l’Est de la RDC contre leur armée, à qui elles reprochent de ne pas « vouloir se battre ». C’est dire que ce mal est profond.

La RDC : un pays riche en minerais mais corrompu

Les minerais jouent en faveur de la guerre dans le pays, alors qu’ils devraient plutôt favoriser le développement. Les nombreux groupes rebelles se financent sur le trafic de pierres précieuses, et des essences de bois, le tout exporté via les pays limitrophes, Ouganda, Burundi mais principalement le Rwanda. Les relevés de la balance commerciale rwandaise font régulièrement état de l’exportation de minerais qui ne se retrouvent pas dans le sous-sol du pays, preuve que le pays est bien la porte de sortie de la contrebande des minerais en provenance de la RDC. Tout cela est favorisé par la corruption qui règne en RDC, et c’est le dernier point à relever.

Au Mali et au Niger, on a assisté à des scandales de corruption au niveau de l’armée, lorsque des centaines de milliards de CFA destinés à l’achat d’équipement se sont volatilisés. La RDC n’échappe pas à ce phénomène. On assiste régulièrement à ce type de scandale. Et c’est quelque chose qui handicap l’effort de guerre, qui démoralise les troupes. Pour terminer, il faut noter que la nation congolaise, toutes tendances politiques confondues, fait bloc derrière son armée. Le pays reste soudée sur cette question. Il faut aussi relever que malgré toutes les défaites qu’elle subit sur le front, malgré tous les massacres attribués aux groupes rebelles, l’armée congolaise reste fidèle au pouvoir en place, contrairement aux armées des pays du Sahel confrontés aux groupes djihadistes, qui ont renversé les pouvoirs civiles en place. C’est un point positif qu’il convient de relever quand on analyse ce conflit.

Douglas Mountain
Le Cercle des Réflexions Libérales
oceanpremier4@gmail.com

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