D’Abobo à Port-Bouet / Damana Pickass fait entendre la voix de l’opposition
Comme programmée par les soins de son secrétariat général, le Ppa-Ci, le parti créé par Laurent Gbagbo en 2021 s’est lancé à l’occupation du terrain politique dans une campagne de mobilisation de proximité dans le District d’Abidjan.
Tout commence à Abobo, au quartier Avocatier, le 11 février 2023. Cette sortie dans la commune réputée hostile avait valeur de test. Montrer que la Côte d’Ivoire peut surmonter ses vieux démons de la violence et se remettre sur les rails d’une vie politique normale, où seules les idées suscitent les adhésions. Cet après-midi là, les partisans de Gbagbo étaient mobilisés, environ 5 mille participants, selon la direction du parti. Une réussite dans cette commune à laquelle le pouvoir a miroité le renouveau mais qui peine à s’éveiller malgré des investissements en cours. D’Abobo Gare au stade Gervinho où s’est tenu le meeting, on fait le parcours par une voie désormais bitumée mais poussiéreuse animée par le train train des taxis motos, nouveau moyen de transport en vogue pour des quartiers autrefois inaccessibles.
Sans langue de bois, Damana Pickass dont le message était attendu a entretenu son auditoire sur la candidature de Gbagbo en 2025. Il s’est élevé contre ceux qui estiment que Gbagbo doit prendre sa retraite. Pour lui, la mission de Gbagbo, celle de rendre à la Côte d’Ivoire son indépendance et sa dignité, n’est pas encore achevée et il demeure le champion incontesté du Ppa-Ci pour la présidentielle prévue dans deux ans. »Ne faites pas attention aux attaques contre Gbagbo. Ne répondez pas parce que Gbagbo c’est Gbagbo ! Il est venu pour mener un combat que beaucoup ne comprennent pas (…) Gbagbo est là pour sa mission de libération de la Côte d’Ivoire. Gbagbo a démontré à toute épreuve qu’on peut lui faire confiance », a-t-il averti.
A Abobo, Pickass a également dégainé, dans des propos allusifs, contre Blé Goudé pour qui il demande à son camp de ne pas se lamenter car, à la vérité »il y a des gens qui n’ont jamais été avec nous, pourquoi pleurer quand ils s’en vont ? » (…) »Quand quelqu’un sort de prison, quand quelqu’un vient d’exil, il faut bien l’écouter parce qu’à travers les propos qu’il tient, vous savez s’il est votre camarade ou s’il ne l’est pas », titille-t-il. Puis Pickass d’achever par cette boutade : »Les épreuves révèlent notre réelle personne. Elles ne nous changent pas ».
Et si les »Tribunes du Ppa-Ci », espace d’échanges avec la presse créé par le parti sert à faire des analyses critiques de la gouvernance assorties de propositions, les meetings du secrétaire général sont plutôt à charge pour le régime, sans concession.
Son propos sur la vie chère a également retenu l’attention du public quand il décrit une situation de quasi précarité des ménages ivoiriens qui »n’arrivent plus à se nourrir ». C’est pourquoi, il a lancé un appel à la mobilisation générale contre la cherté de la vie. Les ivoiriens ne doivent pas être, selon lui, réduits à être des révolutionnaires de salon. »Tenez-vous prêts ! personne ne tuera encore personne dans ce pays. Préparez-vous parce que la vie devient impossible », a-t-il lancé face à un public scotché à ses lèvres et approbatif quand il décrit le quotidien des gens.
Autre lieu, autre décor, Cocody Anono, le 18 février devant une mobilisation record. Plus de 35 bâches dressées qui ont quasiment affiché complet. Ici, le Sg s’est remémoré le 18 février 1992. Un rappel historique des événements qui ont conduit Laurent Gbagbo et son épouse de l’époque, Simone en prison. C’était un coup contre la démocratie et les libertés, selon Damana Pickass qui pointe du doigt, l’actuel chef de l’Etat, premier ministre d’Houphouët en ce temps-là, comme seul responsable, épargnant le nouveau partenaire Pdci, aux affaires au moment des faits. »La liberté continue d’être embastillée ! Nous ne pouvons pas être d’accord », a tonné l’ancien secrétaire national de la Jfpi passé par la Fesci, l’encore puissant syndicat estudiantin. »Il est temps qu’on se lève pour faire triompher la démocratie et l’Etat de droit », a-t-il martelé sous un tonnerre d’applaudissement de l’assistance.
C’est à Cocody, chez le chef Sévérin Nandjui Djorogo que l’envoyé du Ppa-Ci a exprimé son indignation contre ce qui se trame à la Commission électorale indépendante (Cei). La phase d’enrôlement des électeurs achevée, le traitement des données en cours et jusque-là, le représentant du Ppa-Ci au sein de cette commission n’est toujours pas nommé formellement. »Je voudrais protester contre le fait que nous ne sommes pas présents à la Cei. Nous sommes fondés à penser qu’ils sont en train de tripatouiller la liste électorale. Tout ce qui se fait sans nous est contre nous », a manifesté l’orateur. Une tribune où il a également donné la position de son parti sur la carte de résident mise au goût du jour par le gouvernement. Damana Pickass a dit ne pas comprendre qu’on ait fait la guerre sur la base de l’identité nationale et que l’on ressuscite cette hache de guerre. »Que l’on s’aperçoive qui est réellement xénophobe en Côte d’Ivoire », fustige-t-il.
A Port-Bouet, le dimanche 19 février, il y avait Damana Pickass, il y avait Justin Koné Katinan. Mais la grande attraction fut Dahi Nestor, secrétaire général adjoint en charge des structures spécialisées qui dans un discours vibrant s’est félicité du soutien du Pdci-Rda. »En Côte d’Ivoire, il y a désormais deux camps. Le camp de Laurent Gbagbo qui est pour la souveraineté et la dignité de la Côte d’Ivoire et le camp des oppresseurs », a martelé Dahi Nestor avant de laisser toute la place à Damana qui a encore dénoncé la vie chère. »Les gens ne font aucun sacrifice et ils demandent aux pauvres de faire des sacrifices. Messieurs du gouvernement, nous n’en pouvons plus ! Il faut que vous fassiez quelque chose pour les populations. Sinon ! » a-t-il crié fort axant son message sur les souffrances au quotidien des populations. »Nous sommes de l’opposition et nous faisons notre travail de critique du gouvernement et il faut que le gouvernement accepte les critiques », a interpellé Pickass alertant que si les cris ne sont pas entendus, les marches pacifiques seront le recours, un droit constitutionnel, dit-il. L’on a retrouvé un Damana Pickass inspiré avec des qualités de tribun, rappelant le militant fesciste des années 90 à 2000. Il a désormais une responsabilité politique.
Lors de ces différents rendez-vous, l’on a pu voir des cadres du Pdci s’exprimer et le retour des cadors du parti Ppa-Ci. Entre autres, la présidente de la ligue des femmes, la ligue des jeunes mais surtout Marie Odette Lorougnon, Michel Amani N’guessan, l’ancien ministre de Gbagbo qui a exhorté les siens à ne pas avoir honte de la politique de refondation.
Le moins que l’on puisse dire, est que ces meetings se sont déroulés sans perturbation des partisans du pouvoir et sous l’encadrement des forces de l’ordre. Signe des temps ?
SD à Abidjan
sdebailly@yahoo.fr
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