Le mercato politique est fort animé depuis la fin d’année et en ce début de nouvelle année avec des revirements spectaculaires.
Le Pdci-Rda, parti fondateur de la Côte d’Ivoire en paie le prix, après avoir lui aussi enregistré quelques arrivées. En l’espace d’un mois, trois de ses cadres ont tourné casaque. Ils se sont revêtus de nouveaux manteaux, ceux du Rhdp. Le parti présidentiel, où couleraient le miel et le lait.
L’actualité au Pdci frémit de départs fracassants et la saignée pourrait se poursuivre si rien n’est fait pour baisser la température à l’intérieur de la marmite. C’est le secrétaire exécutif en chef, Kakou Guikahué, qui faisant l’analyse froide de la situation semble avoir trouvé la source du mal du moment : le Pdci n’a pas de postes de nomination à offrir parce qu’il n’est plus au pouvoir.
A la vérité, rien d’autre n’intéresse les nouveaux militants du Rhdp issus du Pdci. Le parti présidentiel est surnommé à tort ou à raison « le restaurant » et ceux qui ne vivent que pour le confort du ventre, voudraient bien y avoir de bons morceaux. Des postes, des faveurs, des privilèges sans coup férir. Ils n’ont ni la culture de la lutte ni le courage de faire carrière dans l’opposition.
N’dohi Yapi Raymond qui déclare lui-même qu’il est au service du Pdci depuis 1980 trouve aujourd’hui que le Pdci n’est plus viable parce que ses intérêts à lui ont pris un coup. Il n’est plus maire depuis l’élection municipale de 2018 qui a vu l’avènement de Cissé Bacongo qui lui sert aujourd’hui de parrain. Il avait crié sur tous les toits qu’on lui avait volé sa victoire. Aux élections législatives de 2021, il n’a rien pu faire pour redonner au Pdci ses sièges perdus dans la commune. Il parle aujourd’hui de frustration parce que ne plus lui faire confiance et mettre en avant d’autres cadres plus conquérants et plus volontaires que lui est vécu comme crime de lèse-majesté.
Ils partent en sciant la branche sur laquelle ils étaient assis. Gouali Dodo Basile, dont le nom se confondait jusque-là avec le Pdci dans le département de Vavoua estime pour sa part que son ancien parti manque de vision et d’ambition. Il ne veut plus suivre un parti qui ne peut plus gagner et avec lequel il a du reste perdu son siège de député à l’assemblée nationale. Siège qu’il a eu et occupé avec l’onction du Pdci plusieurs années durant.
Un autre, N’Dri Narcisse dont le CV politique a pris de l’envergure avec le Pdci serait lui aussi, sur le départ.
Que se passe-t-il dans le parti presque octogénaire fondé par Félix Houphouët-Boigny de haute lutte ?
Les bruits de couloir annoncent une situation orageuse. Au centre de l’imbroglio, la gestion des hommes. Le président Bédié a beau multiplier les structures, nommer des hommes de confiance à la tête de ces différentes entités, la cohésion reste une autre paire de manches. Des cadres qui se marchent dessus, qui se torpillent à la limite et ne se font plus confiance. Ce cocktail toujours explosif est du pain béni pour le parti au pouvoir pour ouvrir grandement ses bras à ceux qui ne parlent plus le langage de Konan Bédié. S’ils ne sont démarchés individuellement par certains anciens cadres du Pdci passés au Rhdp, on leur miroite des possibilités de financement de leurs projets pour ceux qui sont des élus (députés, maires, sénateurs, présidents de conseils régionaux). L’un après l’autre ils mordent à l’hameçon.
Le problème est qu’ils ne sont pas vraiment des militants de conviction et d’ambition. Sinon qui d’autre peut faire le bonheur du parti Pdci-Rda si ce n’est la conjugaison des efforts de chacun des cadres au niveau où il se situe ? Partir pour peu qu’on ne partage pas une certaine orientation du parti est en fait une fuite en avant et un manque de courage et de vision. Il n’y a pas une famille politique aujourd’hui où tout est rose. Le parti au pouvoir malgré la manne financière à sa disposition entretient lui aussi ses contradictions qui pour l’instant sont contenues parce que les intérêts du moment le commandent.
L’autre problème du Pdci se situe dans le choix de ses alliances. Il y est née une ligne de démarcation entre ceux qui sont pour une alliance avec le Rhdp et ceux qui considèrent que le bon choix stratégique est l’attelage avec le Ppa-Ci de Laurent Gbagbo, un autre parti d’opposition.
Difficile d’avoir des statistiques mais certains au Pdci pensent qu’il n’est pas viable pour le Pdci de faire carrière dans l’opposition. Le Pdci-Rda, selon ceux-ci est un parti de pouvoir et pour le pouvoir. Tout ce qui éloigne donc du pouvoir ne fait pas recette dans les rangs de ceux-ci. Et l’on aura remarqué que les renégats de l’heure sont ceux-là qui militaient pour un retour au Rhdp après la rupture intervenue en 2018.
Comment Henri Konan Bédié fera-t-il pour arrêter la saignée à quelques mois des élections locales ? Entre la fermeté et la posture du non-retour au Rhdp, entre la nouvelle alliance avec Gbagbo et le renouvellement générationnel à l’approche de 2025, il devra opérer un choix clair.
SD à Abidjan
sdebailly@yahoo.fr
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