1ère conférence d’après retour – Blé Goudé veut « être président un jour », et refuse qu’on l’oppose à Gbagbo, son père

. « A La Haye, j’ai été cireur de Gbagbo »

. « Que Gbagbo soit notre leader et non l’homme d’un clan »

. « Je plaide pour que ma condamnation de 20 ans soit levée… »

. « Si je devais me remettre ensemble avec eux, il faut… »

Annoncée dans l’euphorie de son retour le 26 novembre 2022 comme une conférence de presse de grand déballage, Charles Blé Goudé s’est plutôt livré en pédagogue qui veut faire comprendre son nouveau positionnement. Initialement prévu pour l’hôtel Pullman du Plateau, c’est finalement la Maison de la presse qui a servi de cadre à cette première rencontre avec la presse. Exit le baron de Yopougon autrefois lieu privilégié pour ses conférences du genre.

Ce mercredi 11 janvier, deux heures durant, Blé Goudé s’est prêté au jeu des questions-réponses après un bref liminaire. Il avait beaucoup à dire. Ses relations avec l’ancien président Laurent Gbagbo avec qui il était détenu à La Haye, son positionnement politique, son retour au pays après sa libération, ses rapports avec le Rhdp…

L’on retiendra que de déballage, il n’en a pas été vraiment question. Plutôt un exercice d’explication avec des réponses souvent précises et courtes. Il se dérobe toutefois de ce principe quand il s’agit de ses rapports avec celui qu’il nomme « son père », Laurent Gbagbo.

Pendant de longues minutes, il s’est défendu de toutes les accusations portées contre sa personne dans le procès en traîtrise qui l’oppose à son ex-camp. Pour lui, il n’y a aucune brouille entre lui et son mentor à qui il doit, dit-il, sa notoriété en politique. La seule chose qui constitue un point de divergence, a-t-il relevé, c’est sa non-appartenance au Ppa-Ci, le parti créé le 17 octobre 2021 par Laurent Gbagbo. Blé Goudé reconnaît que cela change tout dans leur relation et rend difficile la possibilité d’une audience qu’il réclame depuis quelque temps.

« Il n’y a pas de conflit entre le président Gbagbo et moi. A la Haye j’ai été cireur, cuisinier, blanchisseur, coiffeur pour le président Gbagbo. Je n’ai jamais rien fait pour le heurter et il n’a jamais rien fait pour me heurter. Il s’est rendu dans mon village, il a calmé mes parents.
La seule discorde, je ne suis pas membre de son parti… », a contre-attaqué le conférencier traitant d’analphabètes politiques ceux qui estiment que tous les enfants de Gbagbo sont au Ppa-Ci.

Tous les guévaristes ne sont pas cubains, tous les lumumbistes ne sont pas congolais et tous les sankaristes ne sont pas burkinabé, argumente-t-il comme pour dire que les idées de Laurent Gbagbo transcendent aujourd’hui les frontières de son seul camp. Blé Goudé a invité son père politique à « être l’homme de toute la gauche » et non l’homme d’un clan.

Clarifiant sa démarche politique, Blé Goudé a vertement affirmé : « Je me mets loin des alliances pour le moment. Je ne suis dans aucun combat d’héritage. Comme le fleuve, je veux faire mon propre lit. J’ai eu mon diplôme politique au retour de La Haye, maintenant je veux m’assumer. D’où le slogan ‘il est l’heure' ».

Toutefois, il s’inscrit dans une posture de non belligérance surtout à l’égard de Gbagbo et demande même à une certaine opinion de ne pas les opposer.

Il compte aller parler avec ses ex-partenaires pour solder les vieux comptes et trouver ensemble un modus vivendi.

« J’irai vers eux pour qu’on parle. Je ne veux pas parler avec eux pour aller contre quelqu’un mais nous allons faire le bilan. Parce que, c’est nous qui avons été chassés du pouvoir. Si on doit se remettre ensemble, il faut définir ce qu’on peut faire ensemble et ce qu’on ne peut pas faire ensemble. Il faut que Gbagbo soit le leader de tout ce monde là et non d’un clan. C’est ma vision mais en attendant, je m’organise », a-t-il affirmé, sans sourciller.

Opiniâtre, se projetant dans un avenir proche ou lointain, Charles Blé Goudé n’a pas caché son ambition présidentielle. « Je veux être président de ce pays un jour », s’interrogeant en même temps sur l’échéance de 2025. « Je ne sais pas si je serai le plus jeune candidat parmi les trois grands », relativise-t-il tout en appelant le pouvoir Ouattara à lever la condamnation de 20 ans contre lui afin qu’il brigue, fait-il entendre, les locales de 2023 et la présidentielle de 2025.

Il a demandé « pardon à toutes les victimes de la crise » et plaidé pour la libération des prisonniers de la crise post-électorale de 2011, surtout les militaires.

Il a ébauché quelques traits de son projet politique sur lequel travaillent, dit-il, ses experts.

L’agriculture, l’école, l’emploi mais surtout les institutions fortes.

Il s’est ainsi insurgé contre la Commission électorale indépendante dans sa configuration actuelle appelant à une Cei neutre et non partisane capable de faire respecter le choix des ivoiriens et non la Cei porteuse d’un nouveau conflit en 2025, selon lui.

Au total, c’est un homme nouveau qui s’est présenté à la presse. Un politicien métamorphosé qui commence son processus de maturation après avoir été l’homme clé du camp Gbagbo, le général de la rue, le leader des jeunes patriotes qui ne transigeait pas avec les questions de souveraineté.

Aujourd’hui, « il vient d’arriver » et dit ne pas chercher de problème quand on l’interroge sur le sentiment anti-français qui monte en Afrique de l’Ouest.

SD à Abidjan
sdebailly@yahoo.fr

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