L’unique sage d’Eburnie, le bien-aimé redouté, laisse libre la place à
tous ceux qui, dans l’inconfort du silence, appréhendaient sa parole ou
sa présence.
Bien-aimé de tous pour ce que, chaque homme politique sait de son
parcours personnel porté par Charles Konan Banny dans le microcosme
ivoirien. Mais, à la fois redouté pour sa droiture et son franc-parler
quand il décide de suspendre temporairement le silence auquel le sage
s’attache.
Qui est Charles Konan Banny ?
Inutile de présenter sa biographie qui surabonde sur le net. De ces
liens avec le Président Félix Houphouët Boigny, le Père Konan Banny fut
l’un de ses tous premiers compagnons. Leurs plantations avaient des
limites communes. Le père Banny, bien bâti comme ses fils, était en
certaines circonstances le protecteur de Félix Houphouët Boigny. Ainsi,
il n’est plus à démontrer la proximité des Banny et des Boigny dont les
racines naturelles sont entremêlées bien avant l’émergence de la
politique et de la création du PDCI-RDA.
Malgré cela, Charles Konan Banny n’est pas né avec une cuillère en or
dans la bouche. Il avait à peine deux ans lorsque décède son père. Son
patrimoine fut géré par son neveu Konian. Il avait des plantations aussi
bien à Yamoussoukro, qu’à Divo où naquit Charles Konan Banny le 11
Novembre 1942. Elevé en grande partie par ses grands frères, il connut
la faim par moment, comme tous les enfants de son âge. Ce qui ne
l’empêcha pas de faire des brillantes études, avec tout le parcours
professionnel et politique qu’on sait de lui.
Cependant, que d’obstacles au plan politique. De par sa position, il est
toujours perçu comme un prétendant putatif au trône. Dans le silence, il
recevait des tirs groupés de toutes les tendances politiques du pays, y
compris des siens. Et pourtant chaque acteur politique a pu bénéficier
de son soutien direct ou indirect. Durant la grande traversée du désert
du PDCI-RDA, il était le principal soutien financier de son parti, dans
le silence, sans rien attendre en retour. Chacun lui est redevable de
quelque chose.
Mais, avant de développer certains de ses actes au niveau politique, il
importe de connaître, qui est véritablement Charles Konan Banny, au plan
humain. Pour le décrire, cinq mots permettront de le présenter :
*confiance, intégrité, altruisme, silence & sagesse.*
* *
1. *LA CONFIANCE*
* *
Il a lui-même développé sa thèse sur la confiance, qui ne sera pas
reprise ici. Charles Konan Banny établi ses relations avec les hommes
sur la base de la confiance. C’est un homme tout entier, qui a une
croyance en la capacité de la perfection de l’homme comme lui-même.
Malgré sa méfiance justifiée, quand il accepte, il est tout entier dans
ses rapports. Homme de foi, il applique à la lettre le Commandement du
Christ « aimes ton prochain comme toi ». C’est malheureusement ici qu’il
recueille toutes les déceptions et les trahisons.
Il a contribué à l’émergence et à la promotion de plusieurs
personnalités politiques de premier plan.Ainsi, c’est Charles Konan
Banny qui a présenté son « ex-ami » au Président Félix Houphouët Boigny,
en veillant sur son parcours. Après le décès du Gouverneur Fadiga, le
Président Félix Houphouët Boigny voulait nommer Charles Konan Banny
comme Gouverneur en remplacement du défunt. Oblatif comme tout bon
Baoulé, il a décliné le choix du Président porté sur sa personne, en
proposant son « ex-ami ». Quand ce choix fut entériné par le Président,
quel ne fut son soulagement et sa joie.
Quand son « ex-ami » a été nommé Président du Conseil interministériel
pour gérer la grave crise économique que connaissait la Côte d’Ivoire,
Charles Konan Banny a conduit avec succès cette équipe, qui a permis au
pays de sortir de cette crise. Ainsi, son « ex-ami » a été ensuite nommé
à la Primature, alors que lui-même était nommé Gouverneur de la BCEAO.
La collaboration fut parfaite jusqu’en 2010 entre les deux amis. Malgré
quelques réserves sur les agissements politiques de son « ex-ami », lors
des élections de 2010, Charles Konan Banny s’est particulièrement et
entièrement investi pour son élection. Après l’installation de son
« ex-ami » au pouvoir, il découvre tous les travers de ce dernier, qui
vont à la fois contre ses principes et qui détruisent les fondements de
la Nation ivoirienne. C’est ici qu’interviennent leurs divergences.
Pire, alors qu’il est chargé à la tête de la CDVR, de réconcilier tous
les ivoiriens, une œuvre exaltante pour ce Patriote désireux de voir la
normalisation de son pays et tous les citoyens réconciliés, il essuie
des attaques de toutes formes du pouvoir, afin de faire échec à sa
mission. Des gamins, au sein du régime, sont chargés de le discréditer
et même de mettre en doute son intégrité morale. La seule raison de
cette attaque en règle, était qu’il entendait conduire cette mission en
toute impartialité et responsabilité. Il parcourt tout le pays. Un forum
est organisé dans chaque localité pour permettre, d’une part la
catharsis nécessaire au pansement des plaies béantes infligées à la
population et au pays tout entier, et d’autre part de mettre en évidence
la vérité qui apaise, et si possible la justice qui pourra normaliser le
pays. Mission quasiment impossible, puisque le pouvoir impliqué dans
cette crise, n’est pas disposé à accepter les conclusions du volumineux
rapport produit. Il constate que la main tendue de son « ex-ami » ne
visait qu’à le piéger et à l’anéantir, tout en mettant à son compte
l’échec préparé de la CDVR. La fracture s’installe alors définitivement
entre les deux amis. Charles Konan Banny reconnait alors que l’amitié
avec son « ex-ami » n’est possible que dans la soumission. Malgré son
silence, qu’il s’est toujours imposé depuis 1993, il ne reçoit que
mépris de son « ex-ami », entouré de sa cohorte de nouveaux suiveurs.
Déterminé à voir son pays réconcilié et normalisé, il ne baisse pas les
bras, pour autant. Il décide alors de monter au créneau, à la fois pour
sa Patrie et pour son Parti le PDCI-RDA, ainsi que pour son Président.
Mais alors, quelle consternation de constater que celui-ci, dans un
sursaut sans doute narcissique, se met totalement à la disposition de
celui qui lui avait déjà ravi illégalement la deuxième place, lors du
premier tour des élections de 2010, malgré un accord très clair sur les
engagements réciproques. Par un appel lancé à Daoukro, l’ensemble de
l’appareil du Parti est mis à la disposition de son « ex-ami ». Il se
voit traité alors d’irréductible, avec d’autres membres du PDCI-RDA, eux
aussi candidats indépendants. Ayant vu la volonté d’un passage en force
de son « ex-ami », quel que soit les résultats, et ne voulant pas
associer son image aux troubles, il s’est résolu, à la dernière minute,
de retirer sa candidature. Pour relancer le processus de réconciliation
en panne depuis des années, il décide de faire connaitre les travaux de
la CDVR restés longtemps dans les cartons, par quelques publications,
alors que la vérité est nécessaire, pour une réconciliation sincère et
durable, serait-ce la faute commise ou la ligne rouge à ne pas franchir !
Le Premier Ministre Charles Konan Banny et sa familleont tout donnéau
pays, et à chacun des acteurs politiques.Autant avait-il introduit son
« ex-ami » au Président Félix Houphouët Boigny, autant son grand frère
Jean fut celui qui présenta l’actuel Président du PDCI au Père fondateur
du Parti. Il était un véritable trait d’union entre les principaux
acteurs politiques. Il a été tout simplement usé et abusé par toute la
classe politique, du plus petit au plus grand. En retour, il n’a reçu
que du mépris. Combien d’illustres inconnus devenus députés, Ministres,
Premier Ministre ou Président de la République n’ont-ils bénéficié de
son soutien et appui financier pour émerger. Mais, souvent incompris, il
ne recueille que des clichés négatifs sur sa personne venant de tous les
partis, y compris le sien. Comment comprendre l’ingratitude portée par
les uns et les autres.
D’abord, appelé par la Communauté internationale au chevet de la mère
Patrie, Charles Konan Banny nommé Premier Ministre, décide de pédaler en
harmonie avec le Président, estimant que le pays avait déjà assez de
problème, il ne fallait pas en rajouter avec une divergence au sommet.
Il se porte ainsi comme le Secrétaire Général de la Côte d’Ivoire, en
laissant le Président jouer son rôle. Il s’agit pour lui de sauver le
pays, et s’engage à créer un cadre de sérénité, pour sortir le pays de
cette crise. Mais, cet altruisme et ce patriotisme ne trouveront aucune
oreille attentive.
1. *Intégrité *
* *
Homme intègre, lors de la crise des déchets toxiques, pour l’exemple, il
rend sa démission dans les mains d’un Président, déjà au banc de la
Communauté internationale. Mais celui-ci, redoutant de retrouver Charles
Konan Banny comme un potentiel adversaire, saisit l’occasion pour
l’affaiblir davantage, et signer l’Accord de Paix de Ouaga, APO avec la
rébellion, sans l’en informer préalablement. Pour mieux l’humilier,
après la nomination du Chef de la rébellion à la Primature, le Président
déclare que celui-ci est le meilleur de tous les Premiers Ministres
qu’il ait eu. Tout le monde connaît la suite.
De l’exemplarité et de la responsabilité qu’il voulait donner, les
ivoiriens n’ont retenu que l’image de faiblesse. Tout seul, perdu au
milieu d’un triangle d’antagonisme de pervers narcissiques, il lui était
difficile de s’en échapper. Chacun voulant l’utiliser à son profit pour
combattre le tenant du Pouvoir, pendant que celui-ci subodore qu’il est
à leur service. Mais également, chacun d’eux redoutait son succès qui le
propulserait éventuellement à la tête du pays. C’est alors un tir groupé
sur sa seule personne qu’il reçoit de toute part, quitte à pactiser avec
l’ennemi du moment. C’est donc dans l’indifférence totale, qu’il part de
la Primature, laissant la Côte d’Ivoire déchirée au milieu des intérêts
personnels divergents.
1. *L’ALTRUISME*
Incubateur politique, bon nombre d’élus et de Ministres lui doivent leur
entrée en politique. Mais en retour, peu lui sont restés fidèles, signe
caractéristiques des hommes politiques de la Côte d’Ivoire. Malgré les
déceptions, Charles Konan Banny est resté constant dans ses rapports
avec tous, notamment avec la Côte d’Ivoire profonde et le peuple, dans
les différentes épreuves qu’ils vivent. Il a semé l’amour autour de lui.
Disponible et au service de la chefferie traditionnelle, du Nord au Sud,
sans exclusif, il demeurait un soutien sûr pour eux. Malheureusement il
n’a pu répondre à la dernière sollicitation de son ami le Chef de Brobo,
hospitalisé dans une Polyclinique, alors que lui-même connaissait le
même sort en France. Ils seront tous les deux surpris de franchir
ensemble la dimension parallèle.
Le vrai bonheur on ne l’apprécie que lorsqu’on l’a perdu, disait le
Sage. L’altruiste, le mécène, l’incubateur et l’assurance pour tout ce
monde, aussi varié que divers, vient de s’en aller dans le silence, lui
l’unique repère de ceux qui gardaient encore l’espoir, malgré les
vicissitudes. Un autre grand bouleversement vient de frapper ainsi le
pays, probablement plus grand que lors du départ du père fondateur, qui
avait pris le soin de baliser sa succession. Dépourvu d’acteurs
désintéressés, les risques d’une prochaine confrontation ou déflagration
politique sont déjà prévisibles, le seul sage vient de s’en aller.
Avec la droiture que l’on connait de Charles Konan Banny, probablement
on aurait pu éviter la crise postélectorale, avec les véritables
résultats de ces élections de 2010 connus. Tel qui croyait prendre, est
pris dans son propre piège. Ce qui vaudra malheureusement, à certains
une incarcération de dix ans gratuite hors du pays, et des milliers
d’ivoiriens morts inutilement.
Au niveau de son Parti, le Roi Narcisse y a bâti un barrage étanche
infranchissable, préférant l’oblativité du Parti au profit d’un Parti
concurrent, au détriment des siens. Ce qui devrait arriver, arriva
donc ! Et tout le monde est pleinement dans la gadoue aujourd’hui. Quoi
que l’on fasse, le pays s’enlise dans le sable mouvant. Les dernières
tentatives politiques ont laissé des traces si profondes, que
l’alternance démocratique, dans le contexte actuel, parait un véritable
leurre. Que serait devenue la Côte d’Ivoire si l’on avait laissé la
moindre chance à Charles Konan Banny ? Seuls les meilleurs partent
toujours les premiers.
1. *Silence & sagesse*
Au plus fort de la crise en Côte d’Ivoire, face aux antagonismes
funestes, Charles Konan Banny s’écria, « n’y a-t-il pas de sage au
village ? » Oui, après le sage d’Afrique Félix Houphouët Boigny, le
dernier sage vient de le rejoindre, laissant derrière lui, un pays plus
que déchiré et désorienté.
Il parle tantôt par le silence, il parle tantôt par la sagesse, sans
débordement. Le silence est l’un des principaux traits de caractère de
l’homme. Attaché au silence, il est peu bavard dans les conversations,
en gardant enfoui au plus profond de lui-même beaucoup de choses. Mais,
ce silence reste toujours pesant sur ceux qui n’ont pas la conscience
tranquille. Qu’aurait-il donc fait, pour se faire taire à jamais ?
Malgré son silence, Charles Konan Banny demeurait toujours la cinquième
roue du véhicule ivoire, l’ultime recours, un accommodement difficile
pour certains.
Ce départ si brusque a surpris plus d’un. La semaine qui précédait ce
jour fatidique où l’on le déclara dans un état préoccupant, l’homme
jouissait d’une excellente santé, une mine resplendissante et une
parfaite sérénité, gardant toujours l’espoir pour son pays. « Tant qu’il
y a la vie, il y a l’espoir », disait-il. Difficile de qualifier de
courte maladie, la Covid passant par-là fut rendue aussitôt coupable,
malgré ses deux doses de vaccins reçues. Il est pourtant dit que le
vaccin est destiné à éviter les cas graves, pour les personnes âgées et
de comorbidité. Si l’on croit cela, si bien portant qu’il était, cette
Covid n’avait aucune raison d’être si foudroyante. Mais, le doute
demeure, puisque les derniers médecins qui le traitaient n’ont trouvé
aucune trace covidique. En outre, l’on peut se demander comment son
retour au pays, par un vol d’air France a-t-il été si rapidement
possible, dans ce pays où les exigences sanitaires sont très strictes
sur les questions relatives à la Covid-19 et ses variantes ?
Anyway, homme de foi, ayant eu pour seul souci la paix dans son pays, et
le bien-être de son prochain, on peut garder une juste conviction de sa
présence dans la félicité auprès de son Seigneur. Il rendra certainement
compte, à son Père Félix Houphouët Boigny, de certaines erreurs communes
qui ont défiguré la Nation, ce qui lui était insupportable.
Nanwlè Ba
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