A Accra, les masques tombent, Macky Sall, Faure Gnassingbé et Alassane Ouattara rejettent la limitation à 2 des mandats présidentiels.
Le Sénégal et la Côte d’Ivoire, deux des plus solides partenaires de la France en Afrique de l’Ouest, et le Togo ont dit niet à l’adoption d’un amendement de la CEDEAO qui voudrait limiter les mandats présidentiels à 2 unités dans l’espace communautaire ouest-africain. Pour l’économiste Cheikh Tidiane Dièye qui en a fait la révélation, c’est une honte pour notre pays.
—-Plusieurs dizaines de personnes tuées en Guinée lors des manifestations contre le 3e mandat de l’ex président Alpha Condé avaient accéléré la volonté de la CEDEAO de mettre un terme aux conflits qui naissent très souvent en Afrique de l’Ouest portant sur des velléités de manipulation des Constitutions pour passer outre au « système » des 2 mandats consécutifs non dépassables.
C’est donc pour bétonner le Protocole de bonne gouvernance démocratique que les chefs d’Etat de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest ont soumis à leur propre attention un amendement à insérer dans le Protocole sur la démocratie et la bonne gouvernance afin d’institutionnaliser la norme des deux mandats.
Mais selon l’économiste Cheikh Tidiane Dièye, spécialiste des questions d’intégration communautaire, les présidents Macky Sall (Sénégal), Alassane Ouattara (Côte d’Ivoire) et Faure Gnassingbé (Togo) ont rejeté ledit amendement au contraire des 12 autres Etats membres de la CEDEAO. Leurs réserves de non approbation ont été transmises à la réunion des ministres des Affaires étrangères qui planchait sur le sujet.
Le Protocole additionnel de la CEDEAO contenait déjà le principe de la non-modification des lois électorales 6 mois avant les scrutins. La limitation des mandats présidentiels à deux séquences devait compléter l’arsenal de la bonne gouvernance démocratique et électorale dans la zone communautaire.
Du reste, la posture des 3 porteurs de niet est loin d’être surprenante. En Côte d’Ivoire, Alassane Ouattara s’est octroyé le droit de finir son mandat en cours et de concourir à un autre à partir de 2025. Un droit que lui donne, selon lui, la Constitution ivoirienne. Élu pour la première fois en 2010, il obtient un second mandat en 2015 et promet de ne pas en briguer un 3e. Mais la mort brutale de son dauphin Amadou Gon Coulibaly le « contraint » à se représenter en 2020, selon son camp.
Le cas Faure Gnassingbé est, lui, beaucoup moins compliqué. Le fils d’Eyadema a pris le relais de son père en février 2005. Depuis il enchaîne les quinquennats (2005, 2010, 2015 et 2020) au grand dam de ses opposants neutralisés. Mais ceux-ci parviennent à lui arracher une modification constitutionnelle qui limite les mandats à deux unités. De fait, en 2025, Faure Gnassingbé aura toute latitude de briguer un 5e mandat. Et peut-être un 6e s’il parvient à remodifier la Constitution pour faire sauter définitivement la limitation.
Le cas de Macky Sall semble encore pire au vu des engagements naguère pris par le Président sénégalais. Entre l’organisation du référendum de mars 2016 censé régler définitivement la question des mandats (2 consécutifs), la sortie de son livre à la veille de la présidentielle de février 2019 dans lequel il assure que le prochain quinquennat (2019-2024) sera le dernier pour lui après le fameux septennat de départ (2012-2019) et ses ambigüités médiatisées sur son avenir après 2024, il a fini par mettre dans la tête de tous qu’il n’est pas prêt à renoncer au pouvoir, à respecter ses engagements publics et solennels du haut de ses fonctions de président de la république du Sénégal. Le rejet de cet amendement au protocole de la démocratie et de la bonne gouvernance de la CEDEAO semble acter définitivement sa décision de forcer le barrage constitutionnel et moral qui l’empêche de se représenter en février 2024.
Pour Cheikh Tidiane Dièye, la posture du Sénégal dans ce dossier est une honte qui ternit l’image du Sénégal et détruit sa réputation chèrement acquise de vitrine démocratique en Afrique et dans le monde.
Le 3 juillet, les chefs d’Etat de la CEDEAO se retrouveront à Abuja pour constater si les réserves du Sénégal, de la Côte d’Ivoire et du Togo auront été levées. Sinon, l’amendement limitant les mandats présidentiels à deux sera jeté à la poubelle.
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