Le mardi 27 juillet 2021, la chronique des grandes rencontres de la république s’est enrichie d’une nouvelle ligne en lettres d’or : les retrouvailles entre Alassane Ouattara et Laurent Gbagbo, deux amis et frères que la politique a opposés jusqu’à la guerre.
Comme :
– Le 13 septembre 1988, avec le Président Houphouët Boigny et l’irréductible opposant d’alors, Laurent Gbagbo, revenant d’exil ;
– Le 22 janvier 2002, avec la rencontre des quatre ‘’grands’’ Laurent Gbagbo, Konan Bédié, Guéï Robert et Alassane Ouattara à Yamoussoukro ;
– Le 31 juillet 2007, avec le Président Laurent Gbagbo et le Chef de la rébellion, Soro Guillaume, à la cérémonie dite de la flamme de la paix à Bouaké ;
– Le 11 novembre 2020, avec les Présidents Alassane Ouattara et Konan Bédié à l’hôtel du golf ;
– Le 11 juillet 2021, avec les Présidents Konan Bédié et Laurent Gbagbo à Daoukro ;
Les deux principaux protagonistes de la crise postélectorale de 2011 ont gratifié la Côte d’Ivoire et le monde entier d’une belle image de concorde et de fraternité.
Devant un acte aussi salutaire et important de sens pour la réconciliation, l’apôtre de la paix et le neutre réconciliateur que je suis, celui qui fait de la réconciliation nationale son leitmotiv et une mission sacerdotale ne peut garder le silence.
C’est pourquoi, rompant momentanément le moment d’ermitage et d’observation que j’ai décidé de m’imposer suite à la forfaiture du 31 octobre 2020 et l’attitude controversée de l’opposition ivoirienne, je veux, par la présente, me féliciter de cette évolution positive et saluer à leurs justes valeurs le grand acte posé mais aussi le sens de l’humilité et de la fraternité des deux acteurs, le Président Alassane Ouattara et le Président Gbagbo Laurent. C’est tout à leur honneur.
Toutefois, l’expérience des mémorables dates rappelées plus haut et leurs suites , dates dont j’ai délibérément limité la liste par souci d’économie pour ne tenir compte que des plus émouvantes tenues sur le sol ivoirien, vous épargnant celles tout aussi émouvantes des nombreuses capitales du monde, nous enseignent que les retrouvailles entre les protagonistes, aussi salutaires qu’elles puissent être parce que utiles et nécessaires pour le dialogue politique, ne signifient guère la réconciliation assurée encore moins la paix garantie.
Une visite rétrospective de ces grands sommets entre frères ennemis de la politique ivoirienne tout le long de la dernière moitié de nos soixante ans d’indépendance montre que les rencontres du genre de celle du 27 juillet s’inscrivent dans une tradition bien ancrée dans les meurs politiques en Côte d’Ivoire. Une tradition hélas dont les fruits ont rarement honoré la promesse des fleurs.
La réconciliation, celle qui doit aboutir à ressouder les ressorts de la nation, à ré-tricoter les relations entre nos communautés, à panser les cœurs meurtris par tant de malheurs, à réparer les dommages de tant d’années d’épreuves et de souffrances, à mettre fin aux crises cycliques et aux guerres fratricides à chaque élection, cette réconciliation-là est une nécessité nationale. Elle concerne toutes les forces vivres de la nation et ne saurait se limiter à quelques personnalités fussent-elles Président et ex-Présidents de la république.
Les derniers évènements dramatiques et les affrontements qui nous ont encore couté officiellement plus de 87 pertes en vies humaines montrent que contrairement à l’affirmation du Chef de l’Etat, la crise, même si elle ne s’avère pas ouverte, demeure ancrée dans les cœurs et les esprits. Du reste, le fait même que la requête principale de son visiteur du jour porte sur les prisonniers de la crise, reste la plus parfaite preuve que la crise n’est pas encore derrière nous.
Depuis les douloureux évènements de 2020, une année s’est écoulée. Rien n’a encore été entrepris pour enrayer les causes et prévenir de futures troubles. 2025, c’est déjà dans quatre petites années. Allons-nous à nouveau nous complaire dans notre tradition égotique des petits arrangements partisans et personnels pour nous retrouver à nouveau au bord du précipice en 2025 ?
La réconciliation nationale, celle de mon entendement, ne se décrète pas. Elle ne se proclame pas. Elle se fait. Elle se fait à travers un processus inclusif et consensuel et dans un cadre impartial et non partisan.
C’est pourquoi, tout en réitérant mes félicitations aux Présidents Gbagbo et Ouattara et en encourageant à davantage de rencontres de ce type, rencontres qui restent des approches nécessaires pour le dialogue politique et la préparation du processus, il me plait de réitérer ici, comme je le fais depuis plusieurs années, mon appel au dialogue national, c’est-à-dire à une concertation avec toutes les forces vives de la nation à l’effet d’une catharsis générale pour une véritable réconciliation et une paix sociale durable en Côte d’Ivoire.
« Les temps sont mûrs, les temps sont mûrs pour aller à la réconciliation, les temps sont mûrs pour faire la paix, les temps sont mûrs pour que tous les fils et toutes les filles de la Côte d’Ivoire se retrouvent… ne perdez plus le temps… » a récemment exhorté le Prélat.
Allons donc et allons franchement car en tout état de cause, la réconciliation s’imposera à tous. Elle se fera comme il se doit et selon le plan de Dieu car telle est Sa volonté pour le peuple de Côte d’Ivoire, Son peuple.
Que Dieu bénisse la Côte d’Ivoire.
A très bientôt.
Fait à Abidjan, le 30 juillet 2021
Konan Kouadio Siméon
Président d’Initiatives Pour la Paix en Côte d’Ivoire (IPPCI)
Président de la plateforme citoyenne Consensus National pour le Changement, la Réconciliation et la Paix en Côte d’Ivoire (CNCRP-CI)
Candidats aux élections présidentielles de 2010 et 2015.
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