Côte-d’Ivoire: A Daoukro « on a peur » dans un camp, « on reste méfiants » dans l’autre camp

“On a peur”, dans un camp. “On reste méfiant” dans un autre camp . À Daoukro, la colère et l’incompréhension s’expriment de façon ouverte et frontale.

À Daoukro, le sang a coulé et les cœurs saignent encore abondamment…

À Daoukro, la cohésion entre communautés avait commencé à se fissurer depuis quelques années. En 2018, quelques brèches sont devenues visibles dans le mur de la cohésion. Les tournures politiques de 2020 ont accéléré l’éclatement.
La douleur a effacé toute diplomatie langagière. “Trop, c’est trop”.
Et puis , le paysage devenu familier de maisons incendiées.

Le bilan des décès et des blessés varie en fonction de la communauté qui l’annonce. Mais un lien commun : dans chaque communauté, des témoignages de décès et des blessés qui se déshabillent publiquement devant nous pour montrer les blessures de machettes , des impacts de chevrotines . Un jeune homme totalise 54 impacts de chevrotines sur le tronc . Un autre est devenu manchot , une machette a tranché son avant-bras jusqu’au niveau de l’épaule . Il devra apprendre à vivre avec un seul bras pour le restant de sa vie .
Un frêle jeune homme me montre son œil droit qui ne voit plus. Un calibre 12 l’a éclaté . Une autre maman pleure l’œil perdu de son fils qui est en terminale.
03 jeunes m’obligent à toucher différentes parties de leurs corps . Il y a à l’Interieur de leurs chairs des chevrotines qui n’ont pas encore été extraites.

À part ces témoignages visibles, les jeunes des différentes communautés tiennent à ce que nous voyions des photos effroyables de personnes décédées ou blessées.

Des photos du jeune qui a été décapite et celle d’un jeune tué d’une décharge dans la bouche .Quelqu’un lance : “c’est la deuxième décapitation ici, chaque communauté a connu pour elle”.
Des jeunes nous obligent à aller sur le site la décapitation. La narration des témoins sur place donne froid dans le dos .
Ceux qui minimisent les questions de conflit devraient venir entendre les populations.

AUBE NOUVELLE est présentement à Daoukro.

Sa Majesté le Roi, le Chef du Village, les Chefs de communautés, les chefs religieux, les associations de jeunesse et de femmes, autorités régionales, élus , tous impliqués pour le retour de la paix.

À Daoukro, le temps a changé de repère. On parle maintenant en termes de “première crise” (Août 2020) “deuxième crise” (Novembre 2020). Sur ces références temporelles macabres tout le monde est d’accord.

À Daoukro, la parole est sévère et véhémente. On parle sans détours. L’émotion fait surface. Importante catharsis.
Mais il y a constat clair : Daoukro a vécu l’horreur et Daoukro n’a pas encore tourné la page. Daoukro veut-elle tourner la page?
Il est devenu évident depuis Daoukro que le plus grand chantier auquel les décideurs publics devront s’atteler , c’est la réconciliation. La cohésion communautaire a été gravement fissurée à certains endroits. Aucun développement harmonieux ne sera plus possible, si la vie communautaire n’est pas repensée. Réconciliation. Réconciliation. Paix . Paix… après l’ouragan encore subtilement perceptible dans l’opaque ciel Ivoire …

Vincent Toh Bi Irié

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