Les motos, nouvelles cibles des braqueurs à Abidjan (enquêtes)

Junior Jeremy

On ne le sait que trop : se déplacer à moto à Abidjan comporte beaucoup de risques. Tant la circulation y est dense et compliquée pour nombre d’usagers. Il n’empêche cependant, que les utilisateurs de ces engins soient devenus nombreux à Abidjan, en l’espace de quelques années. Hormis les accidents de la circulation auxquels les motocyclistes sont exposés à tout moment, il y a un autre phénomène qui commence à prendre de l’ampleur. Il s’agit des braquages de plus en plus fréquents, des motos. Avec la prolifération des sociétés spécialisées, dans la livraison de divers articles et marchandises à domicile, l’utilisation des motos s’est considérablement accrue dans la capitale économique ivoirienne. Car, la majorité des opérateurs économiques qui interviennent dans ce secteur d’activité, mettent des motos à la disposition de leurs employés pour faire les courses.

Un article publié par l’agence ivoirienne de presse (AIP) le 26 mars 2017 mentionne que « Le vol de motos est devenu, ces derniers mois, une activité en pleine expansion à Bouna (…). De nombreux cas de vol de motos ont été signalés à la police de la ville et plusieurs des victimes en ont fait des déclarations sur les antennes de la radio locale ». Il y a également un article publié par pressecotedivoire.ci le 22 juin 2019 et un autre du site afrique-sur7.fr datant du 27 juin 2019, qui évoquent le même sujet. Ces publications relèvent toutes deux qu’un « réseau de voleurs de motos » a été interpellé par des éléments de la préfecture de police de Yamoussoukro dans la nuit du jeudi 20 au vendredi 21 juin 2019. On le voit, la pratique n’est pas propre à la seule ville d’Abidjan. Mais c’est elle qui semble enregistrer le plus grand nombre de cas en la matière, ainsi que le laisse croire les nombreuses plaintes quotidiennement faites ici et là à propos.

Les procédés utilisés pour piéger « leurs proies »

Pour parvenir à leurs fins, les braqueurs de motos ont recours à des méthodes aussi variées que diverses. Exerçant le métier de livreur de divers articles pour son propre compte, N’Dri Albert, fort heureusement, n’a jamais été confronté à un braquage. Mais, il a encore souvenance de celui qui été vécu par son mécanicien, se prénommant Lasso, et qui tient un garage à la Riviera 2 dans la commune de Cocody. Selon le témoignage d’Albert, son mécanicien a été braqué le soir d’un jour de septembre 2020, aux environs de 20 heures sur la voie de la Corniche. Le réparateur de motos a transité par cette route en direction de la Riviera 2. Quand quelques minutes après avoir l’emprunté, il s’est aperçu à travers les rétroviseurs qu’il était suivi par deux motocyclistes. Pour les semer, il s’est mis à accélérer. Quant au détour d’un virage, il a vu venir en face de lui, à vive allure, un autre motocycliste. Arrivé à son niveau, celui-ci l’a fait tomber. Et l’un des occupants des deux motos qui le suivaient est descendu pour s’emparer de sa moto. Il les a vus partir tous ensemble. C’est en ce moment que Lasso s’est rendu compte que ceux qui le suivaient étaient deux sur leur moto, et étaient aussi les complices de son agresseur.

Il arrive des fois où le braquage se déroule avec une violence d’une rare barbarie. Au point où la victime se retrouve avec de graves blessures. Contrairement à ce qui s’est passé avec Lasso, qui s’en ait sorti avec de légères blessures. C’est le cas de Amankou, un ami à N’Dri Albert. Qui est aussi livreur. Un jour de juillet 2019, Amankou a quitté Adjame vers 19 heures en direction de Treichville en vue de prendre une commande pour la livrer à un client. A la hauteur du Groupe de presse Fraternité Matin, les occupants de deux motos qui le suivaient depuis peu, ont sorti des machettes, en lui intimant l’ordre de s’arrêter et de laisser la moto. N’ayant pas cédé à leur menace, il a essayé de prendre le large en accélérant. Mais c’était mal connaitre les agresseurs. En effet, l’un d’entre eux a assené un violent coup de machette à la moto, qui s’est déséquilibrée et sur le champ le livreur s’est retrouvé sur l’asphalte. Bien qu’étant grièvement blessé, il a tout de même lutté pour éviter le vol de la moto. Manque de pot pour lui, ses agresseurs l’ont tailladé et roué de coups, avant d’emporter l’engin.

Djah André, qui a monté sa petite entreprise de livraison de marchandises explique que les braqueurs attaquent de moins en moins à deux à l’aide d’une moto. « Ils ont changé de méthode car ils savent que tous les motocyclistes connaissent cette façon de procéder », indique- t-il. Il explique que la seconde stratégie qui est maintenant en vogue, consiste pour les braqueurs à intervenir avec deux motos, à raison de deux individus par moto, soit quatre braqueurs au total. Ils suivent le motocycliste qu’ils veulent braquer et le prennent en tenaille quand l’occasion se présente. Et ceux qui sont assis à l’arrière des motos, ont toujours des armes blanches sur eux pour agresser leurs victimes.

Les agissements des braqueurs incitent du coup les motocyclistes à adopter des conduites qui s’avèrent souvent dangereuses. Gnahoré Roméo, livreur travaillant pour le compte d’une entreprise de la place, ne cache pas que pour éviter de se faire braquer, il roule à vive allure, surtout sur les autoroutes. Il lui arrive également de ne pas respecter les feux tricolores. André s’est pour sa part spécialisé dans le faufilage des véhicules. Une pratique, qui à l’en croire, perturbe les braqueurs. Il reconnait la dangerosité de cette conduite. Raison pour laquelle il dit agir avec beaucoup de prudence en utilisant minutieusement les rétroviseurs.

En guise de conseils, N’Dri Albert recommande vivement aux motocyclistes, qui veulent rallier Abidjan sud à Abidjan nord ou vice-versa les soirs, d’emprunter par mesure de prudence, le 3eme pont. Au motif que les braqueurs ne s’y aventurent pas. De peur de se faire prendre par des forces de l’ordre.

Par ailleurs, il est également revenu des témoignages recueillis que ce ne sont pas toutes les marques de motos qui sont prisées par les braqueurs. A en croire André, ce sont les KTM qui sont plus recherchées. Des propos corroborés par N’Dri Albert, de même que Gnahoré Roméo. Tapé Charles, anciennement pigiste dans une régie publicitaire de la place, qui se déplaçait à l’aide d’une moto dans le cadre de son travail, partage les propos mentionnés précédemment. Aux dires de Djah André et Gnahoré Roméo, l’acharnement des braqueurs sur les motos KTM trouve son explication dans le fait que c’est un type de moto, qui est beaucoup utilisé. Elle ne consomme pas beaucoup de carburant. De surcroit, ses pièces détachées sont beaucoup recherchées. Du coup, quand elles sont volées, elles sont revendues rapidement et le plus souvent en pièces détachées.

Le recours au Gps vivement recommandé

De même, on retient aussi des différents propos, que c’est généralement à partir de 16 heures et 17 heures que les braqueurs de motos entrent en action. Quelques rares fois, très tôt le matin.

Mais qui sont ces braqueurs ? En réponse à cette question, Gnahoré Roméo pointe du doigt les mécaniciens de motos, en affirmant que la majorité des braqueurs sont issus de cette corporation. Une affirmation que Hamed, mécanicien de motos, qui a un garage situé non loin du rond-point du carrefour Destin à Abobo-Akeikoi ne fait pas de difficulté à reconnaitre. En effet, il révèle qu’il lui est revenu de façon récurrente, que les grands braqueurs de motos sont des mécaniciens. Ce pourquoi, il dit refuser d’acheter les motos d’occasion chaque fois qu’un mécanicien vient lui en proposer. « Surtout celles qui sont proposées par les mécaniciens d’Anyama ». Car à l’en croire, plusieurs braqueurs de motos seraient issus de cette commune.

Devant l’ampleur du phénomène, Djah André a décidé de suivre les conseils d’un vendeur de motos. Celui-ci lui recommande d’équiper ses motos de Gps, qui est un appareil de géolocalisation efficace. Car l’équipement en Gps permet de savoir en temps réel où se trouve la moto en cas de vol. Le Gps peut même, selon les explications qui lui ont été fournies, immobiliser une moto à distance. Ainsi, quand la victime de vol agit promptement en recourant aux agents de police, celles-ci peuvent rapidement leur mettre le grappin les auteurs.

En outre, avec l’expérience et les mésaventures vécues par certains de ces ex-collègues, André conseille d’éviter aussi de s’abriter à un endroit peu fréquenté en cas de pluie. Il recommande plutôt un endroit qui grouille de monde. Ce qui pour lui permet de réduire le risque d’un braquage. Il déconseille également aux livreurs, de faire des courses dans des lieux que ceux-ci trouvent suspects. En pareille situation, ces derniers peuvent demander aux clients de se rapprocher. Les livreurs ne doivent pas non plus prendre le risque de monter à un étage pour des livraisons, ou même entrer dans la cour d’un client avec la moto, s’il n’y a pas un agent de sécurité à qui l’engin peut être confié. C’est selon sa lecture, une porte ouverte sur d’éventuels braquages, ou de supercheries pour voler leurs motos.

André raconte à cet effet la mésaventure vécue par un de ses anciens collègues du nom de Stéphane Tanoh. Celui-ci était allé livrer un article de 3 500 Fcfa, dans une villa située à proximité de la maison du Pdci-Rda dans la commune de Cocody. Selon les explications d’André, le client a remis un billet de 10 000 Fcfa à son collègue. En lui demandant de trouver deux billets de 5 000 Fcfa. A son retour, il a frappé au portail, mais personne n’a ouvert. Malgré la présence de son patron venu à sa rescousse sur les lieux, le portail n’a pas été ouvert. L’intervention des agents de police n’a rien donné non plus. Les agents ont laissé entendre qu’ils n’ont trouvé personne dans la maison. Et l’affaire est restée sans suite, malgré l’enquête diligentée par ceux-ci.

Lebanco.net

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