Tous coupables en Côte-d’Ivoire

Vingt sept ans après la disparition du président Houphout-Boigny, la paix dont il était l’incarnation dans son pays s’est volatilisée comme de la brume qui disparait au lever du soleil. Le coup d’assommoir à cette paix porté à la République a été le coup d’État de 1999 dont le pays ne s’en est pas remis jusqu’aujourd’hui. Ce coup d’État a été la boîte de pandore que certains n’auraient jamais dû ouvrir mais hélas, il était trop tard! Depuis cette date, la Côte d’Ivoire est entrée dans une turbulence inouie faite de rébellion suivie de guerre qui a sauvagement massacré des Ivoiriens, de crise post-électorale avec ses milliers de tués en collaboration avec la communauté dite internationale. Aujourd’hui, le débat autour de la constitution et de l’organisation des élections à venir provoquent des discussions et des soulèvements qui causent des morts, des blessés graves et des destructions de biens matériels.
De la Responsabilité de Chacun :

Henri Konan Bédié de 1993 – 2020

Dès sa prise de fonction en 1993 jusqu’à son départ du pouvoir en 1999, le président Bédié s’est illustré par une gestion monoclinale du pays qui a suscité de critiques acerbes à son égard; surtout après le mandat d’arrêt international lancé contre Dramane Ouattara. A son retour d’exil favorisé par Laurent Gbagbo alors au pouvoir, Henri Konan Bédié se retrouve avec Alassane Dramane Ouattara qu’il a accusé d’avoir orchestré le coup d’État contre lui en 1999. Ici, Bédié, ancien chef d’État et ancien président de la République, n’a pas pu se surpasser pour se mettre au-dessus de la mélée dans le conflit qui opposait deux anciens alliés du Front Républicain contre lui. Bédié a pris parti pour Dramane Ouattara, parrain d’une rébellion qui a massacré des Ivoiriens. Poursuivant, le même Bédié s’est engagé aux cotés de Ouattara lors des élections de 2010, allant jusqu’à lui proposer ses voix pour le second tour des élections; pour enfin se retrouver avec Ouattara, à l’Hôtel du Golf, attendant que la communauté internationale arrive pour faire sa guerre aux Ivoiriens, enlever Gbagbo du pouvoir à coup de canons pour installer Ouattara de force à la tête de l’Etat de Côte d’Ivoire. Ouattara dirigera le pays avec Henri Konan Bédié. Bédié accompagnera encore Ouattara, en 2015 pour son deuxième mandat, grâce à l’Accord de Daoukro jusqu’à leur divorce le 9 août 2018. Après ce divorce, Bédié revient en 2020 pour être candidat à l’élection présidentielle, à 86 ans.

Laurent Gbagbo de 2000 – 2011

Arrivé au pouvoir en octobre 2000 dans un cafouillage indescriptible, qu’il qualifie lui-même “d’élection calamiteuse”, l’idylle politique de Laurent Gbagbo aura été de courte durée car elle a été interrompue par une rébellion armée le 19 septembre 2002. Bien qu’informé de la préparation de cette rébellion au Burkina Faso, le régime de Gbagbo a été incapable de la juguler, permettant ainsi aux rebelles de pénétrer le territoire ivoirien et de perpétrer les pires atrocités sur les populations ivoiriennes du Nord, du Centre et de l’Ouest du pays. Les rebelles dirigés par le jeune Soro Kigbafori Guillaume, un grand opportuniste, qui pour ses ambitions démésurées n’a pas hésité à faire commettre des crimes atroces, allant de l’éventration de femmes enceintes, au viol collectif de femmes, à la mort de soldats Ivoiriens et certains de leur enfants par suffocation dans des conteneurs, et enfin des morts par balles et armes blanches. Par ces monstruosités, les rebelles réussirent à divider le pays en deux, conservant le Nord qu’ils exploiteront à satiété pour soit s’enrichir, soit enrichir leurs chefs, abandonnant le Sud que les soldats loyalistes ont pu préserver pour le gouvernement de Laurent Gbagbo. Le pays s’est alors organisé en deux pôles de gouvernance. Cette situation perdurera jusqu’en 2010, année électorale. Cette élection s’est tenue dans des conditions d’insécurité les plus abjectes que la Côte d’Ivoire ait connues. D’abord les rebelles avaient refusé de désarmer, ensuite Laurent Gbagbo a été constraint par la communauté internationale à accepter des conditions de mandature d’Alassane Ouattara défiant tout entendement. Gbagbo réussi cependant à faire admettre une solution à Ouattara qui a été celui d’être candidat à “titre exceptionnel” pour la seule élection de 2010. Cette élection a été trufféé de votants non inscrits sur les listes électorales agréées; ce qui occasionna des contestations et annulations de votes dans le Nord. Cela avait abouti à la médiation de la CDEAO et de l’Union Africaine. Mais rien n’y fit car les deux parties refusaient les résolutions de ces organisations qui ne les satisfaisaient pas. Exaspérée, la communauté internationale décide de faire partir Gbagbo du pouvoir par la force. Ce qui arriva le 11 avril 2011. Néanmoins, Laurent Gbagbo n’est pas excusable sur toute la ligne. Ses erreurs d’appréciation, voire même ses faiblesses à accepter unilatéralement certaines décisions des organisations internationales ou de certains présidents, sans en référer au moins au Parlement Ivoirien, Représentant le Peuple, a été la plus grave faute de Laurent Gbagbo; ce qui lui coûta son pouvoir et l’humiliation qu’il a fait subir à tout le peuple de Côte d’Ivoire car bien que mal élu, il représentait encore ce peuple au moment de sa déchéance.

Soro Kigbafori Guillaume de 2002 – 2019

Entrée en rébellion pour assouvir sa soif du pouvoir, le jeune étudiant formé à l’eau-de-vie du mouvement syndical sur le campus de l’Université d’Abidjan va s’imposer à la tête d’une rébellion qu’il a intégré par la petite porte pour en être à la fin le maître incontesté. Il faut une sacrée dose d’audace et de courage pour arriver sur la scène politique fusil au poing. Soro Kigbafori Guillaume l’a fait et en tire des glorioles. Ce parcours peu enviable est par ailleurs parsémé de beaucoup de méfaits: crimes de sang et crimes économiques (braquages de banques du pays, trafics de minérais, de produits agricoles…etc) sont à l’origine de la fortune de ces rebelles. Cela a permis au jeune étudiant et à ses colistiers d’accéder à des postes politiques les plus distingués du pays sous l’oeil vigilant de leur mentor Alassane Dramane Ouattara. Dans le cas de Soro Guillaume, la rébellion l’a propulsé successivement au rang de ministre d’état, ministre de la Communication, ministre d’état, ministre chargé de la reconstruction et de la réinsertion, premier ministre, puis premier ministre, ministre de la défense, ensuite député de Ferkéssédougou-commune, poste qui lui vaudra le perchoir de notre Assemblée Nationale en tant que Président de cette institution, qu’il sera constraint de quitter le 8 février 2019 pour mésente entre le mentor Ouattara et lui.

Alassane Dramane Ouattara 2011 – 2020

Accueilli comme le messie qui venait pour sauver la Côte d’Ivoire de la pire des crises économiques de son histoire, Alassane Dramane Ouattara a été imposé à ce pays pour des desseins inavoués. Dès la disparition du président Houphouet-Boigny, Ouattara engagea le combat pour assurer la succession du défunt président en dépit des dispositions de la Constitution d’alors. Son opposition à l’accession au pouvoir de Henri Konan Bédié, successeur constitutionnel, a créé une dissension entre les deux hommes; cela contraindra Ouattara à quitter le pays pour rejoindre le FMI d’où il était parti. Après plusieurs tentatives malheureuses pour prendre le pouvoir en Côte d’Ivoire, Ouattara n’a pu regagner ce pays qu’à l’avènement de Laurent Gbagbo au Pouvoir. Ce dernier ne lui offrira une opportunité pour être candidat que sous la pression de la communauté internationale qui soutenait la rébellion en faveur de Ouattara. Après les péripéties décrites plus haut, Ouattara accède enfin au pouvoir en Côte d’Ivoire le 6 mai 2011. Aussitôt commence le calvaire des Ivoiriens dans leur propre pays. La défaite de Gbagbo a été la raison principale de l’exode de beaucoup de ses ministres, des militants de son parti et autres supporters lors des élections de 2010. Les moins chanceux sont se retrouvés en prison comme Gbagbo lui-même qui avait atterri à la CPI à la Haye. En 2015, Ouattara devient “candidat dérivé” à l’élection présidentielle. Après son élection en 2015, il fait voter une autre constitution en 2016, objet de toutes les controverses actuelles. En 2020, le même ouattara se déclare candidat mais sous quel qualificatif cette fois-ci? En face, les Ivoiriens dans leur grande majorité qui ne semblent plus l’entendre de leurs oreilles, ont décidé de sortir pour exprimer leur rejet de cette autre candidature de Ouattara. Lors de ces manifestations pour protester contre cette candidature jugée inconstitutionnelle par ses opposants et une partie de la population, il a été constaté par plusieurs sources concordantes que des infiltrés armés, jugés proches du parti au pouvoir ont violemment aggressé ces manifestants, provoquant morts, blessés et destruction de biens.

Le point commun de ces différents régimes a été l’echec de leur politique générale. Le régime Bédié n’avait pas su instaurer un contrôle effecif sur les prix des des denrées de première nécessité et des produits importés suite à la dévaluation du F CFA, l’inflation devint galopante dans le pays; ce qui créa un mécontentement généralisé. Le régime s’est aussi caractérisé par l’affaiblissement de l’administration territoriale et de l’organisation militaire (dû à la réduction drastique des moyens mis à la disposition de ces Administrations), par l’abandon relatif du secteur agricole et du monde paysan, notamment par le recul du soutien aux cultures de rente traditionnelle: café-cacao, allant jusqu’à la suppression du système de stabilisation des ces productions. On peut lui reconnaître, néanmoins, le renforcement du système énergetique par le développement des centrales d’Azito.

Quant au gouvernement de Gbagbo, son programme était concentré sur l’école gratuite et l’assurance mutuelle universelle (AMU). Il n’a pas atteint ces deux objectifs parce que son équipe était composée de personnes qui n’avaient pas l’expérience de la gestion de l’Administration et n’étaient pas préparée à assumer la gestion de l’Etat. Une des illustrations en a été la gestion de la filière café-cacao, avec la promotion des hommes en charge qui n’étaient pas à leur place et avec toutes les conséquences qui s’en sont suivi. En outre, cette classe dirigeante principalement composée d’enseignants n’a rien pu faire pour relever ne serait-ce que le niveau de l’éducation nationale en Côte d’Ivoire. A leur décharge, cependant, attaqué deux ans après leur mandature, ils ont dû gouverner le pays avec leurs opposants, tout ne disposant que de 40% du territoire, passant le plus clair de leur temps à organiser la réunification du territoire et l’élection de 2010. On doit aussi mettre à l’actif du gouvernement de Gbagbo, l’organisation du Forum National de Reconciliation, même si celui-ci n’avait pas atteint les résultats escomptés.

Le plus grand danger de la Côte d’Ivoire c’est Alassane Dramane Ouattara et son régime. Sur le plan économique, la forte croissance dont il est fait état dans les discours n’est pas ressentie par la population dans sa majorité. Le lourd endettement du pays, les marchés octroyés de gré à gré sans aucune transparence ainsi que la corruption ambiante caractérisée par deux exemples les plus patents sous le régime Ouattara: les cas de dame Kandia Camara et du sieur Bictogo. Dame Kandia a été bombardée ministre de l’Education Nationale de Côte d’Ivoire alors que près de deux mandatures plus tard, elle est encore à la recherche de son son “Latin” dans les caniveaux d’Abidjan. Quant au sieur Bictogo, inconnu en Côte d’Ivoire il y a quelques années, il est devenu un puissant homme d’affaires dont la fortune est injustifiée. Ces cas dénotent de la façon la plus évidente, une injustice faite à une grande majorité des Ivoiriens, sutout les jeunes. De surcroît, en plus des pans entiers de l’économie ivoirienne sont d’abord dévolus à la propre famille de Ouattara, puis à son cercle d’initiés et ensuite à ses alliés et soutiens extérieurs; tout cela pose de serieux problèmes pour le développement à venir de ce pays. Sur le plan social, le régime de Ouattara n’a toujours pas réussi à reconcilier les Ivoiriens après près de 10 ans de pouvoir malgré les deux commissions de “Vérité, Reconciliation” dont les rapports n’ont jamais été publiés. Ainsi, nombreuses sont les populations du Centre et de l’Ouest principalement où des personnes sinistrées se sentent abandonnées et victimes d’injustice; à ceux-là s’ajoutent les prisonniers politiques civils et militaires et les exilés. D’autant plus que les partisans du régime: militaires et civils n’ont jamais été inquiétés, bien au contraire, ils ont bénéficié de promotion dans l’Armée et l’Administration dans le cadre du “rattrapage” dit ethnique. Dans le contexte actuel, le peuple a le sentiment d’avoir été trompé parce que le président de la République n’ a pas respecté sa parole. Son revirement, à revenir sur sa déclaration de ne pas être candidat à un troisième mandat pose un problème d’ethique et de morale, alors que ses collaborateurs dont le minsitre de la justice avaient largement diffusé l’information à sa suite et que même des affiches publicitaires ont mentionné le message qu’il ne se représenterait pas pour un troisième mandat; ceci créé une crise de confiance entre Ouattara et le peuple de Cote d’Ivoire.

Le résultat de ces politiques arbitraires depuis 27 ans affecte en premier lieu la jeunesse Ivoirienne. Celle-ci paye le plus lourd tribut politique de ces différents régimes qui les ont abandonnés à eux-mêmes, sans aucun projet de création d’emplois pour résorber le chômage galopant de ces jeunes, encore moins des programmes de formation et de réinsertion dans la vie active. Ce qui est offert à cette jeunesse, c’est un espoir éphémère et sans lendemain parce que précaire, de toujours suivre les leaders politiques, pour le seul plaisir de marcher pour leur cause et battre leurs campagnes électorales sans aucun espoir d’un emploi décent qui leur permettrait de subvenir aux besoins d’une famille qu’ils espèrent créer. Combien sont ces jeunes de 30 à 45 ans qui n’ont pas encore obtenu leur premier emploi en Côte d’Ivoire? Et le régime Ouattara ne leur propose rien de nouveau que du même au pareil. Le constat concerne la désespérance en la classe politique, non sans ignorer la faillite des intellectuels qui n’ont pas rempli leur fonction de façon à amener la population à se lever au-dessus des contingences. Les corps intermédiaires composés des élites de la Nation sont toutes corrompues et ne peuvent offrir aucune solution à cette jeunesse en détresse. Quant au corps social; c’est-à-dire la masse, elle est fragmentée autour de l’ethnie, de la région et de la religion.

En conséquence, ils sont “TOUS COUPABLES” de la situation délétère qui prévaut dans le pays depuis de nombreuses années. C’est pourquoi la révolte de la jeunesse contre ce troisième mandat de Alassane Ouattara est justifiée. Aussi en appelons-nous à la population ivoirienne toute entière à s’approprier leur destin; principalement la jeunesse, dans un cadre républicain, pour faire valoir et respecter la Loi Fondamentale.

Ivoiriens, Ivoiriennes, c’est ici que cette phrase de notre Hymne National: “Fiers Ivoiriens, le Pays nous appelle…” prend tout son sens. Levons-nous où que nous nous trouvons sur cette planète pour voler au secours de notre pays qui est aujourd’hui pris en otage par des hordes venues des ténèbres pour nous déposséder de notre héritage; c’est-à-dire de ce pan de territoire que DIEU a donné au peuple Ivoirien. Plus de vains discours, plus de calculs de tous genres, tous en avant pour la libération de la Mère-Patrie !

Théophile Djamon
Monticello, WI – USA
tdjamon@gmail.com

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