Destin funeste des rébellions africaines: Soro, un mélange insaisissable de Tshombé, Goukouni et Savimbi

Par Dr Serge-Nicolas NZI

Nous observons tous médusés l’ampleur des mouvements de rebellions qui se multiplient un peu partout en Afrique. Si on y prend garde l’AZAWAD, sera détaché du Mali. La République Centrafricaine sera fragmentée en deux États et le Congo RDC en deux ou trois États. On a déjà vu cela au Soudan aujourd’hui divisé et deux États.

Les chefs rebelles ne se rendent même pas compte qu’ils sont des pantins aux mains de ceux qui les soutiennent.
Certes la rébellion est un raccourci pour ceux qui n’ont pas terminé leurs études de finir au sommet de l’État. Mais pour quel projet de société ?

On a ainsi vu des rebelles au gouvernement, ne sachant ni lire, ni écrire, incapables de s’exprimer correctement, ils n’avaient que les avantages que leurs procure la fonction ministérielle comme but de leur vie après avoir égorgé violé et éventré des innocents.

Est-ce vraiment normal et rendre service à son pays en nommant un sergent colonel dans l’armée national d’un pays Africain ? La rébellion peut-elle justifier la nomination d’un illettré comme préfet de région dans un pays qui se respecte ? Les dirigeants politiques qui prennent de telles décisions, sont-ils conscients qu’ils affaiblissent et rabaissent leur pays en plongeant les institutions dans une médiocrité sans nom ?

Examinons ici le sombre destin de quelques rebelles africains.

Souvenons-nous de : Moïse Tshombé, le nom de Moise ne lui a pas porté le bonheur pour lui-même et pour son pays. Il fut le chef des sécessionnistes katangais. Pour plaire à la Belgique et au monde occidental, il avait proclamé l’indépendance du Katanga, pour affaiblir le gouvernement de notre frère, le premier ministre, Patrice Emery Lumumba. Il avait reçu armes, munitions, l’argent et les mercenaires qui vont avec, pour tuer ses innocents compatriotes que sont les kasaïens de l’ethnie Luba dans des pogroms sanglants. Il est mort en prison le 29 juin 1969, à Alger officiellement d’une crise cardiaque.

Odumegwu Emeka Ojukwu, c’est un autre sécessionniste, il proclame l’indépendance de la région Ibo du Biafra, le 30 mai 1967, plongeant le pays dans trois ans d’une effroyable guerre qui couta plus de deux millions de morts au pays. Contraint de s’exiler en Côte d’Ivoire après la défaite des forces biafraises, il fut gracié en 1982, par le président Sehu Shagari, dans le cadre de la réconciliation nationale. Il fut candidat malheureux à l’élection présidentielle du Nigéria en 2003. C’est dans la maladie qu’il est mort à Londres le 26 novembre 2011.

Goukouni Oueddei et son mouvement rebelle des forces armées populaires, les FAP et Hissène Habré, avec ses forces armées du nord, se sont livrés à des guerres sanglantes pour le contrôle du Tchad, dès la découverte du pétrole dans ce pays. Aujourd’hui, ils sont tous les deux l’ombre d’eux même dans un destin qui retiendra le mal qu’ils ont fait à leur peuple et à ce pays enclavé au cœur du désert, qu’est le Tchad. Le 20 mai 2016, Hissène Habré, l’ancien maquisard et ancien président a été condamné à la prison à perpétuité, pour crime contre l’humanité, crime de guerre et torture au cours d’un procès historique à Dakar au Sénégal où il restera en prison jusqu’à sa mort.

Charles Taylor, Avec son mouvement, le front patriotique du Libéria, il avait déclenché la rébellion de décembre 1989, qui avait mis le pays en lambeau avec plus de 500 milles morts pour que naisse un régime autoritaire. La suspension des libertés individuelles, le pillage des ressources du pays par un clan présidentiel totalement isolé de la scène nationale et internationale par un embargo des Nations unies. Il quitte le pouvoir le 11 aout 2003 pour un exil au Nigéria. Arrêté à la demande des autorités de son pays, il est transféré à la Haye devant le tribunal spécial pour la Sierra-Leone, qui le condamne le 26 avril 2012 à 50 ans de prison pour crimes contre l’humanité, assassinat, pillages et crimes de guerre. Il purge sa peine en Angleterre.

Fodé Sanko, le fondateur du front révolutionnaire uni de Sierra Leone. C’était un véritable falot. Il faisait partie de ceux qui croyaient au raccourci de la rébellion comme la grande opportunité de leur vie. Il déclenchât la guerre civile de Sierra Leone en 1991 dans le but de prendre le contrôle des mines de diamants du pays et les exploiter pour son propre compte. Tortionnaire sanguinaire, il incarnait la terreur dans son pays en flamme. Il fut condamné par le tribunal spécial pour la Sierra Leone, pour crime contre l’humanité et crime de guerre. Il est mort en détention le 29 juillet 2003 d’hypertension et hypertrophie cardiaque.

Mano Dayak, Le chef de la rébellion touareg des massifs de l’Aïr dans les années 1990 au Niger. En tant que leader de la CRA (Coordination de la Résistance Armée), il devient l’un des principaux chefs de la rébellion touarègue des années 1990, au même titre que Attaher Abdoulmomin chef du Front de Libération du Nord Niger, Rhissa ag Boula du FLAA (Front de Libération de l’Aïr et de l’Azawak) et Mohamed Anako de l’UFRA (Union des Forces de la Résistance Armée).

Le 15 décembre 1995, en vue des négociations, il doit rencontrer à Niamey le président nigérien Mahamane Ousmane et embarque à bord d’un avion affrété par un chargé de mission du gouvernement français en compagnie d’un journaliste français, Hubert Lassier, et deux autres chefs de la rébellion touarègue, dont Hamed Ahmed ag Khalou et Yahaha Willi Wil. Mais selon des témoins oculaires, juste après son décollage l’avion prend feu, explose, puis s’écrase. Tous ses passagers sont tués. C’est mystérieux et curieux comme accident.

Laurent-Désiré Kabila, les africains furent nombreux à applaudir la chute du régime criminel de Mobutu. Même les membres de son groupe ethnique, les Ngbandi de la région équatoriale du Zaïre étaient visiblement déçus de ce règne ou les salaires n’étaient plus payés depuis des années. Le pays était l’ombre de lui-même. La rébellion était-elle la solution ?

La création de l’Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo en septembre 1996 et l’entrée triomphale des troupes rebelles à Kinshasa le 17 Mai 1997, au lendemain de la fuite de Mobutu, furent des moments où nous fumes tous témoins de la déliquescence du pays et du régime. En réalité la rébellion comme partout ailleurs n’avait pas un projet de société viable de gestion démocratique de l’immense sous-continent Zaïrois à cheval entre l’Afrique centrale et australe.

Laurent Désiré Kabila va complètement couper de ses parrains, confronté à l’impatience démocratique de ses compatriotes avec en face de lui les pressions diplomatiques et les exigences de tous ceux qui ont contribué à le faire roi.

L’interdiction des partis politiques sauf le sien, l’emprisonnement des opposants et surtout la dissolution de l’AFDL, furent les preuves d’une cécité politique indigne d’un homme qui veut rassembler un pays autour de lui. Ces jours étaient comptés, il était le seul à ne pas savoir que sa garde personnelle était infiltrée. Le 16 janvier 2001, il fut tué par Rachidi Miselé, un membre de sa garde personnelle. Son fils Joseph Kabila, deviendra son successeur plongeant encore plus la république très démocratique du Congo dans un cauchemar d’instabilité, de crimes et d’horreurs sans noms qui ont jeté durablement ce malheureux pays dans les oripeaux de l’histoire douloureuse de l’Afrique.

Jonas Malheiro Savimbi, avec ses soutiens extérieurs, il a imposé à son pays l’Angola l’une des plus longues rebellions armées de l’histoire du monde. Les trois mouvements de libération ont combattu le colonialisme portugais avant de se faire la guerre entre elles de 1975 jusqu’en 2002. Savimbi avait fini par perdre tous ses soutiens, les USA, la France, l’Afrique du Sud etc. La chute du régime de Mobutu le priva de ses dernières bases arrières. Il fut tué par l’armée angolaise le 22 février 2002 après une longue traque, il fut enterré dans une tombe anonyme à Lwena avant que ses restes mortuaires ne soient authentifiés 17 ans après et ramenés à Lopitanga, son village natal au centre du pays pour des obsèques en juin dernier. Telle fut la triste fin du Coq noir le (Gallo negro).

John Garang, si la centralisation excessive de l’État soudanais et l’islamisation à marche forcée du pays sont à déplorer, nous constatons que la partition du Soudan en deux États n’a pas apporté la paix qui est devenue aujourd’hui une chimère pour les deux pays. Voilà pourquoi nous disons toujours que les rebellions sont des solutions indigestes dans le temps. En 2005 un accord de paix fut signé entre le gouvernement arabe et islamiste de Khartoum et les rebelles animistes et chrétiens de l’armée populaire de libération du Soudan avec à leur tête John Garang, qui sera promu Vice-Président de la République le 9 juillet 2005. Mais contre toute attente, John Gang meurt dans un accident d’hélicoptère avec 13 autres personnes le 30 juillet 2005 de retour d’un voyage à Kampala en Ouganda. Il ne verra pas naitre la République du Soudan du Sud dont il rêvait d’en être le chef.

Michel Djotodia, l’une des premières mesures de sa présidence, fut de reconsidérer les contrats d’approvisionnement pétrolier au profit du Tchad voisin. Le fondateur de la rébellion du SELEKA, représente ce qu’il y a de plus abject dans l’histoire douloureuse de son pays, véritable falot, ayant le vide comme projet de société, il a contribué négativement à plonger son pays dans un vide qui n’en finit plus. Il portait la même chanson que nous avons entendue ailleurs, les gens du nord sont marginalisés, le nord est moins développé, les musulmans sont des citoyens de seconde zone etc.

Renverser François Bozizé, est une chose, mais diriger un pays et construire la paix et la démocratie pour donner à chaque citoyen une vie meilleure est une chose difficile à trouver chez des rebelles possédant des instructions sommaires et dont certains ne savent même pas lire et écrire. Les exactions de la rébellion du SELEKA contre les populations civiles, les pillages et autres exécutions sommaires auxquelles il fut incapable de mettre fin ont rendu la vie impossible dans le pays.

L’incorporation des rebelles dans un gouvernement d’union nationale a montré ses limites un peu partout en Afrique, car la rébellion veut toujours exercer un pouvoir sans contrôle sur l’état avec les armes en sa possession imaginez la vie des populations dans un tel contexte. Observez l’état de délinquance de la république centrafricaine. Un pays ou l’État doit plus de trois ans de salaires aux fonctionnaires.

Pendant ce temps Michel Djotodia fera le choix d’aller vivre tranquillement ä Cotonou au Bénin, dans le pays de sa femme. Laissant aux autres le soin de gérer l’immense désordre qu’il a volontairement installé dans ce malheureux pays, qui est bien partie pour plusieurs décennies de crises sans fin comme la Somalie.

Guillaume Kibafori Soro, le chef de la rébellion du mouvement patriotique de Côte d’Ivoire (MPCI) dont les exactions sont connues des Ivoiriens. Le grand défaut qui le mènera à sa perte est qu’il parle trop. Yoweri Museveni est rentré à Kampala à la tête d’une rébellion pour chasser, le Général Tito Okello, sans faire des discours flaflas tous les matins. Trop parler peut tuer dit la chanson.

De lui les Ivoiriens ont hérité de la même rengaine. Les gens du nord sont marginalisés. On ne pouvait pas porter nos boubous, c’est parce qu’on est du Nord que nous sommes frustrés, on m’a contrôlé sur le pont, notre ethnie et notre région sont en retard. Prétentieux, il rêvait d’être le chef de l’État de Côte d’Ivoire après avoir été Ministre, Premier-Ministre et président de l’Assemblée nationale de ce pays. Incapable de se plier à aucune discipline de parti, il se brouille toujours avec ses partenaires du moment.
Il y a chez lui un mélange insaisissable de Tshombé, de Goukouni et de Jonas Savimbi. Il a déjà échappé à un attentat contre son avions en juin 2007 à Bouaké. Il est accusé dans plusieurs rapports de l’ONU de crimes graves de la part de la rébellion dont il était le responsable. Les casses des agences bancaires de la BCEAO, à Bouaké, Man et Korhogo, font partie des nombreuses casseroles qui lui pendent au nez.
Comment s’en sortira-il ? Le procureur de la république dit que des armes ont été découvertes à son domicile. Le nombre de ses ennemis s’amplifie de jour en jour. Il parait que son allié d’hier, Alassane Dramane Ouattara ne veut plus le voir, même pas en photo. La justice ivoirienne vient de lancer un mandat d’arrêt international contre celui qui est candidat à la présidence de la république de Côte d’Ivoire pour les élections de 2020.
II est accusé de tentative d’atteinte à la sécurité de l’État, d’atteinte contre l’intégrité du territoire national, détournement de deniers publics, de blanchiment d’argent. Il risque la réclusion criminelle à perpétuité, avec à la clé la confiscation de ses comptes bancaires, de ses biens mobiliers et immobiliers.
Nous ne sommes pas de ceux qui se réjouissent de ses difficultés actuelles. Comment est-il arrivé à sombrer dans ses propres turpitudes ?

Une fin de vie à la Robert Guei ou comme René Bousquet. Tous les chiens possibles et imaginables sont lâchés pour le traquer et le débusquer comme dans une chasse à courre par un Alassane Dramane Ouattara, sans pitié. Le but ici est d’en finir avec ce petit vizir, gringalet qui rêvait d’être dans le fauteuil du Sultan.

On parlera de lui au passé d’ici la fin 2020. Voilà ce qu’est l’état d’esprit de ses ennemis. Tel est le sombre destin qui le guette en attendant que la nasse se referme sur lui. Ses amis sont actuellement en prison à Abidjan et pour longtemps.

Lui-même risque l’enlèvement ou la disparition sans traces comme Mehdi Ben Barka, l’opposant marocain enlevé pas de vrais policiers français le 29 octobre 1965 en plein Paris. Curieux destin d’exil ou de prison probable pour un homme qui doit sa réussite à une rébellion armée dans le but de porter librement son boubou dans son pays.

Postulat de conclusion générale

Les années à venir vont être difficiles pour tous les régimes politiques qui n’ont pas de projet de société rassurant. Tous ceux qui fonctionnent sur la base du tribalisme, de la corruption, de la religion, de l’ethnisme, du clanisme et reposant sur une armée mono-ethnique qui sème la terreur par le viol, le vol et le pillage dans le pays.

L’immense masse des jeunes désœuvrés et sans formation ainsi que tous ceux qui échouent à tous les concours d’État parce qu’ils ne sont pas du bon groupe ethnique. Ils constituent tous le terreau fertile des prochaines guérillas et autres rebellions africaines. La prolifération des armes lourdes et légères en circulation entre nos pays sera d’une grande utilité pour les futurs rebelles.

Les voitures de luxe et les villas avec piscines dans lesquelles vivent les rebelles parvenus au pouvoir par les armes attirent tous les laisser pour compte qui voient dans la rébellion le raccourci nécessaire pour se réaliser dans une société qui n’offre plus d’horizon à personne.

En y réfléchissant, Paul Kagamé, a réussi à stabiliser le Rwanda parce que la guérilla du FPR portait en lui un projet de société de construction d’un Rwanda pour tous. Ce n’est pas le cas de la SELEKA de Michel Djotodia, d’Hissen Habré, au Tchad, de Laurent désiré Kabila en RDC ou de Soro Guillaume en Côte d’Ivoire.

Les sandinistes nicaraguayens après avoir renversé la Dictature de Somoza n’ont pas pu être une alternative crédible.
Il ne suffisait pas de reverser Mohamed Siad Barré pour que la Somalie soit un Paradis. De même que la chute de Mobutu, n’a pas fait du Congo un pays démocratique.

Le recours aux armes pour tuer des innocents pour être au pouvoir ne porte que malheurs aux pays et à leurs auteurs, qui apparaissent comme des monstres sans tête ni queue.

Cela donne raison au grand penseur italien, Antonio Gramsci: «Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres ».

Merci de votre aimable attention.

Dr Serge-Nicolas NZI
Chercheur en communication
Lugano (Suisse) Tel : 0041792465353
Mail : nicolasnzi@bluewun.ch

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