Quand la rumeur place les populations sous influence en Côte-d’Ivoire

On me dit souvent, vous n’êtes pas crédible. Vous êtes partisan. Vous êtes un « militant camouflé ». Pourquoi vous exprimez-vous à contre courant du discours dominant. Comment pouvez-vous mettre en doute ou remettre en cause ce que tout le monde a accepté docilement comme étant une vérité établie, un fait solidement assis sur une longue période. Je me demande quelques fois, suivant quelle procédure scientifique ont-ils été établis ou démontrés? Je me pose encore la question de la critique radicale à leur égard par rapport à leur exactitude, et aussi de l’authenticité, de la fiabilité et de la véracité des sources qui alimentent cette rumeur, quand on sait que leur unicité ou leur orientation nous expose à la manipulation. Je m’interroge aussi sur la méthode globalisante, réductrice, et sélective, avec laquelle ceux-ci sont présentés aux populations. Majoritairement anaphabètes, celles-ci sont intellectuellement faibles pour se poser ces questions, avant d’y adhérer. Elles sont donc exposées à la manipulation, en l’absence d’un effort de vérification des faits et de confrontation préalable de l’information. L’éducation, au sens anglo-saxon d’instruction, apparaît donc comme un paramètre fondamental nécessaire à l’atteinte d’une démocratie éclairée, à la réalisation d’une conscience citoyenne bien informée, mais également dans les processus d’établissement d’une vérité pour soi. J’observe aussi qu’une frange importante de la population, à proportion égale, est plus ou moins bien instruite, notamment celle qui fréquente les réseaux sociaux et les médias, néanmoins je note, qu’elles sont toutes placées sous influence de rumeurs persistantes.

En effet, il est remarquable, qu’un mensonge repété à l’envie devienne au fil du temps une demi-vérité, puis une vérité au bout d’un temps encore plus long. Dès lors, il devient possible d’axer stratégiquement sa communication sur la devise de Machiavel « mentons, mentons encore, mentons toujours, cela laisse des traces dans la mémoire des gens « . Einstein avait parfaitement raison de dire qu’un préjugé installé dans l’opinion publique est plus difficile à désagrager que la fissure atomique. Nous le vérifions tous les jours en Côte d’Ivoire. Fort de ces réalités, nous nous entre-mentons allègrement et généreusement en Côte d’Ivoire. Nous subissons aussi la pression des effets de mode de la pensée « bien pensante » pour échapper au « toughtcrime », la « Fatwa » du « délit de la pensée déviante » differentielle, originale ou encore marginale. Nous sommes ensuite soumis, d’une part, à la volonté de controle social de l’opinion publique par des groupes d’activistes politiques dans la bataille culturelle qu’ils se livrent, d’autre part, à l’influence du discours dominant parce que jugé consensuel et majoritaire, à tout le moins en apparence, selon le reflet qu’on en perçoit comme étant celui de l’opinion publique majoritaire, alors qu’en réalité plus de 70% de la population ivoirienne n’a pas accès aux NTIC. Nous confondons sous ce prisme le monde virtuel au monde réel, mais également la réalité des rapports de force sociaux et démocratiques. Nous sommes enfin, souvent à notre insu, sous une pression socio-culturelle subconsciente ( reflexe etnique, appartenances culturelles, ancrage politique et meurtrissures de la conscience historique). Tous ces éléments participent en réalité aux circuits d’établissement de ce qui est prétendu être la vérité incontestable. En réalité un tabou que l’on veut institutionnaliser et qu’il est inconvenant de remettre en cause. C’est dans ce contexte d’influencex croisées que les faits sont présentés. Ils désignent tantôt des coupables à la vindicte populaire, tantôt ils élaborent un discours circulant, qui fabrique des imaginaires et organise la falsification des faits et de l’histoire, de manière effrontée.

A l’observation du résultat produit sur ces dernières, je me dis que ce qui prime dans l’appréciation de ces populations, ce n’est pas tant la vérification de la réalité objective des faits ou la réflexion sur la logique du raisonnement exposé pour les soutenir, ou encore la pertinence des informations mises à leur disposition, par les uns et les autres, que la coïncidence que ceux-ci rencontrent avec l’écho de leurs propres pensées, leurs préjugés, leurs affinités et leurs propres convictions. Ce qui importe chez elles, est la convergence de vue, voire la conformité qu’ils reprensentent sous cette forme, avec leurs intérêts politiques, leur sympathie pour telle idée ou tel autre type d’idées, leurs calculs dans la construction d’un leadership, d’une image ou d’un mouvement de pensée. Je crois pouvoir retenir que l’Ivoirien d’aujourd’hui, structuré pendant de longues années dans un environnement mercantile, égoiste, conflictuel, violent, mensonger et passionnel, s’est progressivement départi de sa raison critique, de la civilité dans l’échange et du courage de dire la vérité, quelle qu’elle soit. J’en suis très peiné, et j’ai acquis la ferme conviction que, très certainement, si l’on prétend agir pour l’intérêt général, ça n’intéresse plus vraiment personne, sauf dans la mesure où cela repond à un mot d’ordre ou une thématique de mobilisation, une sorte de ruse ou de calcul politique. C’est triste, d’autant plus que notre société politique qui se caractérise essentiellement par l’imposture, l’amnésie, le reniement, l’incohérence et le négationisme, n’est ni apte, ni qualifiée pour proposer un débat objectif, ou encore pour en prendre l’initiative et la direction.

Dès lors, de quel point de vue réputé impartial et objectif, définissons le partisanisme poltique de l’altérité en Côte d’Ivoire? Sinon que par une autre subjectivité partisane. Alors, au nom de quel principe supérieur délivrons nous des sentences morales? Au nom de quels critères scientifiques décrétons nous ce qui doit avoir ou pas statut de vérité dans la société ivoirienne ? Pourquoi voulons nous censurer la différence de pensée par l’invertive, l’intimidation et autres moyens ? Comment sortir de cette réalité »dichotémique » et de ses ramifications socio-politiques? Comment s’extraire de cet « univers manichéen »? Comment se soustraire à la « dictature de la pensée dominante »? Comment se démarquer de cette attitude jugée « politiquement correcte » et « bien pensante » par les uns et les autres, suivant qu’on est de tel ou tel autre avis sur une question, qui ne peut pas avoir été bien analysée ou prise correctement en considération, en face d’un avis disjoint ou différent ?

Sortir de nos citadelles de certitude, accepter la relativité des points de vue, faire l’effort intellectuel d’appliquer une méthode prospective et critique dans la recherche de la vérité, en tant que conformité à un rapport d’objectivité entre l’analyse et l’objet visé dans une problématique, et en tant que résultat d’une démarche logique et cohérente, conduite sous le sceau de la neutralité. Nous avons besoin d’humilité, de courage et d’ouverture d’esprit pour y parvenir. Du moins, je l’espère. Sortons des sentiers battus, de la complaisance, de l’orgeuil de l’esprit, des complexes de supériorité, des systèmes de manipulation, des influences de notre environnement socio-culturel et politique, des modes thématiques de la pensée, des facilités du populisme, pour faire véritablement avancer la réflexion en Côte d’Ivoire.

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