Soro est-il un candidat crédible à la présidence de la république de Côte-d’Ivoire ?

Sans parti et sans soutien de poids, l’ancien président de l’Assemblée nationale ivoirienne est décidé à faire « cavalier seul » en 2020. Il devra cependant faire oublier un passé sulfureux qui lui vaut l’hostilité d’une partie de la classe politique et des citoyens. Et ne pas se contenter de multiplier les sorties à l’encontre de l’administration Ouattara, mais présenter le programme politique qui semble encore lui faire défaut.

« Cavalier seul »

Guillaume Soro ne cache plus ses ambitions pour 2020. Depuis qu’il a annoncé, le 12 octobre à Valence (Espagne), sa candidature à l’élection présidentielle, l’ancien chef de la rébellion ivoirienne multiplie les rencontres avec les ténors politiques et les réunions avec ses soutiens, avec l’intention de montrer qu’il n’est pas complètement isolé.

Et pour cause. L’ancien président de l’Assemblée nationale n’a officiellement pas de parti. « Quand Macron lançait En marche !, toute la classe politique était unanime [pour dire] qu’il ne serait jamais président. (…) J’ai décidé de prendre mon destin en main. J’ai 47 ans et je pense que je ferai cavalier seul », veut croire celui qui n’est soutenu par aucun des trois grands partis ivoiriens.

Mais son optimisme pourrait être moins justifié qu’il ne le pense.

Guillaume Soro « est le premier à avoir déclenché les hostilités dans son propre camp. Dès lors, il redoute en permanence une contre-offensive de ses anciens alliés », explique l’analyste politique Jean Bonin. Difficile, dans ces conditions, de jouer la carte de l’homme politique abandonné, voire trahi par ses anciens camarades.

D’autant que sa candidature peut elle-même être interprétée comme un nouveau retournement opportuniste. Premier ministre de Laurent Gbagbo jusqu’en 2010, Guillaume Soro est également l’un des premiers artisans de la chute de celui qui vient d’être condamné à 20 ans de prison par la justice ivoirienne.

Très rapidement, il rejoint Alassane Ouattara, qui le reconduit dans ses fonctions de Premier ministre et le nomme ministre de la Défense, puis président de l’Assemblée nationale. Si, après son ancien mentor Laurent Gbagbo, il a depuis également tourné le dos à Alassane Ouattara, « il ne peut dénoncer de façon crédible le bilan et la gouvernance de Ouattara et du RHDP dont il est solidaire en sa double qualité d’ex-Premier ministre et d’ex-président de l’Assemblée nationale », ajoute Jean Bonin.

Passé sulfureux

S’étant aliéné les principaux cadres de la vie politique ivoirienne, Guillaume Soro ne peut pas non plus prétendre se reposer sur la volonté populaire. « Pour avoir (fièrement) endossé (tout seul) la paternité de la rébellion qui a endeuillé des milliers d’Ivoiriens au sud et à l’ouest du pays notamment, il a un lourd passif à solder avec les électeurs de ces zones », considère en effet Jean Bonin, pour qui Guillaume Soro « incarne dans la conscience collective ivoirienne la meurtrière rébellion de 2002 ».

C’est tout un passé sulfureux que le candidat devra faire oublier. Comme le rappelle l’Humanité, Guillaume Soro fait partie des personnalités accusées par l’ONU en 2005 de violations graves des droits de l’homme. En 2016, l’ONU l’accusait à nouveau d’avoir profité de la crise postélectorale de 2011 pour acquérir plusieurs centaines de tonnes d’armes, en violation de l’embargo.

Le quotidien français souligne également que le candidat ivoirien est mis en cause par la justice française. Celle-ci instruit une plainte de Michel Gbagbo, le fils de l’ex-président, pour « enlèvement, séquestration, traitements inhumains et dégradants ».

Enfin, Guillaume Soro reste dans le collimateur de la justice burkinabé, qui le soupçonne d’avoir participé au coup d’État de septembre 2015, qui a essayé de mettre fin au gouvernement de transition mis en place après la chute de l’ancien président burkinabé Blaise Compaoré – même si le mandat d’arrêt international délivré contre lui à Ouagadougou a été annulé pour vice de forme.

Quelle ligne politique ?

Mais, au-delà de ses errements passés, reste une question, entière : qu’a à proposer Guillaume Soro aux Ivoiriens ? Quel programme entend-il porter, lui qui n’hésite jamais à égratigner le bilan de l’administration en place ? Aucune ébauche de proposition concrète n’a pour l’instant fuité. Il semble même difficile, à ce stade, de positionner Guillaume Soro sur l’échiquier politique, lui qui est entré en politique via un syndicat estudiantin très marqué à gauche, avant d’incarner l’aile militaire du Mouvement patriotique de Côte d’Ivoire puis, Alassane Ouattara arrivé au pouvoir, d’épouser sa politique sociale-libérale.

« Tes éventuels électeurs, maintenant que tu t’engages dans la voie démocratique d’accession au pouvoir, ont le droit de savoir ce que tu es devenu et où tu veux conduire notre pays », lui signale son ancien professeur Bruno Gnaoulé. Autrement dit, à quelle sauce ils seraient mangés si Guillaume Soro accédait au pouvoir. Bien malin qui pourrait le dire.

La Revue internationale

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