Soigner les LGBTQI+ de Côte d’Ivoire, le défi pour la Clinique de Confiance
Kahofi Jischvi SUY Journaliste, BBC Afrique
La Clinique de confiance à Abidjan est devenue un centre spécialisé pour les minorités sexuelles de Côte d’Ivoire, offrant soins et conseils aux personnes dans le besoin.
Joël, marche vers le portail d’une résidence dans le quartier de Biétry dans le sud d’Abidjan, la capitale économique de la Côte d’Ivoire.
Derrière ce portail tout à fait banal comme celui de toute autre résidence dans ce quartier, se trouve la Clinique de confiance (CdC) gérée par l’ONG Espace de confiance.
Il s’agit d’un centre de santé spécialisé qui travaille à réduire la propagation du VIH et d’autres infections sexuellement transmissibles parmi les populations clés.
L’ONUSIDA définit les populations clés comme étant les plus vulnérables au VIH et les moins aptes à accéder à des services de santé adéquats.
Les populations clés comprennent les professionnel(le)s du sexe, les consommateurs de drogues injectables, les transgenres, les prisonniers et les hommes comme Joël qui ont des rapports sexuels avec d’autres hommes.
« J’ai entendu parler de la clinique par l’intermédiaire d’un ami branché », indique Joël.
« Branché », dans ce contexte et dans l’argot LGBTQI+ ivoirien signifie « gay ».
« Mon ami m’a encouragé à me rendre à la clinique pour un bilan de santé et un test de dépistage du VIH. Je me suis préparé à accepter le résultat final. Si le test était négatif, tant mieux super, mais s’il était positif, je savais que je devrais l’accepter aussi », déclare-t-il.
Joël a finalement appris qu’il était séropositif et il vient maintenant à la Clinique de confiance pour des examens mensuels gratuits, un soutien psychologique et des médicaments, y compris un traitement antirétroviral.
Ces dernières années, la Clinique de confiance est devenue un espace social où les personnes LGBTQI+ se sentent libres et en sécurité pour discuter de questions de santé avec les médecins, les travailleurs sociaux et même entre eux.
Des préjugés qui persistent
Etre homosexuel – au sens de l’orientation sexuelle – n’est pas illégale en Côte d’Ivoire, mais l’homosexualité est largement considérée comme taboue.
Ce qui implique que les personnes LGBTQI+ doivent à la limite cacher leur orientation sexuelle pour recevoir des soins de santé adéquats dans la plupart des cliniques et hôpitaux.
« Les membres de la communauté LGBTQI+ se font soigner dans tous les hôpitaux sauf que le personnel médical ignore tout de leur orientation sexuelle » nous explique Dr Anoma Camille directeur de la Clinique de confiance.
« Certains professionnels de santé ont encore une forme de réticence vis-à-vis des homosexuels dans leur prise en charge » nous explique Dr Aka Emmanuel, médecin généraliste à la Clinique de Confiance.
« Cela peut être dû au manque d’information qu’ils ont sur les hommes qui ont des rapports sexuels avec des hommes (HSH) et les femmes qui ont des rapports sexuels avec des femmes (FSF), ou peut-être parce que l’orientation sexuelle reste un sujet tabou. En réalité, les homosexuels sont des patients comme les autres ».
La clinique a établi une relation de confiance entre le personnel de santé et les personnes LGBTQI+ en travaillant avec des populations clés et des ONG LGBTQI+ depuis plus de 10 ans.
La Clinique de confiance était à l’origine un projet de recherche qui a été lancé en octobre 1992 dans le cadre du programme RETRO-CI (Retrovirus Côte d’Ivoire).
En 2004, le personnel de la clinique décide de créer une organisation socio-sanitaire appelée Espace Confiance (ONG).
En 2005, cette ONG reçoit officiellement la responsabilité de gérer pleinement la Clinique de confiance en tant que centre de santé et de recherche avec le soutien d’organisations internationales comme l’ONUSIDA, le PEPFAR, SIDACTION (France)….
L’ONG Espace Confiance n’a pas seulement la Clinique de Confiance comme centre de santé.
Cinq autres centres qui offrent des services de prévention et de sensibilisation aux populations clés sont sous la gestion de cette ONG.
La Clinique de Confiance est le premier centre en Côte d’Ivoire à offrir des soins de santé spécifiques aux HSH et aux FSF grâce à un plateau médical adapté à la proctologie et surtout grâce à la formation du personnel de santé.
Celui-ci a les capacités pour traiter les problèmes de santé communs auxquels ces populations clés sont confrontées.
Selon Dr Kotchi Rachelle, médecin à la Clinique de Confiance, ces problèmes de santé assez fréquent sont « les condylomes génitaux et rectaux (papilloma virus humain), neisseria gonorrhoeae, chlamydia, mycoplasma et les autres infections sexuellement transmissibles ».
La question du VIH est aussi prise en considération avec une attention particulière car les populations clé sont particulièrement exposées.
« En Côte d’Ivoire, la prévalence du VIH est de 11 % chez les travailleurs du sexe, de 13 % chez les hommes qui ont des rapports sexuels avec des hommes et de 9,2 % chez les personnes qui s’injectent des drogues » précise Pélagie Kouamé, Président du réseau des populations clés en Côte d’Ivoire cité dans le rapport 2018 d’ONUSIDA.
Compte tenu de ces taux plus élevés, la Clinique de confiance travaille à réduire la transmission du VIH parmi la communauté LGBTQI+ d’Abidjan.
Elle accorde une attention particulière aux personnes séropositives qui ont des difficultés pour accepter leur statut sérologique.
« Nous aidons ces personnes à reconnaître que le VIH n’est pas une condamnation à mort, à comprendre qu’il s’agit d’une maladie chronique pour laquelle un traitement gratuit existe », rassure Dr Kotchi Rachelle.
Elle précise que la plupart des HSH ou des FSF acceptent assez bien leur séropositivité, ce qui facilite leur traitement et réduit le risque de nouvelles infections au VIH ou d’autres IST.
En concernant la lutte contre le VIH, la Clinique de confiance assure le monitoring d’un programme de santé dédié aux HSH qui sont sous PrEP (prophylaxie pré-exposition) en Afrique de l’Ouest.
La PrEP est un traitement préventif pour les populations séronégatives à haut risque de contracter le virus.
Utilisée correctement, la PrEP peut réduire le risque de contracter le VIH de 99 %.
« La PrEP est une révolution dans le traitement du virus et un espoir de mettre fin aux contaminations, en particulier chez les HSH », souligne Dr Anoma Camille, directeur de la Clinique de confiance.
L’action de la clinique ne se limite pas seulement aux soins de santé et à la sensibilisation au sein d’un bâtiment.
Au-delà des murs de la clinique, des éducateurs mènent des activités de sensibilisation sur le terrain.
Tom – dont le surnom a été retenu pour protéger son identité – est l’un de ces éducateurs de pairs qui se rendent dans les espaces gay-friendly d’Abidjan pour sensibiliser les membres de la communauté HSH et FSF sur la question du VIH.
Le personnel de la clinique assure aussi un accompagnement psychologique des MSM et des FSF touchés par le VIH
Dans la chaleur de la nuit
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