Le Salon, qui se tient à Paris [30/10 au 3/11], fait la part belle aux deux principaux producteurs mondiaux de cacao qui se sont unis pour peser sur les prix.
Avec le Salon du chocolat, Paris est l’espace d’un moment la capitale du cacao
Amoureux du chocolat : préparez-vous. Le prix de votre gourmandise pourrait bientôt grimper alors que la Côte d’Ivoire et le Ghana, les deux producteurs de cacao les plus importants au monde, se sont entendus pour faire monter les prix. « Cette année, nous avons voulu mettre l’accent sur l’importance des pays producteurs de cacao qui seront tous présents, de la Côte d’Ivoire à l’Indonésie en passant par le Ghana ou l’Amérique du Sud », a d’emblée indiqué à l’AFP Sylvie Douce, fondatrice et organisatrice du célèbre Salon du chocolat qui s’est ouvert ce mercredi 30 octobre.
Et comme pour joindre les actes aux mots, les organisateurs ont choisi comme marraine la première dame de la Côte d’Ivoire, Dominique Ouattara. Elle est venue plaider la cause des enfants qui travaillent dans les exploitations de cacao. À ses côtés, le créateur Gilles Touré, que le chocolatier français Cémoi a chargé de dessiner sa robe en chocolat pour le défilé.
Lumière sur les pays producteurs
Le cacao ivoirien représente environ 40 % des parts du marché mondial et 10 % du PIB du pays, selon la dernière estimation de la Banque mondiale. L’or brun représente aussi les deux tiers des emplois et des revenus de la population du pays. Néanmoins, de nombreuses familles agricoles font toujours face à une pauvreté persistante avec moins d’un dollar par jour de revenu. Cette pauvreté est l’un des facteurs qui contribuent au travail des enfants dans les plantations de cacao. La Côte d’Ivoire est aussi considérée comme une importante destination régionale du trafic d’enfants en provenance des pays frontaliers. Les enfants y viennent pour travailler dans l’agriculture.
Quelques 1,2 million d’enfants ont été engagés dans la cacaoculture en Côte d’Ivoire en 2013-2014, selon l’Initiative internationale pour le cacao (ICI), une organisation créée par l’industrie du chocolat pour lutter contre le travail des enfants dans la filière. Les revenus faibles et précaires des agriculteurs entraînent de graves problèmes sociaux et environnementaux. Autre problème : dans l’espoir d’accroître leurs revenus, les producteurs engagent plus de terres dans la production de cacao, souvent au détriment d’une agriculture durable, écologique et diversifiée.
Un bras de fer gagnant
Alors fini les paillettes, les défilés de robes en chocolat et les concours extraordinaires de meilleurs artisans qui caractérisent le salon ? Non, le salon parisien qui célèbre son 25e anniversaire n’en est pas encore là, mais il a bel et bien revu sa programmation. « Le salon, c’est plutôt la réjouissance, mais le fait d’inviter Mme Ouattara est symbolique, cela veut dire que les pays producteurs veulent exister et nous voulons montrer leur importance », a ajouté Sylvie Douce. En effet, difficile cette année de faire l’impasse sur cette question hautement sensible des « petits producteurs » de cacao alors que la Côte d’Ivoire et le Ghana sont engagés à s’unir pour imposer un prix minimum. Les deux pays représentent 70 % de la production mondiale. Mais jusqu’à présent, les négociants de cacao et les industriels mondiaux du chocolat avaient tendance à garder la valeur ajoutée pour eux.
En juin, ces deux États ouest-africains ont suspendu plusieurs semaines la vente des récoltes 2020-2021 pour tenter d’imposer aux marchés et aux multinationales un prix minimum plus rémunérateur et moins lié à la volatilité des cours, qui ne soit pas en deçà de 2 600 dollars la tonne. Après des semaines de pression, de nombreux géants du secteur, dont les groupes suisses Barry Callebaut et Nestlé, ont accepté de payer un différentiel de revenu décent (DRD, nom donné à un mécanisme de soutien aux planteurs), à la suite d’annonces faites lors d’une réunion de la Fondation mondiale du cacao (forum qui réunit les multinationales) à Berlin la semaine dernière. « Malgré cette hausse du prix plancher, les prix restent encore trop bas pour avoir un niveau de vie convenable en Côte d’Ivoire », relativise Fatah Sadaoui de l’ONG SumOfUs, qui soutient les petits producteurs. Cette ONG s’est félicitée d’avoir obtenu aussi le ralliement du négociant français Sucre et Denrées (SucDen) au principe de meilleure rémunération proposé par la Côte d’Ivoire et le Ghana. SucDen n’a pas confirmé l’information à l’AFP. Du côté de l’offre, les prix plus élevés du cacao devraient stimuler la production des deux pays et des autres producteurs du monde.
Les deux pays regardés en exemple
En Amérique latine, où le cacao est en général acheté un petit peu plus cher qu’en Afrique, l’initiative ouest-africaine est regardée avec beaucoup d’intérêt par les producteurs. « Ce qui est en train de se passer est très intéressant, et constitue un moment important, car il s’agit d’une tentative de rééquilibrage du pouvoir dans la filière » cacao mondiale, analyse Abel Fernandez, producteur de cacao en République dominicaine et dirigeant d’une coopérative en commerce équitable Fair Trade-Max Havelaar. « En moyenne, en Afrique de l’Ouest, les producteurs de cacao reçoivent seulement 60 % du prix de base d’exportation, car les États appliquent une imposition élevée, alors qu’en Amérique latine, ils reçoivent entre 80 % et 85 % du prix d’exportation », déclare ce responsable à l’AFP. « Mais nous regardons quand même de très près ce qui est en train de se développer dans les semaines et mois à venir en Afrique de l’Ouest, car cela peut nous amener à questionner les acheteurs pour obtenir nous aussi des prix plus élevés », a-t-il ajouté. « La voix des fermiers doit être entendue dans le monde entier, sinon les traders arrêteraient d’acheter en Côte d’Ivoire et au Ghana », ajoute Fatah Sadaoui.
Encore un long chemin
En réalité, la Côte d’Ivoire et le Ghana ont encore beaucoup de chemin à parcourir avant de pouvoir influer sur les prix. En attendant, le show se poursuivait mercredi soir. Étaient récompensés les 20 meilleurs producteurs de l’année sélectionnés par un jury professionnel sur plus de 200 candidats : trois Africains, deux Malgaches, six asiatiques, cinq venus d’Amérique centrale et des Caraïbes, et quatre latino-américains, dont un Vénézuélien, une jeune société bolivienne qui travaille les fèves sauvages et la Fédération nationale du cacao colombien ont chacun reçu un « International Cocoa Award » décerné par le salon, allié au centre de recherche Cirad et à l’ONG Biodiversity international.
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