Il n’y a pas un futur à prévoir, mais bien des futurs à préparer. Il ne faut plus chercher dans le passé l’explication de l’avenir, mais percevoir l’avenir comme la raison d’être du présent (Luc de Brabandère et Anne Mikolajczak).
Pendant que le RHDP se prépare activement pour les élections à venir en mettant en place une équipe commando, l’opposition ivoirienne est à la recherche de ses repères et d’une coalition susceptible de faire perdre le pouvoir au RHDP. Malheureusement, il lui reste encore beaucoup de contradictions à résoudre en son sein avant de se présenter comme un bloc solide face au rocher du RHDP. Décryptage !
De nombreuses dissensions en « ni ni » traversent encore l’opposition ivoirienne et qu’il va lui falloir surmonter si elle espère peser sur le débat politique avec plus de poigne. On ne veut pas composer avec Affi N’guessan qui s’accroche à la présidence du FPI et qui se montre trop prompt à saisir la main gantée du pouvoir, laquelle cache l’œdème qui l’enlaidit et repousse ceux qui espèrent à un consensus vrai. On se croit le plus fort et on veut être ce fleuve vers lequel coulent toutes les rivières. Mais on se construit des digues entre soi et ces rivières.
Certains, qui ont une très haute idée de leur personne, attendent qu’on vienne les supplier de se mettre ensemble pour sauver la Côte d’Ivoire pendant ce temps, d’autres, déçus des plateformes mort-nées, détruites par les agendas cachés en sous-main des uns et des autres, préfèrent jouer en solo même si, de la sorte, ils se savent déjà perdants face à un Ouattara sûr de son fait. On veut chasser Ouattara du pouvoir mais on ne veut pas composer avec Soro Guillaume à cause de son passé de bras armé de Ouattara, avec tout ce que cela a impliqué. On ne veut pas du président Bédié. Il est trop vieux, dit-on, alors qu’à douze mois des élections, il n’y a pas mieux que lui au PDCI pour croiser le fer avec Ouattara et espérer l’emporter. A qui la faute ?
Au président Bédié lui-même, aux militants ou aux cadres de ce parti qui n’ont jamais oser s’affranchir de ses principes gérontocratiques ? Plusieurs générations de militants de ce parti ne connaissent que le président Bédié dont l’image et la personne ont fini par faire corps avec le parti. Il est donc illusoire de penser qu’une personne « fraîche » puisse construire la même ferveur militante en douze mois. Dans l’urgence des élections de 2020, il faudra bien Bédié face à Ouattara dans le cas du PDCI. Une élection présidentielle, c’est d’abord le rendez-vous d’un homme et de son peuple avant d’être celui d’une machine et de ses militants puisque le candidat doit ratisser au-delà de ses bases.
On ne jure que par le président Laurent Gbagbo. Quand il sera là, tout s’éclaircira, la torpeur générale s’estompera, le soleil brillera à nouveau en Eburnie. Mais, pour le moment, il vaut mieux attendre et l’attendre même si cela a pour conséquence de mettre en berne le combat pour l’amélioration du bien-être du peuple. Nul doute que Laurent Gbagbo de retour sur ses terres natales changera la donne en matière de combat politique en virilisant un peu plus le corps politique de l’opposition. On oublie, cependant, que le président Gbagbo tout seul ne pourra pas battre Ouattara. Il lui faudra bien le soutien des autres : composer avec Bédié, composer avec Soro, composer avec Affi malgré son parricide maladroit, composer avec bien d’autres personnalités de l’opposition. Mais il ne s’agira pas d’un attelage hétéroclite sans vision commune, auquel cas l’échec sera des plus éclatants. La réconciliation nationale commence d’abord par ceux qui ont les mêmes ambitions que soi mais pas forcément les mêmes intérêts. Et puis, le Gbagbo qui sortira des geôles de la CPI sera-t-il le même que celui que l’on a connu dans la période 90-2000 ou même de 2002 à la date fatidique du 11 avril 2011 avec la violence inouïe qui s’est abattue sur lui et ses partisans, tuant certains parmi eux et poussant d’autres à prendre le chemin humiliant de l’exil ? C’est une inconnue qu’il faudra bien intégrer aux calculs et projections ?
Opposants de tous bords, ne minimisons pas le Président Ouattara qui tient pratiquement tout le monde en laisse et qui a su intégrer à sa philosophie politique les pratiques des banquiers du Far-West américain : soit tu te plies pour suivre le mouvement soit on te plie d’une manière ou d’une autre de sorte à te réduire à ta plus simple expression et que tu ne puisses plus nuire aux projets expansionnistes du nouveau maître. Les ivoiriens ont été déroutés par cette nouvelle façon de faire de la politique, habitués qu’ils étaient aux paradigmes de Gbagbo et d’Houphouët-Boigny ; mais le milieu des affaires, lui, est un habitué de ce paradigme que Ouattara nous fait contempler dans toute sa beauté politique.
Depuis plus de 20 ans, le Président Alassane Ouattara démontre à tous qu’il faut être proactif et préactif pour peser sur la vie d’une nation, avec bien-sûr des moyens conséquents et des soutiens extérieurs influents qui manquent à beaucoup d’autres : se préparer à un changement anticipé ou agir pour provoquer un changement souhaitable. Son combat a fini par payer. Pour le battre, il faudra être lui ou plus que lui. Mais rares sont les hommes politiques dans ce pays qui peuvent être lui ; beaucoup préfèrent attendre le changement prévu par les laboratoires de la République avant de réagir. Les circonstances exceptionnelles et le soutien des réseaux internationaux dont Ouattara a bénéficié à l’époque sont uniques. Il ne serait pas facile d’en créer pareil en très peu de temps. Il ne faudrait donc pas minimiser la puissance du système que Ouattara a mis en place et qui pourrait faire déchanter tous ceux qui pensent qu’ils ne feraient qu’une bouchée du soi-disant très « impopulaire » dauphin putatif Amadou Gon s’il venait à être sur la ligne de départ pour la présidentielle de 2020.
Pour une fois, opposants ivoiriens, laissez tomber vos egos qui font croire à chacun qu’il est l’homme de la situation alors qu’il n’est rien sans les autres. Mettez-vous ensemble. Résolvez vos contradictions internes et entre vous et soyez unis pour sauver la Côte d’Ivoire. C’est seulement l’un de vous qui occupera le fauteuil présidentiel après Ouattara si vous le battez, ce fauteuil qui ne sera jamais un banc pouvant vous accueillir tous. Le pays vous appelle. Le danger est réel et voyez la Côte d’Ivoire d’abord. Pour une fois, laissez tomber vos calculs qui ramènent tout à votre personne et pensez au peuple qui souffre et attend qu’un messie vienne le sauver.
La présidente de l’URD, Danièle Boni-Claverie, dit détenir des preuves que le processus électoral serait infesté et qu’une manipulation de grande ampleur du listing électoral se préparerait. On fait quoi de cette information d’une gravité extrême et à même de remettre en cause la sincérité du scrutin ? Rien. On attend en 2020 pour contester pendant quelques jours pour, ensuite, rentrer dans le rang.
Selon le président du PDCI, des orpailleurs clandestins non nationaux armés et domiciliés à la lisière de nombreux villages de Côte d’Ivoire sont sources d’insécurité et seraient des supplétifs prêts pour la sale besogne. Bédié a tiré la sonnette d’alarme sur ce phénomène. On fait quoi de cette information ? Rien.
De fausses cartes d’identité seraient confectionnées à grande échelle pour des gens qu’on ferait venir clandestinement pour des desseins non encore élucidés. On fait quoi de cette autre information grave ? Rien.
Le pouvoir bande ses muscles et soutient sans sourciller que tout est bouclé, tout est géré, tout est calé pour qu’il l’emporte au premier tour. Ces propos trahissent les intentions de leurs auteurs et illustrent leur détermination. On fait quoi de cette autre information aussi grave que les autres et qui donne l’impression qu’il n’y aura pas de compétition équitable en 2020 ? Rien. On est assis et on regarde. Les plus déterminés et les plus cohérents à ce jour restent Ouattara et le RHDP et, on ne sera pas surpris que nombre d’ivoiriens les préfèrent devant les tergiversations de l’opposition.
Opposants ivoiriens, l’heure est grave et le temps presse. Il ne vous reste que 12 mois pour montrer votre capacité à ravir le pouvoir à Ouattara et au RHDP. Certaines personnes dans certains milieux préfèrent le maintien du statu quo à cause de leurs intérêts. Faites mentir ceux qui pensent ainsi. Le pays vous regarde. Que le rassemblement du samedi 14 septembre marque un tournant dans la résolution des contradictions et un nouveau départ pour toute l’opposition ivoirienne. Sinon, à vouloir toujours rester dans vos bulles et vos calculs qui vous neutralisent tous face à Ouattara maître, pour le moment, du jeu politique ivoirien, un inconnu pourrait vous damer le pion, ne sait-on jamais ! La politique n’est pas une science exacte.
Ce qui fait la différence entre les grandes nations démocratiques et nous, c’est justement que, chez elles, c’est le pays d’abord. Quand il est en péril, tout le monde tait son égoïsme, ses principes et ils luttent tous ensemble pour sauver le pays.
Après, ils s’asseyent autour d’une table et discutent de comment ils doivent gouverner le pays et créent un consensus pour que ce qui a été décidé soit appliqué dans l’intérêt de tous. L’élite occidentale ne s’embarrasse donc pas de scrupules lorsqu’il s’agit de l’intérêt national, sachant faire le tri entre l’essentiel et l’accessoire. Nous les africains, on raisonne différemment : « Moi d’abord, le pays après ». Osons changer de paradigme et mettons fin au règne sans fin du rattrapage, de la corruption galopante et de bien d’autres maux qui minent la société ivoirienne.
Pascal FOBAH Eblin
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