Ehouo vs Sawegnon au Plateau en Côte-d’Ivoire: Forces et faiblesses de deux candidats dans une bataille par procuration

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Par connectionivoirienne

Deux titans, deux styles

Fabrice Sawegnon au vert après des années d’entraînement, va finalement croiser le fer avec un candidat du Pdci au Plateau, Jacques Gabriel Ehouo, député de la commune. La candidature de ce dernier, tombée comme un cheveu sur la soupe, après l’éviction du gros calibre Akossi Bendjo, bouleverse tout de même les calculs et déchaîne l’ire des partisans du pouvoir.

Jacques Ehouo : le député sera-t-il monsieur le maire ?

Jeune cadre qui a fait fortune dans le privé, Jacques Ehouo n’est pas un inconnu de la cité des affaires. On ne peut pas dire de lui qu’il est un parachuté. Dans cette commune où rien n’est gagné d’avance, Jacques a déjà triomphé une fois aux législatives de 2016 face à bien d’autres candidats dont l’un, Didier Djoro (l’araignée qui pique très mal), fut parrainé par Fabrice Sawegnon. Cette municipale a donc tout l’air d’une revanche voire d’un match retour pour le camp Sawegnon. D’apparence jeune, style bon chic bon genre, celui que les jeunes surnomment ‘’Jack Bauer’’ du héros du film policier ‘’24 heures chrono’’, a un bon réseau de relations au sein des groupes sociocommunautaires, notamment chez les jeunes. L’air débonnaire, ce publicitaire, bon viveur, comme son adversaire, a très vite fait fortune alors qu’il avait moins de trente ans. Sa campagne s’en ressent du reste. Tee-shirts fashion, la logistique impressionnante avec une bonne percée chez la gente féminine, Jacques Ehouo est en passe de mobiliser l’électorat à sa cause mais surtout à la cause de Bendjo et au-delà, du Pdci-Rda, son parti. Pour les mauvaises langues, c’est un homme du sérail de Bendjo qui porte aussi le fardeau des méfaits et de la ‘’gouvernance déviationniste’’ de l’ancien maire en cavale depuis des mois, après sa révocation. D’ailleurs pour avoir été l’homme à tout faire de Bendjo, son homme de main aussi (toujours selon les mêmes langues), Jacques Ehouo est pour le clan Rhdp, un homme à abattre. C’est un prisonnier en sursis si l’on en croît le ministre de la Défense Hamed Bakayoko qui l’avait ouvertement menacé d’arrestation lors d’un meeting en soutien à son adversaire. « quel que soit le résultat du scrutin, la justice fera son travail », avait déclaré publiquement le candidat du Rhdp à Abobo raillant qu’on ne peut venir faire le malin au Plateau avec l’argent volé du contribuable. L’on pouvait alors considérer que la messe est dite. Mais le candidat du Pdci n’en a cure. Il a apporté la réplique à cette boutade par des tee-shirts de campagne ‘’Je vote pour le prisonnier en sursis’’. Une façon de dire qu’il ne cède pas aux menaces et reste zen face à l’intimidation. Pour Ehouo, cette municipale est plus qu’un challenge. Confirmer qu’il est l’enfant chéri du Plateau mais surtout venger l’homme ‘’injustement’’ écarté de son poste. Tout reste possible. Car comme le fait remarquer un observateur, Jacques Ehouo pourrait rassembler autour de sa candidature tous les frustrés et les épris de justice qui comprennent mal ce coup de pouce du pouvoir à Sawegnon en éliminant par décret l’ancien maire et en tentant par des manœuvres d’amener Jacques Ehouo à la reddition.

Fabrice Sawegnon : du candidat indépendant au candidat Rhdp

Raffiné, grand communicateur et communicant aux talents reconnus, ses affiches de campagne toutes aussi expressives qu’attirantes, Fabrice Sawegnon ou Kirikou n’est plus un homme à présenter. C’est ‘’l’enfant du Plateau’’ qui aura donné du fil à retordre au dinosaure Akossi Bendjo depuis qu’il a annoncé sa candidature. On l’a vu venir et il a bâti méticuleusement sa candidature à travers des actions sociales et autres actes de séduction. Des dons par-ci, des aides par-là, l’ancien étudiant de l’Inset de Yamoussoukro (aujourd’hui Inp-Hb) aura fait montre d’une générosité débordante à l’endroit des couches sociales du Plateau, la commune qui l’a vu naître le 12 janvier 1972. Pour coordonner ses actions, très tôt, il a mis en place une plateforme ‘’changerleplateau.com’’. Il y décline ses ambitions, rallie des gens de toutes conditions, anime des débats, répond à des sollicitations. Offreur de publicité pour le compte de grandes compagnies, il a largement associé la presse nationale et internationale à cette vaste campagne. Sous son impulsion, des centres de santé ont reçu des ambulances, la caserne des sapeurs-pompiers de l’Indénié, du matériel, les femmes du Plateau des aides financières ainsi que des aides à la scolarisation des enfants. Cerise sur le gâteau le film institutionnel concocté de ses soins intitulé ‘’Plateau, l’envers du décor’’ qui montre la face cachée et hideuse du quartier des affaires. Une idée pour exposer la mauvaise gouvernance de son adversaire d’alors, Akossi Bendjo.

Dans sa course vers le fauteuil, très vite, s’est formée autour de lui, une équipe composite, multicolore et multitâche. Des militants connus du Rdr, du Fpi ou du Pdci n’ont pas hésité à adouber Sawegnon dont Williams Koffi et Clément Adjouroufou membres du bureau politique du Pdci qui ont flirté un temps avec Essy Amara après avoir défié Henri Konan Bédié lors du 12e congrès du Pdci en 2013. Mais l’on doute maintenant si ce beau monde autour du candidat garde encore le même dévouement après que le champion a accepté de porter les couleurs du Rhdp.
A son passif, Fabrice Sawegnon aura contre lui, sa nationalité non douteuse, béninoise qu’il clame haut et fort en tentant en même temps de tuer dans l’œuf ce complexe-handicap. Il le minimise mais l’artifice a du mal a passé chez certains ivoiriens plutôt conservateurs pour ne pas dire ‘’ivoiritaires’’. ‘’L’ancien maire du Plateau, Edmond Basque, était un malgacho-burkinabé’’, aime-t-il à contrarier les porteurs du débat sur sa nationalité. De plus, comment le candidat indépendant Sawegnon justifiera-t-il sa candidature en Rhdp après avoir justifié lors de plusieurs rencontres que sa candidature était apolitique et qu’elle n’était pas motivée par des parrains politiques dont le couple présidentiel. Comment pourra-t-il se défendre des propos outrancièrement agressifs du ministre Hamed Bakayoko à l’endroit de Jacques Ehouo alors qu’il avait choisi de tout faire dans la courtoisie.

. « A vouloir aider Sawegnon par cette méthode, il pourrait y avoir l’effet contraire dans le sens d’un vote sanction. Sinon tant que Sawegnon restait indépendant, s’il rejetait l’offre du Rhdp, tant qu’il évoluait dans son style en expliquant sa candidature et en exposant ses projets pour la commune, tant que Bendjo restait à son poste, Sawegnon gardait intactes, ses chances de l’emporter. Mais là, sa candidature en tant que Rhdp donc candidat du pouvoir va fortement le desservir auprès de certains électeurs qui considèrent cela comme une haute trahison, y compris ceux qui avaient dès le départ pris fait et cause pour lui », commente une source indépendante à ce propos.

Rien n’est donc joué d’avance et le 13 octobre sera le choix entre deux styles et deux ambitions. Mais cette élection du Plateau revêt surtout un caractère national parce que préfigurant aussi la suite de la bataille entre les anciens alliés Pdci et Rdr qui sera épique.

SD à Abidjan
sdebailly@yahoo.fr

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