Côte d’Ivoire: Pour Joël N’Guessan le PDCI doit « sortir de la cogestion du pouvoir » (INTERVIEW)

Edwige FIENDE

Joël N’Guessan, l’un des vice-présidents du Rassemblement des républicains (RDR, parti présidentiel) , a invité le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) « à sortir de la cogestion du pouvoir », après son retrait du RHDP, la coalition au pouvoir, déplorant « le manque de courage des ministres » de ce parti, dans une interview à Alerte Info.

Quel commentaire faites-vous du retrait du PDCI du RHDP ?

Le RHDP est une alliance conçue en 2005 et les initiateurs sont les présidents Henri Konan Bédié, Alassane Ouattara, Mabri Toisseuse et Anaky Kobéna. J’ai eu la chance de participer à la rédaction des textes et surtout d’assister à la signature de cette plateforme à Paris. Cette plateforme nous a permis non seulement de gagner toutes les élections, mais de gouverner.

Aujourd’hui, je pense que les Ivoiriens sont fiers de cette plateforme qui a permis de ramener la paix, d’éviter que notre pays tombe dans la guerre civile. Nous pensons que le RHDP a été une très bonne chose. Depuis le Golf hôtel, le président Henri Konan Bédié et Alassane Ouattara avaient convenu de créer un parti unifié. Après la sortie du Golf, il a été décidé de mettre en place un comité pour réfléchir sur le contenu à donner à ce parti unifié, donc un accord politique a été signé.

L’accord reprend le préambule de la plateforme RHDP de 2005. Le PDCI lors de son bureau politique a dit, on remet après les élections de 2020. C’est leur droit, on le leur concède. Cependant, ce que nous retenons, c’est qu’après leur bureau politique, au niveau du RDR et des autres partis membres du RHDP, on a décidé de créer selon notre calendrier le parti unifié. Et le président Bédié dit à partir du moment où on a créé cela, lui, il n’est plus dans l’accord politique. C’est en cela que j’estime qu’il aurait pu être beaucoup plus précis. Il aurait fallu qu’il ait le courage d’annoncer immédiatement que je ne fais plus partie du RHDP, il ne l’a pas dit. Ce qui fait qu’il y a une ambiguïté inutile.

Le PDCI avec les actes qu’il pose et les déclarations, prouvent qu’ils ne sont plus à l’intérieur du RHDP. Ils n’ont pas le courage de dire comme on n’est plus RHDP, nous ne participons plus à la cogestion de la Côte d’Ivoire, c’est ça qui est un peu gênant et c’est là aussi ce qu’on appelle le courage politique.

Des ministres reconduits dans ce gouvernement ont été exclus pour certains ou ne font plus partie du secrétariat exécutif du PDCI…

Nous sommes dans un système de cogestion, du pouvoir, on a des ambassadeurs, PCA, DG, ministres, présidents d’institutions qui sont du PDCI. A partir du moment où vous dites vous n’êtes plus du RHDP alors que nous sommes dans une cogestion du pouvoir d’Etat, il faut que ce soit suivi, c’est ce qu’on appelle le courage politique. Normalement un ministre PDCI qui dit, je ne suis plus RHDP sort de la cogestion RHDP. Mais, il faut qu’ils aient ce courage, ou ils attendent qu’on le leur dise ?. Je ne comprends pas ce manque de courage politique.

Etes-vous en train de dire que les ministres PDCI doivent démissionner ?

Il y a des conséquences immédiates. Quand votre parti vous dit vous ne cogérez plus, vous n’êtes plus dans le pouvoir RHDP, qu’est-ce que vous attendez encore ? Je parle de courage politique qui manque.

Nous sommes dans un pouvoir RHDP, nous cogérons la Côte d’Ivoire. Le jour une partie dit, je ne suis plus dans le RHDP, la conséquence logique qu’il faut tirer, c’est de sortir de la cogestion.

Bédié a dénoncé des irrégularités dans la mise en place de ce parti unifié…

Le président Bédié a été invité, mais il a dépêché des observateurs. Est-ce à dire que parce qu’il n’est pas venu donc on pas le droit de le faire. Non, il n’a pas ce pouvoir. C’est se donner un peu trop de prétention. Qu’est-ce qu’il appelle irrégularités ? Ce qu’il estime comme irrégularité ça, c’est à son niveau. Nous estimons qu’il n’y a pas eu d’irrégularités. Les choses se sont passées dans les normes, de manière réglementaire et selon la loi.

Comment qualifiez-vous le rapprochement entre le PDCI et le FPI ?

C’est leur droit. C’est le droit du PDCI de s’allier à qui il veut. Cependant, il faut leur faire remarquer que l’histoire récente de la Côte d’Ivoire a montré ce que le FPI nous a démontré. Une gestion calamiteuse, des milliers de morts. Si le PDCI estime que c’est en allant vers des personnes qui sont capables de créer des circonstances de milliers de morts qu’ils vont s’épanouir politiquement, c’est leur droit. J’estime que certaines personnes ont un peu perdu la boussole et ne se souviennent pas de ce que nous avons connu. Aller s’allier à des gens qui ont été à la base d’autant de malheurs. Je me pose la question de savoir s’ils savent où ils vont. Et puis le PDCI et le FPI dans une alliance franchement, c’est nuire à l’idéal de Félix Houphouët-Boigny puisque la philosophie de l’houphouetisme n’a rien avoir avec la philosophie du FPI.

Peuvent-ils gagner des élections ensemble ?

Si ce sont des élections locales, je peux vous dire que ce sont des élections qui font prévaloir l’équation personnelle des candidats, ce n’est pas une élection présidentielle où c’est un parti. Ce sont les équations personnelles. Si les gens gagnent les élections, ce n’est pas tellement à cause de leur parti, mais c’est à cause de leur équation personnelle. Gagner une élection locale n’est pas liée forcement au parti où au président du parti. C’est lié à ce que l’individu a posé comme acte pour que les populations puissent porter leur choix sur sa personne. Pour les élections locales, les gens gagneraient à penser à ce qu’ils sont au lieu de penser à ce que leur parti est. Ce ne sont pas les alliances qui font gagner.

Henri Konan Bédié s’est réservé le droit de promouvoir une plateforme de collaboration avec les Ivoiriens qui partagent sa vision d’une Côte d’Ivoire réconciliée.

Je ne crois pas que le président Bédié puisse prétendre que c’est lui qui va être la base de la réconciliation ivoirienne. Celui qui peut aider à la réconciliation ivoirienne, c’est Alassane Ouattara. Il a fait la démonstration en prenant l’ordonnance d’amnistie. J’estime que ce que le président Bédié et son équipe sont en train de préparer, c’est des slogans politiques. Dans le fond, regardez les Ivoiriens vivent. Depuis le 11 avril 2011, on ne peut pas me dire que les Ivoiriens ne sont pas réconciliés. On ne se regarde plus en chiens de faïence, nonobstant nos appartenances politiques.

A partir de cet instant, la réconciliation est effective. Le seul problème, c’est qu’il y a des leaders qui prennent en otage le peuple qui est déjà réconcilié. Celui qui prend le slogan de la réconciliation, j’estime qu’il n’a pas sa raison d’être sur le terrain politique. A peine on fini de faire l’amnistie, certains disent que pour que la réconciliation soit parfaite, il faut que les militaires qui ont tué soient amnistiés.

Il ne faut pas que les gens prennent le concept de la réconciliation comme un slogan politique, ce que les Ivoiriens leur demande, ils proposent quoi par rapport à ce que le président Ouattara a fait. On doit faire prévaloir le jeu démocratique tant mieux s’il n’y a pas d’alliance. C’est le peuple qui juge. Ceux qui perdent leur énergie dans la recherche d’alliance ou slogan politique, ce n’est pas ce que le peuple veut. Le peuple n’a rien à faire avec les stratégies, les ruses d’alliance.

Comment appréciez-vous cette amnistie ?

C’est une très bonne chose. Cela prouve que le président est à l’écoute des Ivoiriens. Et qu’il n’a pas envie que la Côte d’Ivoire soit divisée. Il n’était pas obligé, mais notre Constitution lui donne la possibilité de prendre une ordonnance d’amnistie, il en a usé. Notre souhait est que ceux qui ont bénéficié de cette amnistie aient le bon ton. Les propos belliqueux, comme ceux que Lida Kouassi a prononcés, des propos visant à diviser les Ivoiriens, on en veut plus. Il faut qu’il le comprenne. Il faut qu’il comprenne que c’est parce que le président tient à ce qu’il y ait une cohésion sociale, le vivre ensemble bien développé qu’il a pris cette loi.

Pour nous, c’est quelque chose que nous apprécions à sa juste valeur. Je me pose la question de savoir si ceux qui ont bénéficié de cela auront suffisamment de sagesse pour comprendre la profondeur et la portée de cette ordonnance. J’en doute. Quand j’entends certaines déclarations, des individus qui sortent à peine de prison qui comme s’ils n’ont rien fait, que notre justice a été une justice qui les a condamnés inutilement et qui reprennent les mêmes slogans qui nous ont amenés dans la guerre. On ne pourra pas tolérer cela.

On assiste à une vague de visites chez Mme Gbagbo, est-ce que vous comptez aller la voir ?

C’est un acte de solidarité, j’apprécié cela. Ca veut dire qu’elle est dans le cœur de certains Ivoiriens qui vont lui rendre visite. Il faut que les gens continuent de lui marquer de l’affection. Mais il faut qu’elle comprenne que ce n’est pas l’occasion de se replonger dans les comportements et décisions et propos qui ont été tenus par le passé.

Est-ce que vous comptez aller lui rendre visite ?

Si l’occasion m’est donnée surtout que mon neveu Stéphane a épousé sa fille. Je veux lui laisser le temps de passer cette étape et puis j’observe. Le moment venu, les retrouvailles vont se faire.

L’Union des Soroistes (UDS), un mouvement politique proche de Guillaume Soro, a proposé la candidature du président de l’Assemblée nationale à la présidentielle de 2020…

Qu’est-ce que Guillaume Soro lui-même en dit ? Il ne s’est pas encore prononcé. Moi, j’attends qu’il se prononce. Le président Ouattara l’a dit, que tout le monde soit candidat. M. Soro fait partie de tout le monde. Ce n’est pas parce que des supporters de quelqu’un ont proposé sa candidature qu’on va prendre cela comme quelque chose qui va orienter la vie la politique, Ce ne sont que des supputations, je n’ai vu personne se déclarer officiellement. Nous sommes à deux ans. Mon souhait est que tout ceux qui ont des prétentions pour 2020 se déclarent et aillent à la conquête des électeurs.

EFI

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