Fraude présumée à l’enrôlement électoral en Côte-d’Ivoire: Akossi Bendjo derrière la sortie de Me N’dri Claver ?

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Par Connectionivoirienne

Voici sa lettre de dénonciation au procureur général

Maître N’dri Claver, plus connu sous l’appellation de ‘’l’Avocat de Blé Goudé’’ a fait une sortie musclée lundi, avec le ton qu’on lui connait au prétoire de la Cpi contre ce qu’il a qualifié de ‘’graves irrégularités observées lors de la révision de la liste électorale de 2016.’

L’avocat s’est posé beaucoup de questions laissant le soin au procureur général de s’autosaisir pour diligenter une enquête qui pourra éclairer tout le monde.

Mais à la question de savoir qui a saisi l’avocat de ces irrégularités, Me N’dri a simplement répondu : « C’est moi qui dénonce. Il n’est pas question de qui m’a saisi ». Mais il serait facile de se contenter de cette réponse. Qui a intérêt à ce que les auteurs des irrégularités dans le cas de la commune du Plateau soient cloués au pilori sur la place publique. Depuis maintenant deux ans voire trois, le maire Akossi Bendjo est en lutte avec de précieux prétendants au juteux fauteuil de maire du Plateau. Ces challengers sont connus de tous : Fabrice Sawegnon et Ouattara Dramane dit OD pour ne citer que ces deux. Ils jouissent d’une réputation telle que la menace qu’ils représentent est prise au sérieux par l’équipe sortante. Le camp Bendjo qui ne veut pas se laisser avoir ne lésine pas sur les moyens pour mener la contre-offensive contre ces deux ténors.

La récente révision de la liste électorale avec ses soupçons de fraudes qu’ont déjà ébruité le confrère ‘’l’Eléphant déchaîné’’, se présente comme du pain béni. Dans sa publication dès la fin des opérations d’enrôlement, le confrère a rapporté des propos tenus par un cadre du Pdci-Rda, proche de Bendjo, lors d’une conférence de presse. Il mettait gravement en cause les candidats déclarés Fabrice Sawegnon et OD d’être derrière une opération d’enrôlement parallèle chacun en ce qui le concerne et respectivement à Treichville et à Abobo Akéikoi. Mieux, dans cette affaire, François Adiko, ‘’monsieur élection’’ du Pdci-Rda a déjà saisi la Cei à l’effet de prendre une décision contre les nombreuses irrégularités constatées après enquête interne.
Leurs dénonciations sont restées jusque-là sans suite jusqu’à ce que Me N’dri entre en scène. A sa conférence étaient présents des militants du Cojep, le parti de Blé Goudé mais également un photographe proche d’Akossi Bendjo.

SD à Abidjan
sdebailly@yahoo.fr

A Monsieur le Procureur Général,

Près la Cour d’Appel d’Abidjan

(République de Côte d’Ivoire)

Monsieur le Procureur Général,

Nous avons l’honneur de vous adresser cette lettre à l’effet de vous dénoncer un certain nombre de faits susceptibles de tomber sous le coup de la loi pénale et qui se sont déroulés lors des récentes opérations de révision de la liste électoralequi ont eu lieu du 18 au 24 du mois de Juin de l’an 2018.

Les faits tels que documentés étant de nature à jeter un véritable discrédit sur la Commission Electorale Indépendante, il nous est apparu urgent que vous soyez saisi de la question afin de mener des enquêtes pour que les éventuels contrevenants à la loi répondent de leurs actes devant les juridictions de la République de Côte d’Ivoire.

Pour vous permettre d’apprécier les faits portés à votre connaissance dans la juste mesure de leur gravité comme nous les jugeons et pour vous permettre de diligenter une enquête, nous nous proposons dans un premier temps de vous relater les faits qui sont à l’origine de notre lettre (I), et dans un second temps de vous exposer notre analyse juridique de la situation (II).

I- DES FAITS A L’ORIGINE DE NOTRE DENONCIATION

A) L’appel à la révision

Pour appliquer l’article 6 de la loi N° 2000-514 du 1er Août 2000 portant Code électoral, la CEI a lancé des opérations qui se sont déroulées du 18 au 24 du mois de Juin de l’an 2018 afin de mettre à jour la liste électorale de 2016.

La révision de cette liste devait se faire en tenant compte des mutations intervenues dans le corps électoral soit par l’inscription de nouveaux électeurs soit par les modifications intervenues dans les données personnelles des anciens inscrits (changement de domicile ou de résidence, femmes nouvellement mariées, électeurs ayant perdu leur droit de vote ou décédés).

Plus particulièrement, pour les personnes qui devaient changer de bureau de vote, il leur était demandé de se rendre sur leur nouveau lieu de vote pour y accomplir les formalités d’actualisation de leurs données personnelles auprès des agents de la CEI présents dans les différents centres.

Cela se ramenait concrètement à se rendre par exemple à Koumassi pour s’y enrôler si cette commune devait être le nouveau bureau de vote d’un électeur.

B) Les constatations faites lors des enrôlements

Lors des opérations, UN AUTRE MODE OPERATOIRE va avoir cours dans certains centres d’enrôlement.

Pour éviter toutes spéculations, nous versons à l’appui de notre dénonciation, deux procès-verbaux dressés par des huissiers de Justice qui se sont rendus sur des sites pour y effectuer des constatations relativement à des soupçons de fraudes. Il s’agit de constats effectués dans les communes de Treichville, de Bingerville et d’Abobo

La lecture des constatations faites par les huissiers laisse place à l’hypothèse que les recensements sur les listes notamment du Plateau ont pu être obtenus de façon frauduleuse.

Les auditions des témoins reproduites dans les procès-verbaux, notamment dans celui qui est relatif au centre d’enrôlement établi au sein de « L’école des petits » situé dans la commune de Treichville, nous situent davantage sur la gravité des faits que nous vous dénonçons:

« AUDITIONS DES TEMOINS

…Nous avons également interrogé un autre requérant à l’enrôlement répondant au nom de monsieur EXPURGE (numéro de téléphone : EXPURGE), voici ses dires : « Je suis un habitant de la commune de Yopougon ; nous avons été contactés par une dame proche d’un candidat aux élections municipales de la commune du Plateau EXPURGE, pour nous enrôler dans ce centre sur la liste électorale du Plateau ; Je suis venu en compagnie de sept personnes pour l’enrôlement sur cette liste ; Je compte faire venir plusieurs électeurs de Yopougon pour leur enrôlement dans ce centre »

Pièce N°1 : Procès-verbal de constat de fraude sur les fichesd’enrôlement

L’huissier a joint à la suite de cette affirmation, les photocopies des récépissés d’électeurs qui, bien que n’ayant pas effectué leur recensement au Plateau, sont programmés pour accomplir leur devoir civique dans un bureau de cette commune.

Pièce numéro 2 : Récépissés de recensement des électeurs

Vous constaterez, monsieur le Procureur Général, que sur ces récépissés, les lieux de bureaux de vote sont situés dans la commune du Plateau alors que les recensements ont eu lieu à Treichville.

Un cas isolé ne pouvant faire école, nous vous reproduisons d’autres constatations faites par l’huissier dans un centre situé dans la commune d’Abobo, plus précisément à AKEHIKOI.

« CONSTATATIONS

Que là, j’ai noté la présence de plusieurs jeunes venus, depuis huit heures (08 h), heures d’ouverture du bureau d’enrôlement, se faire enrôler aux fins de participation aux prochaines élections ;

Que retranché devant un bâtiment, j’observais les entrées et sorties des citoyens du bureau d’enrôlement, lequel est placé sous la direction de monsieur N’Guessan Frédéric, le coordonnateur ;

Qu’après quelques temps, je me suis rapproché de deux candidats à l’enrôlement, tenant leurs récépissés d’enrôlement en main, avec lesquels j’ai engagé quelques échanges ;

Qu’il s’agit bel et bien des dénommés : EXPURGE et EXPURGE ;

Qu’aux termes desdits échanges, il est constant que ceux-ci sont, en principe censés se faire enrôler dans l’un des centres susvisés de la commune du Plateau ;

Que pour m’en convaincre, j’ai sollicité et obtenu de ces derniers la production de leurs récépissés d’enrôlement ;

(cf pièce n°1 : voir photo)

Que sur lesdits récépissés d’enrôlement, j’ai pu noter ce qui suit :

– Relativement à mademoiselle EXPURGE, née le EXPURGE est électrice à Abidjan-Plateau, dans le centre de l’EPP RAN, recensée sous le numéro 022 002 001 018 ; cependant, elle a été enrôlée dans le centre d’Abobo-Akéhikoi ;

– Relativement à monsieur EXPURGE, né le EXPURGE est requérant aux fins d’inscription sur le listing de la commune du Plateau, dans le centre de l’EPP RAN, recensé sous le numéro 022 002 001 018, a été frauduleusement recensé dans le centre d’Abobo-Akéhikoi ;

– Qu’en outre, on peut observer que sur les récépissés, sont mentionnés le numéro du centre d’enrôlement qui correspond à l’EPP Akéhikoi et le lieu de vote correspondant à l’EPP RAN-Plateau ;

Que par la suite aux environs de 14 heures, j’ai investi le bureau d’enrôlement aux fins de procéder également à mon enrôlement, à l’image des susnommés ;

Qu’en réplique à ma requête, il me sera déclaré ce qui suit :

« Je suis monsieur N’GUESSAN FREDERIC, coordonnateur de ce centre d’enrôlement ; Dès ce moment, le centre est fermé pour la simple raison que depuis le lundi, beaucoup de personnes censées se faire enrôler dans les centres du Plateau, sont venues le faire ici ;

Et informé de cet état de fait, le commissaire responsable de ce centre d’enrôlement m’a demandé de faire arrêter le processus ; en conséquence, nous ne pourrons pas procéder à votre enrôlement… »

Pièce numéro 3 : Procès-verbal de constat concernant AKEHIKOI

Tels sont brièvement résumés les faits à l’origine de notre dénonciation. Nous vous présentons notre analyse juridique, qui de notre point de vue, devrait vous amener à diligenter une enquête pour que toute la lumière soit faite sur cette affaire qui entache la crédibilité de l’organe chargé d’organiser les élections dans notre pays.

II- NOTRE ANALYSE JURIDIQUE PORTANT SUR CES FAITS

Les faits tels que ci-avant rappelés provoquent de notre part la présente analyse.

A) Conditions pour une inscription sur une liste électorale d’une circonscription électorale

Selon l’article 09 Nouveau de la loi numéro 2015-216 du 02 Avril 2015 : « Tout Ivoirien remplissant les conditions pour être électeur peut s’inscrire sur la liste électorale de la circonscription électorale de son choix à condition d’y avoir son domicile ou sa résidence ou des intérêts économiques ou sociaux ».

Tel est le contenu de la disposition légale qui encadre les inscriptions des électeurs sur une liste électorale.

Ainsi, pour qu’une personne puisse voter dans un bureau de vote relevant d’une commune donnée, il lui faudrait au moins remplir l’une des conditions suivantes :

– Y avoir son domicile ou une résidence ;

– Y posséder un intérêt économique ou social.

C’est pour permettre aux agents de la CEI de vérifier cette condition de l’existence d’un lien de rattachement entre que les électeurs et la circonscription de vote que les requérants sont tenus de remplir un formulaire renseignant au moins sur leurs nom et prénoms, leurs date et lieu de naissance, leur profession, leur domicile, les noms et prénoms, date et lieu de naissance de leurs père et mère.

De par la loi, il est clair qu’une inscription sur la liste électorale d’une commune n’est pas sans condition car un lien de rattachement minimum doit être remplie et les agents de la CEI chargés de l’enrôlement le savent.

Alors, la question que nous soulevons à ce stade est celle-ci ? Comment pouvons-nous expliquer ces irrégularités constatées dans le déroulement des opérations telles que nous les avons ci-avant exposées ? Comment est-ce que des agents de la CEI, intervenant hors du territoire du Plateau ont-ils pu recenser des électeurs en vuede les faire inscrire sur la liste électorale de cette commune ? S’agit-il d’une intention frauduleuse de ces agents ? Ou est-ce le résultat de leur mauvaise formation ? Comment est-ce que cela a été rendu possible avec les machines-valises ? Ne sont-elles pas paramétrées pour éviter de telles irrégularités ?

Une autre hypothèse à ne pas exclure : les agents de la CEI ont-ils été trompés par des requérants à partir de « faux intellectuel » porté sur les formulaires et visant à se voir octroyer le droit de figurer sur la liste électorale du Plateau alors qu’ils n’y ont aucun lien de rattachement ?

S’il y a un délit ou une tentative, à qui profite-t-il ?

Monsieur le Procureur Général, nous n’allons rien vous rappeler. Vous êtes chargé de veiller à l’application de la loi pénale. Celle-ci a prévu de réprimer les crimes et délits relatifs à l’exercice des droits civiques. Ainsi, l’article 206 du Code Pénal prévoit-il qu’« Est puni de la détention d’un mois à un an, et d’une amende de 30 000 à 300 000 francs, quiconque, en utilisant des faux noms, des fausses qualités, des fausses déclarations, des faux certificats ou en dissimulant une incapacité électorale :

– Se fait inscrire sur une liste électorale ;

– Obtient une inscription sur plusieurs listes ;

– Fait inscrire ou rayer indûment un électeur d’une liste électorale.

Celui qui vote soit en vertu d’une inscription obtenue dans les cas visés ci-dessus, soit en prenant faussement les noms et qualités d’un électeur inscrit, est puni de la détention de six mois à deux ans et d’une amende de 70 000 à 700 000 francs.

Est puni de la même peine tout électeur qui profite d’une inscription multiple pour voter plus d’une fois ».

Relativement aux faits qui vous ont été dénoncés, y-a-t-il eu une infraction à la loi pénale ? Les graves irrégularités observées sont-elles le fait d’une mauvaise formation des agents de l’organe chargé d’organiser les élections dans notre pays ?

Il me semble qu’il vous revient de mener des enquêtes. Les constatations faites par les huissiers et qui sont contenues dans les procès-verbaux annexés à notre lettre de dénonciation sont pour nous suffisamment graves pour rester sans suite.

Nous achevons notre lettre en insistant sur un fait. Notre action n’a absolument rien de politique. Mais, il nous semble que dans un pays qui veut véritablement prendre son rendez-vous avec le développement, la force doit rester à la loi. Nous avons fait notre part en mettant à votre disposition des documents constatant des actes susceptibles de tomber sous le coup de la loi pénale.

Dans l’attente de la réponse que vous réserverez à notre dénonciation.

Veuillez, agréer monsieur le Procureur Général, l’expression de mes salutations distinguées.

Pièces Jointes :

– Copies de 2 Pv de constatations des irrégularités

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