Le pays par Hamadou GADIAGA
Pour la troisième fois depuis 2016, Ouagadougou a été visée par des attaques terroristes, avec un mode opératoire nouveau et des cibles stratégiques comme l’état-major général des armées (EMGA) et l’Ambassade de France. On croyait avoir vu le pire avec les attentats de janvier 2016 et d’août 2017, mais, de toute évidence, ce n’était qu’un galop d’essai pour ces forces obscures qui ont désormais le Burkina Faso dans leur viseur, et qui disposent d’une impressionnante logistique, d’un haut degré d’organisation et probablement de complicités dans notre appareil sécuritaire. Au-delà des condamnations et des trémolos suscités par la tragédie du 2 mars 2018, nous devons nous dessiller désormais les yeux et prendre conscience de la gravité du péril terroriste qui nous guette, d’autant qu’il associe manifestement des nationaux et des étrangers, dans le but de faire le maximum de dégâts possibles sur notre territoire. La manière la plus simple de faire face à cette guerre asymétrique et protéiforme est de sonner le rassemblement et d’appeler à l’union sacrée de tous nos compatriotes qui ont encore le patriotisme chevillé au corps, pour espérer sauver notre maison commune, malgré la modicité de nos moyens matériels et financiers, et malgré notre système de renseignement plus que lacunaire. La situation sécuritaire est si grave que même pour le pouvoir en place, l’objectif primordial ne devrait plus être de gagner les élections en 2020, mais plutôt de sortir le Burkina Faso de l’oil du cyclone dans lequel des ennemis intérieurs et extérieurs veulent absolument le garder. Pour ce faire, il ne faudrait pas qu’on tombe de Charybde en Scylla en pensant qu’en marginalisant certains groupes sociopolitiques a priori hostiles, on se frayerait un passage dégagé pour les échéances électorales à venir, tout comme il ne faudrait pas abandonner certaines zones entières du pays à elles-mêmes, comme ce à quoi on assiste dans certaines parties du Sahel et du Lorum, avec la désertion pour raison de sécurité de beaucoup d’enseignants, sans que l’Etat burkinabè ne s’en « émeuve » outre mesure.
Il nous faut rester unis et faire preuve d’une extrême vigilance
C’est connu, l’idéologie, fût-elle islamiste, restera dans les livres ou dans les limbes tant qu’elle n’aura pas le terreau fertile de la révolte sociale pour prospérer. Il ne faudrait donc pas que l’Etat crée les conditions où se développent des sentiments de frustrations, d’abandon ou de désespoir de certains de nos compatriotes qui pourraient les précipiter dans les bras du crime organisé et des vendeurs d’illusions de tous genres. On ne le répètera jamais assez, l’Etat doit éviter de céder le moindre centimètre du territoire à l’ennemi et il est de son devoir régalien de rassurer et de protéger les Burkinabè afin de transformer chacun d’eux en un potentiel agent de renseignement, éminemment utile pour nos Forces de défense et de sécurité (FDS) qui se battent héroïquement contre des ennemis quasiment invisibles. Ces pistes de solutions endogènes à la zizanie obscurantiste qui a cours au Sahel, doivent être d’autant plus explorées qu’il semblerait que les attentats du vendredi dernier ont été perpétrées majoritairement pas des Burkinabè en rupture de ban avec la République, même s’ils ont été revendiqués par Iyad Ag Ghali et ses comparses du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM). L’attaque de l’état-major général des armées, menée par des porteurs d’uniforme de l’armée burkinabè avec un véhicule bourré d’explosifs, a été visiblement préparée et rondement exécutée par des artificiers professionnels qui seraient issus soit des rangs des soldats radiés en 2011 pour fait de mutinerie, soit de l’ex-Régiment de sécurité présidentielle/RSP démantelé au lendemain de l’échec du coup d’Etat de septembre 2015. Même s’il faut prendre cette information avec une certaine distance, on ne peut pas totalement écarter l’hypothèse de la collusion entre certains militaires burkinabè en activité ou non, avec des cellules dormantes ou opérationnelles des mouvements djihadistes dans notre pays. Certains y ont vu la main des dirigeants de l’ex- régime, en raison de sa proximité ou de sa connivence avec celui-là même qui a revendiqué les attentats. D’autres croient dur comme fer que ces attaques simultanées ont un lien direct avec l’opérationnalisation en cours de la force conjointe du G5 Sahel, et l’objectif affiché était de décapiter l’armée burkinabè en visant précisément la salle qui devait abriter la rencontre des hauts gradés, dans le cadre de la mise en route du contingent burkinabè. Des hypothèses beaucoup plus fantaisistes sont également émises pour justifier ces attaques au mode opératoire aussi audacieux qu’inhabituel, comme par exemple le désir de vengeance mal contenu des partisans encore en liberté du Général putschiste Gilbert Diendéré, qui se seraient préparés pour pulvériser le tribunal militaire situé à quelques mètres de l’EMGA afin d’empêcher le procès de leur mentor d’y avoir lieu, et qui auraient finalement jeté leur dévolu sur l’institution militaire suite à la délocalisation du procès à Ouaga 2000.
Quoi qu’il en soit, le mal est déjà fait, et il appartient aux enquêteurs et à la Justice de dire qui a fait quoi, sur ordre de qui et pourquoi, dans ces attentats qui ont tout l’air d’une « quenelle » ou d’un pied de nez interpellateur à nos FDS, et notamment nos services de renseignement. En tous les cas, les kamikazes et autres barbouzes qui n’ont apparemment pas tous été neutralisés, puisqu’un autre groupe de trois individus aurait tenté, tard dans la nuit du samedi au dimanche, de franchir le poste avancé de la garde présidentielle, à quelques centaines de mètres du palais de Kosyam, avant d’être intercepté par les soldats en faction. Deux d’entre eux se seraient évanouis dans la nature, profitant sans doute de la pénombre, et le troisième aurait eu moins de chance en tentant de s’échapper après son arrestation, puisqu’il a été liquidé au même titre que 8 autres assaillants, à l’Ambassade de France et dans l’enceinte de l’Etat-major général des armées, le 2 mars dernier. Huit militaires et gendarmes burkinabè ont également péri dans les attentats, mais le bilan aurait pu être plus dramatique si nos forces spéciales n’avaient pas fait preuve de réactivité, de courage et de professionnalisme dans leur intervention. Chapeau bas donc à tous ces dignes fils de la Nation qui ne reculent devant rien pour sauver leurs compatriotes, malgré l’insuffisance de moyens et la cruauté de l’ennemi d’en face. Ils sont un motif de fierté pour le Burkina. Cela dit, les autorités devraient tirer leçon des derniers événements en délocalisant par exemple les casernes et les institutions militaires de nos centres-villes embouteillés vers la périphérie. « Mieux vaut prévenir que guérir », dit-on, et ce proverbe ne nous sera jamais aussi utile que dans le contexte actuel où notre pays est dans la ligne de mire des terroristes de tous poils, qui veulent mettre en application la maxime de Napoléon Bonaparte selon laquelle « la meilleure défense, c’est l’attaque ». Et plus ils se sentiront traqués et menacés dans leur existence, plus les apologistes du crime organisé vont sortir du bois pour se lancer dans des actions désespérées en espérant semer le doute et la peur dans nos rangs et retourner ainsi la donne à leur avantage. Il nous faut donc rester unis et faire preuve d’une extrême vigilance car, dans cette paranoïa ambiante, on peut facilement se tromper d’adversaire ; ce qui ne ferait que compliquer davantage notre marche vers le bout du tunnel.
Hamadou GADIAGA
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