Intégration monétaire de la Cedeao: Le Nigeria appelle à la prudence

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Loin des annonces vuvuzela et creuses des pays de la zone cfa, le Nigeria pointe du doigt les défaillances et manquements qui font que l’intégration monétaire est très loin de devenir une réalité en Afrique de l’ouest.

Chijoke Nelson | The Guardian | 22 février 2018

Le président du Nigeria, Muhammadu Buhari, a mis en garde les pays membres de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) contre le passage à l’intégration monétaire prévue dans la sous-région d’ici 2020.

M. Buhari, qui était représenté par le gouverneur de la Banque centrale du Nigéria (Bcn), Godwin Emefiele, a lancé cet avertissement mardi lors de la cinquième réunion du Groupe de travail présidentiel sur le programme monétaire de la Cedeao à Accra, au Ghana.

Il a noté que les chefs de gouvernement n’avaient pas correctement articulé et analysé l’état de préparation de chaque pays pour l’intégration monétaire d’ici 2020.

Il a réitéré que la non-préparation de certains pays membres, ainsi que la tentative d’édulcorer les critères et les disparités persistantes entre les conditions macroéconomiques des pays de la Cedeao, continuaient d’être des sujets de préoccupation majeure que les membres devaient examiner pour progresser.

Le président a en outre fait observer que les chefs de gouvernement de la Cedeao n’avaient pas été suffisamment informés sur toutes les implications de l’intégration à l’horizon 2020, en particulier concernant certains pays qui ne sont pas prêts individuellement au niveau national.

Tout en soulignant qu’il restait des questions en suspens dans la feuille de route d’une union monétaire intégrée, il a noté que les fondements macro-économiques de nombreux pays de la Cedeao étaient disparates et incertains.

Selon lui, le régime de ciblage de l’inflation recommandé comme cadre n’est pas viable, car il repose sur l’adoption d’un régime de taux de change flexible alors que la convergence réelle est loin d’être réalisée, malgré les efforts déployés jusqu’à présent.

M. Buhari a donc appelé à impulser la ratification et l’intégration, au niveau national, des instruments juridiques et des protocoles connexes, ainsi qu’à l’harmonisation de toutes les politiques fiscales, commerciales et monétaires et des systèmes statistiques, afin de limiter l’ampleur des divergences politiques actuelles.

Il a également conseillé aux pays de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa) de présenter une feuille de route claire sur leur déconnexion du trésor français.

Par ailleurs, le président a appelé à un réexamen de l’approche accélérée de l’intégration monétaire et de l’harmonisation des plans des membres de la Cedeao avec celui du Programme de convergence monétaire de l’Union africaine, qui préconisait un objectif de convergence en 2034 pour la création des Banques centrales régionales dans toutes les sous-régions du continent.

Le dirigeant nigérian a également profité de l’occasion de la réunion pour appeler à la création d’un médiateur ayant le pouvoir d’imposer des sanctions lorsque les pays membres violent les normes, protocoles et critères de convergence convenus.

De même, le président a appelé à la transformation de l’Institut monétaire ouest-africain (Imao) en une Commission de la zone monétaire de l’Afrique de l’Ouest, équivalente à la commission de l’Uemoa.

Il a souligné que sa proposition de fusionner l’Imao et l’Agence monétaire ouest africaine (Amao) de la Commission de la Cedeao, en un Institut monétaire de la Cedeao serait décisif pour réaliser l’union monétaire dans la sous-région ouest-africaine.

Pour rappel, ici la vidéo du Professeur Mamadou Koulibaly (LIDER) qui, déjà en août 2017, soulignait exactement les mêmes manquements que le président Buhari aujourd’hui.

Traduit de l’Anglais par Lider News 

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2 réflexions au sujet de “Intégration monétaire de la Cedeao: Le Nigeria appelle à la prudence”

  1. En profane je me suis toujours posée cette question: pourquoi le premier pays économique de notre zone n est pas la locomotive visible de cette monnaie unique? Et question subsidiaire comment ils feront avec les pays du fca amarrés au trésor français?

    Ce texte est révélateur.

    Question cachée: comment ils vont appeler les pays qui ont tous les types d exécutifs (président vice président et premier ministre) sans qu’ on en voit l utilité autre que satisfaire une coalition qui se croit encore au parti unique aux frais du contribuable?
    On remarquera que malgré ce pléthore d institutions en côte d ivoire pour dit on la stabilité pour les investisseurs (sénat a venir parlement cei…) l opposition est toujours laissée au bord de la route !

  2. Enfin du réalisme dans cette affaire de monnaie CEDEAO, il était grand temps ! Quand je mesure le chemin fait en Europe avec les critères de convergence et autres conditionnalités avant d’y arriver, il était clair que ce nouveau serpent des mers courrait tout droit à l’échec, au grand plaisir des marionnettes locales. L’initiative est belle, mais « doucement, on est pressés ». Que deviennent les réserves de certains pays déposés au Trésor français ? Et surtout, comment ne pas s’inquiéter de voir subitement adhérer au projet des chefs d’Etat, gardes-chiourmes des intérêts français qui se sont pourtant très récemment fendus de déclarations sur la qualité et l’importance du FCFA ? Leur adhésion (curieuse) à la question de la nouvelle monnaie ne serait-elle pas une stratégie de Troie pour faire achopper le projet ? Afin de pouvoir s’écrier demain « on vous l’avait bien dit, nous ne sommes pas prêts à gérer nous-même une monnaie » ? A mon avis, il y a manifestement des ennemis de l’intérieur, aux ordres de la voix de leur maître.

    Autant de questions qui appellent à la prudence, à la vigilance. Cela fait plus de 60 ans que nous avons une monnaie de singe, on peut encore patienter 5 ou 10 petites années pour aller vers du concret et du solide, loin de l’euphorie que le projet suscite. Petite suggestion : la nouvelle monnaie ne doit pas obligatoirement être étendue à tous les pays de la zone, mais à ceux respectant des critères de convergence. A charge progressivement pour les autres de rejoindre le navire.

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