Et si les juges étaient élus par le peuple en Côte-d’ivoire pour que le pouvoir judiciaire ne soit plus inféodé

Il est fort regrettable (ce mot est faible), alors qu’on continue de rabâcher ce sacro-saint principe de la séparation des pouvoirs, que l’on continue d’accepter et de constater que le pouvoir judiciaire de ce pays est foncièrement inféodé à l’exécutif. Il est indéniablement acquis que le pouvoir judiciaire de ce pays, et c’est un secret de polichinelle, est une espèce de pouvoir fantoche qui reçoit injonctions et instructions de l’exécutif. L’on reproche à notre système judiciaire de prononcer des verdicts politiquement influencés ou assistés. Et si ce n’était que ça le mal reproché à la justice ivoirienne, on aurait peut-être pu s’en accommoder car l’exécutif n’intervient, en général, que lors des grands procès où il y a un coup politique à jouer. Mais la chose la plus grave qui est reprochée c’est que lorsque l’exécutif ne rôde pas dans les cours d’assises, d’appels et/ou de cassation, c’est la corruption qui prend le relai. Il est dit, en effet, que l’on peut obtenir les faveurs du système judiciaire en mettant les mains à la poche. Tous ces constats jettent un coup de souillure sur les belles toges de nos magistrats. Avouons que tout ceci ne contribue pas à peindre un portrait reluisant de notre justice, une justice sur laquelle seuls l’exécutif et les plus nantis peuvent donc compter pour parvenir à leurs fins.

Que l’on évolue dans les sphères physiques ou métaphysiques, il est acquis que toute entité ne saurait se mettre au-dessus ou même se considérer l’égal d’une autre entité qui lui a attribué son pouvoir. Ainsi celui qui a acquis le pouvoir de disparaître à volonté après avoir consulté un marabout ne saurait prétendre être aussi doué que ce dernier dans cet exercice, encore moins qu’il ne pourrait oser ne pas respecter les injonctions et instructions du marabout pour garder ce pouvoir. Si donc le marabout lui a dit : « pour maintenir ton pouvoir de disparaître, de l’eau ne devra pas toucher ton corps à partir d’aujourd’hui». Il est clair que notre homme, s’il veut garder ce pouvoir, devra éviter de se laver ou même de sortir sous la pluie. Il va de même pour le juge nommé par l’exécutif. C’est aussi simple que cela. Un pouvoir acquis, s’acquiert toujours avec des prescriptions et des injonctions.

Si nos juges sont aussi soumis à l’exécutif, c’est parce ce qu’ils sont nommés par l’exécutif. Toute spéculation mise à part, il n’y a absolument pas de différence pragmatique entre un préfet qui reçoit ses ordres de l’exécutif et un juge. Les deux sont nommés et inféodé, il ne faut pas se voiler la face. En plus des juges, et selon les articles 263 et 264 de notre code de procédure pénale, même les jurés d’assises sont encore choisis par l’exécutif. On nous dit que les préfets dressent des listes de jurés qu’ils soumettent aux procureurs qui les soumettent eux même au Garde des sceaux (ministre de la justice) qui arrête une liste définitive des jurés devant siéger aux audiences des cours d’assises. Du préfet au ministre de la justice, on remarque, ici, l’omniprésence de l’exécutif dans le choix de simples jurés qui doivent siéger près les cours d’assises. Cela veut dire que dans une simple cour d’assise, la quasi-totalité des membres sont désignés par l’exécutif. Comment s’étonner donc du rôle prépondérant de l’exécutif sur ce qui aurait dû ou pu être le pouvoir judiciaire en Côte d’ivoire. Ailleurs (en France par exemple), les jurés sont tirés au sort sur les listes électorales des différentes circonscriptions. Il est vraiment curieux que notre système en soit encore à utiliser les archaïsmes juridiques de 1969.

Pour libérer le pouvoir judiciaire du pouvoir exécutif et de celui de l’argent, nous préconisons que les juges et les jurés d’assises soient élus par le peuple. Cela se fait dans certains pays comme la Suisse et dans quelques Etats des États-Unis et ça marche. Les représentants du système judiciaire élus par le peuple savent que le peuple est leur seul patron et qu’ils ont le devoir de bien faire pour que le peuple leur réitère sa confiance. Cependant, il faut s’arranger à éviter que des appareils politiques classiques ne récupèrent ces élections judiciaires comme on le constate dans certains pays où les juges sont élus par le peuple. Sinon on revient à case départ. Le juge candidat doit être indépendant et n’obtenir aucun financement d’un appareil politique quelconque pour sa campagne.

 

Article d’opinion signé Fran

 

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6 réflexions au sujet de “Et si les juges étaient élus par le peuple en Côte-d’ivoire pour que le pouvoir judiciaire ne soit plus inféodé”

  1. Tu vis sur une autre planète je crois. La planete terre n’est pas le royaume de Dieu oú son peuple élit toutes les composantes des organes dirigeantes.
    Je dis cela parce que les soi-disant Dieux Chretiens et Musulmans sont humains comme nous

  2. srika blah,

    En tant que rédacteur de cet article, je puis t’assurer que cela se passe ailleurs dans des pays qui sont bien sur cette planète terre. Et ils sont, du reste, très nombreux à le faire. Comme je l’ai mentionné dans cet article, l’exemple Suisse marche même très bien. Dans certains cantons suisses comme le canton de Genève par exemple, on a des juges élus par le peuple. Tout est une affaire de volonté, d’adaptation et d’action.

  3. L’inféodation du pouvoir judiciaire au pouvoir exécutif est totalement aberrant dans un Etat de droit, on est tous d’accord sur ce point.

    Cependant pour le cas spécifique de la Cote d’Ivoire, à mon humble avis faire élire les juges par le Peuple ne réglera pas la question. Il y a déjà des politiques qui sont élus et on voit bien qu’ils ne sont pas du tout à la hauteur des attentes du Peuple.
    Les juges élus se serviront de leur mandat comme levier pour se faire encore plus de sous notamment auprès de l’exécutif parce qu’ils auront maintenant le pouvoir de faire et de défaire les carrières politiques.

    Le vrai problème qu’on a dans ce pays c’est qu’à tous les niveaux les gens voient les choses à travers le prisme de l’argent. Il est donc extrêmement difficile de trouver des personnes intègres qui croient en l’intérêt général et non seulement à leur intérêt personnel et égoïste.

  4. Je suis partisane qu’ on essaie. Ça ne sera pas pire que ce qu’ on vit et au moins on aura essayé.

    En pratique le plus grand écueil réside dans le dernier paragraphe de l article.

    Dans un pays où le vote est tribal est ce que un Dioula ou un baoule votera pour un bete face à son frère baoule ou Dioula?

    Et vice versa?

    Les suisses que j ai vu la ont dépassé le vote ethnique, est ce le cas chez nous?

    Rien qu’ à lire nos bonabos locaux on en doute.

  5. Élire les juges fera naitre une autre genre de problèmes tout autant nuisibles !!

    Pop !!

  6. Marty Summer facebook, je ne demande pas de choisir quelqu’un qui n’a aucune formation juridique. Non et non, c’est bien-sûr dans le collège juridique, c’est à dire les professionnels de la justice que le choix sera fait. C’est ainsi que cela se passe ailleurs. Personne ne peut quand même choisir quelqu’un qui n’a aucune formation pour occuper un tel poste. Comment va-t-il faire pour dire correctement le droit ? Je pense que vous n’avez pas compris cet article.

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