Retour sur cinq verdicts controversés de la justice en Côte-d’Ivoire, après l’affaire Oulaye

Par André Silver Konan

La condamnation d’Hubert Oulaye, mardi 26 décembre, a fait resurgir les polémiques autour de la neutralité de la justice ivoirienne, accusée par certains d’être à la solde du pouvoir politique. Ces dernières années, plusieurs procès d’assises ont vu comparaître des personnalités politiques de premier plan. Souvent très attendus, ils ont régulièrement alimenté la polémique.

« Ce n’est pas la justice. C’est une condamnation sans preuves ». Cette expression dépitée de Hubert Oulaye, ex-ministre de Laurent Gbagbo et baron du Front populaire ivoirien (FPI), prononcée lors de sa condamnation, ce 26 décembre, traduit un sentiment partagé par de nombreux observateurs.

Au cours des cinq dernières années, la justice ivoirienne a en effet prononcé des verdicts dont la pertinence, la justesse, voire la légalité, a souvent échappé au citoyen ordinaire comme à l’observateur averti. Retour sur cinq verdicts controversés qui continuent de poser la question de l’indépendance de la justice, dans un pays où celle-ci a la lourde charge de solder les comptes d’un conflit très politique.

26 décembre 2017

À l’issue d’un procès où les preuves matérielles et les témoins directs ont fait défaut, Hubert Oulaye, ancien ministre de la Fonction publique, jadis politiquement très actif dans sa région natale de l’ouest du pays, est condamné à vingt ans de prison ferme pour « complicité d’assassinat » de sept casques bleus de l’ex-Opération des Nations unies en Côte d’Ivoire (Onuci). Ceux-ci ont été tués le 8 juin 2012, dans un village ivoirien situé à la frontière avec le Liberia, lors d’une embuscade attribuée à des mercenaires libériens, en lien avec des miliciens ivoiriens favorables à Laurent Gbagbo.

Hubert Oulaye avait été arrêté en mai 2015, six mois après être revenu de son exil ghanéen. Il avait ensuite été libéré pour raisons médicales, début juin 2017. Il était poursuivi avec un coaccusé, Maurice Djiré, un villageois de 37 ans originaire de Guiglo (la ville natale de Oulaye), qui a été condamné à la même peine que lui pour les même faits. Après le verdict, alors qu’Hubert Oulaye est ressorti libre du tribunal, Djiré, lui, est retourné à la Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan (Maca).

La raison : tout en condamnant les deux hommes à vingt ans de prison ferme, la cour, dans son arrêt, n’a cependant pas décerné de mandat de dépôt à l’audience, de sorte que le statu quo ante a été appliqué aux condamnés.

14 décembre 2017

Le procès aux assises du magistrat Placide Kouassi Kouassi, accusé d’avoir tué, dans la nuit de Noël 2014, Habib Malick Fall, un jeune homme célèbre de Cocody (une commune huppée d’Abidjan), s’achève par un verdict plutôt inattendu : trente-six mois de prison pour « coup mortel et détention illégale d’armes et de munitions de catégorie 5 ». Le magistrat, qui avait déjà passé plus de trente-cinq mois en prison, devait donc être libéré peu après le jugement.

Un verdict qui semblait confirmer la gêne des magistrats lors de ce procès inédit, dans un pays où ceux-ci étaient jusque-là considérés, à tort ou à raison, comme des intouchables. Beaucoup d’indices laissent croire à une enquête bâclée, censée aboutir à un procès expéditif. En effet, à l’ouverture de l’audience, l’arme du crime avait mystérieusement disparu dans le tribunal, pour réapparaître un jour plus tard. D’autres indices ont disparu du service hospitalier où le jeune homme avait subi trois opérations avant de succomber à ses blessures, et l’expertise médico-légale faisait également défaut.

9 mars 2015

L’ex-première dame, Simone Gbagbo, est condamnée à vingt ans de prison ferme et dix ans de privation de ses droits civiques pour « atteinte à l’autorité de l’État, trouble à l’ordre public, participation à un mouvement insurrectionnel ». L’épouse de Laurent Gbagbo, partisane de la ligne dure du FPI lors du règne de son époux, était jugée avec 79 autres personnes dont des officiers supérieurs et des hommes politiques. Tous sont des proches de l’ancien président, détenu à la Cour pénale internationale (CPI), qui ont joué un rôle plus ou moins significatif lors de la crise post-électorale de décembre 2010 à avril 2011.

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