Côte-d’Ivoire: Que veulent les commandos armés qui sèment le désordre ?

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Par André Silver Konan | Jeune-Afrique

Alors que les mutineries n’ont pas toutes cessé, le pays fait face à une nouvelle forme de menace : celle de commandos d’hommes armés qui multiplient leurs attaques. Si les méthodes convergent, leurs objectifs, eux, semblent différents.

Les grandes avenues d’Abidjan ont été balayées ; les derniers coups de peinture viennent d’être passés ; un peu partout, des illuminations ont été accrochées… Ce 19 juillet, la capitale économique ivoirienne revêt ses plus beaux atours. Dans moins de quarante-huit heures doivent débuter les 8es Jeux de la francophonie.

Depuis la fin de la crise postélectorale, jamais la Côte d’Ivoire n’avait organisé un événement d’une telle ampleur. La plupart des 3 600 athlètes, des centaines de journalistes et des dizaines d’officiels sont déjà là. L’heure est donc à la fête lorsque, à 22 heures, les premiers coups de feu retentissent.

Ils proviennent de l’entrée de l’école de police, en plein cœur de Cocody, l’un des quartiers huppés d’Abidjan. Sur l’avenue, une vingtaine d’hommes vêtus de treillis tirent en l’air, braquant les voitures et menaçant les passants.

Si les autorités évoquent une simple négligence des forces de l’ordre, certains témoins parlent d’un commando armé, alimentant la psychose.

À l’intérieur du bâtiment, un groupe réussit à prendre le contrôle de la poudrière du Centre de coordination des décisions opérationnelles (CCDO, une unité mixte d’élite chargée de la sécurisation d’Abidjan et des grandes villes du pays).

Les assaillants parviennent à s’emparer d’un important stock d’armement et à s’enfuir, faisant un mort. Le commando était bien renseigné. Rien d’étonnant à cela : cinq de ses membres, qui seront arrêtés ultérieurement, appartenaient au bataillon blindé du camp militaire d’Akouédo, à Abidjan, et trois d’entre eux étaient mis à disposition du CCDO.

Quelques semaines plus tard, le 9 août, une vingtaine de détenus parviennent à s’enfuir du tribunal d’Abidjan. Ont-ils bénéficié de complicité ? Si les autorités évoquent une simple négligence des forces de l’ordre, certains témoins parlent d’un commando armé, alimentant la psychose.

Les attaques font trembler le pays

En moins d’un mois, six attaques ont secoué le pays. Quelques jours après l’assaut d’Abidjan, trois autres villes – Azaguié (à 40 km au nord d’Abidjan) le 22 juillet, Fresco (Sud-Ouest) dans la nuit du 28 au 29 juillet et Adzopé (à une centaine de kilomètres au nord-est d’Abidjan) le 4 août – subissent à leur tour des incursions armées.

Le scénario est toujours plus ou moins identique : un commando de dix à trente hommes, en civil ou vêtus de treillis des Forces armées de Côte d’Ivoire (Faci), s’attaque, l’arme au poing, à des postes de police ou de gendarmerie.

Au passage, ils « braquent » des services financiers de l’administration publique et des établissements privés. « Ils se sont assurés de ne tuer personne, se contentant d’enfermer policiers et gendarmes dans un local et de tirer en l’air pour effrayer la population, précise un enquêteur de la gendarmerie. Ces opérations ont également toutes été limitées dans le temps : pas plus d’une heure, généralement entre 3 et 4 heures du matin. »

Dans la nuit du 14 au 15 juillet déjà, des militaires avaient ouvert le feu simultanément au 4e bataillon d’infanterie de Korhogo (Nord) et au poste de contrôle de N’Dotré, dans la commune d’Abobo (district d’Abidjan).

Les autorités sont convaincues que certaines attaques sont coordonnées, même si leurs revendications sont différentes.

Les mutins convoitaient d’importantes quantités d’armes. Cette nuit-là, le bilan se chiffre à trois morts. Une violence meurtrière qui tranche avec les attaques sans effusion de sang d’Azaguié, de Fresco et d’Adzopé.

Le profil des assaillants, lui aussi, diffère : si certains raids venaient de militaires en activité, d’autres émanaient d’anciens combattants ayant réintégré la vie civile. À Korhogo, trois caporaux du 4e bataillon d’infanterie de la ville – soupçonnés d’avoir participé à l’attaque – ont été mis aux arrêts.

Tous trois sont d’anciens rebelles des Forces nouvelles qui ont été intégrés en 2011 aux Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI, devenues plus tard Faci). Quant aux militaires arrêtés après l’attaque de l’école de police d’Abidjan, au nombre de cinq, ce sont des sous-officiers issus du bataillon d’artillerie et d’infanterie d’Akouédo (Abidjan) et du bataillon blindé du CCDO, qui appartenaient aux ex-Forces de défense et de sécurité (FDS, appellation de l’armée nationale sous Laurent Gbagbo).

« Nous avons pu dresser le profil de trois groupes d’assaillants, révèle un officier général au fait du dossier : d’anciens combattants de la rébellion de Guillaume Soro reversés dans l’armée, des militaires toujours en poste qui s’étaient battus aux côtés du président Laurent Gbagbo et d’anciens combattants non intégrés à l’armée. Ce sont ces derniers qui ont mené l’attaque de Fresco. »

Retour de bâton envers ADO

Les autorités sont convaincues que certaines attaques sont coordonnées, même si leurs revendications sont différentes. À Korhogo, « quelques soldats ont cru devoir exprimer des récriminations [d’ordre financier] en se servant de leurs armes », a estimé dans un communiqué le général Sékou Touré, chef d’état-major des armées.

Ces mutins étaient furieux d’avoir été privés de la prime de 12 millions de F CFA (18 300 euros) accordée aux membres du contingent 8400 après leurs soulèvements de janvier et de mai.

À défaut de prendre le pouvoir, ils cherchent à le déstabiliser et à créer, au sein de la population, un sentiment d’exaspération vis‑à-vis des autorités. »

Les revendications du commando ayant sévi à l’école de police étaient plus politiques. L’un de ses membres était connu pour ses prises de position en faveur de Laurent Gbagbo. « Il ne cachait pas ses opinions, confie l’un de ses amis. Mais de là à prendre les armes, cela reste quand même surprenant. »

Le brigadier-chef Alain Sery Doua, arrêté après l’attaque qu’il dirigeait, a confié aux enquêteurs que les assaillants étaient regroupés au sein d’un mystérieux Comité national pour la défense du territoire (CNDT) et avaient prévu de s’attaquer ensuite au camp d’Akouédo. Mais le commando positionné devant ce camp n’a pas eu le courage d’attaquer, ce qui a grippé la stratégie globale du groupe.

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